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XV de France - Ethan Dumortier : "J’ai encore tellement de choses à prouver..."

Par Propos recueillis à Monaco par Nicolas ZANARDI
  • Ethan Dumortier, ailier du XV de France.
    Ethan Dumortier, ailier du XV de France. Icon Sport
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S’il admet volontiers avoir déjà rêvé de soulever le trophée Webb-Ellis, le jeune lyonnais ne s’est pas pour autant endormi sur ses lauriers, bien conscient que son après-Tournoi difficile avec son club sur fond de crise interne aurait pu l’écarter du groupe France, où sa présence pour la Coupe du monde n’est pas encore acquise.

Vous avez déjà vécu une préparation de Coupe du monde avec les U 20, assisté devant votre télé aux efforts de vos prédécesseurs. Mais qu’est-ce que cela donne, en vrai, une préparation de Coupe du monde ?

En vrai, ça fait vraiment très mal aux jambes et au souffle (sourire). Je ne peux pas dire que je sois complètement surpris non plus : j’ai commencé à connaître ce que peut donner une grosse préparation pour le Top 14 avec le Lou, cela avait aussi pas mal "tapé" avec les U20 même si le contenu était différent de ce que nous faisons avec les grands… C’est quelque chose d’intense, qui demande des efforts conséquents mais au fond, on sait pourquoi on les fait, et ça dépasse tout le reste.

Êtes-vous le genre de joueur à prendre du plaisir à ce travail-là ?

Je ne vais pas vous dire que je prends du plaisir sur le fond, mais j’arrive à en prendre à l’idée d’avoir travaillé dur et de me surpasser au quotidien dans l’objectif de faire partie du groupe des 33, d’abord, puis d’être champion du monde ensuite. Cette perspective m’obsède autant qu’elle me permet de trouver du plaisir.

Jusqu’à en rêver toutes les nuits ?

Je ne sais pas si j’en rêve toutes les nuits mais j’en ai déjà rêvé, oui. Ça, c’est une certitude. C’est quelque chose de tellement puissant, incroyable, de se dire qu’on a l’opportunité de réaliser quelque chose qui n’a jamais été fait dans l’histoire du rugby français… Avoir potentiellement la chance de participer à quelque chose d’aussi grand, ça reste incroyable. Et c’est sûr que tu en rêves.

Si on vous avait dit que vous seriez là il y a seulement un an, l’auriez-vous cru ?

Non, sincèrement, pas du tout. Il y a un an, jamais je ne me serais imaginé être là. J’étais plutôt sur un schéma de construction lente et ascendante, alors de là à prévoir que les étapes de cette ascension se passent si vite, c’était inenvisageable. Vraiment, si j’avais dû évoquer avec vous l’équipe de France en juillet 2022, je vous aurai répondu que mon objectif aurait éventuellement résidé dans la Coupe du monde d’après, en 2027. D’avoir la chance de pouvoir prétendre avec quatre ans d’avance à la Coupe du monde qui se disputera chez nous, en France, je ne peux pas être plus heureux.

Vous avez disputé le 6 Nations en l’absence de Gabin Villière. Celui-ci est désormais revenu, tandis que les jeunes poussent fort derrière. Craignez-vous l’échéance du 21 août à 13 heures ?

La réalité, c’est que rien n’est acquis, c’est pour cela que j’ai pu dire que je n’avais encore l’impression de faire partie à 100 % du groupe et que désormais, chaque entraînement comporte un enjeu personnel. Mon objectif pendant le 6 Nations était de me prouver, et de prouver aux entraîneurs que j’étais en mesure de suivre le rythme et de défendre ma place. Ça ne s’est pas trop mal passé, même si je sais que je suis capable de faire encore mieux. C’est pourquoi, lors de cette préparation pour la Coupe du monde je sais que je dois montrer encore plus, d’abord si je veux faire partie du groupe des 33, et ensuite avoir un rôle à jouer sur le terrain.

Les Coupes du monde font la part belle aux polyvalents. Vous avez déjà évolué à l’arrière ou au centre avec Lyon, jamais avec les Bleus. En avez-vous évoqué la possibilité avec le staff ?

J’en avais parlé avec eux pendant le Six Nations, déjà, parce que je suis conscient de l’importance des joueurs polyvalents dans un groupe réduit à 33, pour une compétition qui va aller puiser dans les ressources physiques de tout le monde. Je suis actuellement spécialisé à l’aile mais si je dois suppléer à d’autres postes comme celui d’arrière ou de centre, ça reste quelque chose pour lequel je travaille au quotidien. Pour l’instant, ça ne s’est pas encore vu avec les Bleus mais si j’ai la chance de pouvoir disputer cette compétition, je sais que ça reste possible.

Quels sont vos meilleurs atouts à vos yeux, dans la concurrence qui se profile ?

Chacun des joueurs avec qui je peux être considéré comme en concurrence a ses propres qualités, qu’il s’agisse de Gabin (Villière, NDLR), Damian (Penaud), Louis (Bielle-Biarrey) ou Emilien (Gailleton). C’est ce qui fait la force du groupe : chacun a des points forts qui le rendent un peu unique dans son profil. En ce qui me concerne, il y a cet aspect scoreur-finisseur que j’ai développé cette saison, d’abord, mes aussi mes capacités dans le jeu aérien et dans mon positionnement. Ensuite, c’est la même chose pour tout le monde : chacun cherche à exploiter ses qualités et à les faire coller au mieux aux systèmes proposés avec le XV de France pour nous intégrer au maximum au plan de jeu et être le plus efficace possible. Parce que ce qui compte, au final, c’est d’apporter ses qualités à un collectif pour rendre l’équipe la plus forte possible.

Lors d’un entretien que vous nous aviez accordé à votre retour du Tournoi, nous avions évoqué la difficulté du changement de statut et le retour au club. Comment avez-vous vécu ce moment délicat, avec le recul ?

C’était tout nouveau, et cela n’a pas été facile à gérer. Bon, vous me direz, au regard de ma courte carrière, il est logique que je découvre encore beaucoup de choses… Mais ce petit changement de statut me demandait encore plus d’application et de sérieux dans ce que je faisais, et malheureusement, ma deuxième partie de saison a été beaucoup moins bonne que la première. C’est la réalité, il n’y a pas de mal à le dire. J’ai appris cette année à disputer une saison entière de Top 14, avec tout ce que cela implique en matière d’enchaînement des compétitions et des rencontres. Je n’y étais pas habitué, et il a fallu que je fasse avec. C’est pourquoi mon prochain objectif sera de trouver une meilleure régularité dans mes performances et en cesser avec les hauts et les bas.

Cette fin de saison plus compliquée à titre individuel n’était-elle pas au final un mal pour un bien, puisqu’il vous aurait quoi qu’il arrive fallu passer par là un jour ?

C’est la vie de tout sportif que d’avoir des moments creux dans ses saisons, il faut simplement apprendre à ne pas douter pour les gérer au mieux. On ne peut pas être tout le temps au top. Comme vous le dites, pour voir le côté positif de la situation, cela m’a permis de comprendre comment je devais réagir dans une mauvaise passe : savoir retrouver les bases de mon jeu, qui sont de tenter des choses, d’essayer de faire des différences, d’insister. Durant cette période où je me suis retrouvé en difficulté, je me suis trouvé trop timide et j’en suis devenu moins visible sur le terrain, pour ne pas dire invisible. Cet épisode a été une énorme source d’apprentissage et va m’aider dans ma construction en tant que joueur, j’en suis convaincu. Savoir gérer les moments compliqués, c’est tout aussi important, voire plus, que ceux où on est sur le devant de la scène parce que tout nous réussit. C’est dans ces moments où il faut savoir revenir à ses bases et continuer à s’entraîner dur pour ne pas perdre le fil.

On a aussi eu l’impression que vous avez pu souffrir du contexte particulier de la saison du Lou, d’autant que vous aviez à titre personnel une bonne relation avec votre manager Xavier Garbajosa…

J’avais une très bonne relation avec Xavier, c’est vrai, mais mon job consiste d’abord d’être le plus performant possible individuellement pour me mettre au service de l’équipe. Il est évident que les petits soucis que nous avons connus en interne ont influé sur le groupe mais en tant que jeune joueur, j’estime que mon rôle dans ce moment était de me concentrer sur mon jeu pour aider le groupe à s’élever, pas à me mêler de l’extra-sportif. Je ne veux pas me servir de cette excuse pour me cacher au sujet de ma mauvaise fin de saison : comme je n’avais pas de conflit particulier avec le staff ou qui que ce soit, je ne peux pas dire que ça m’a affecté plus que ça. Ce qui s’est passé après, ça fait aussi partie des aléas du rugby pro…

Cette saison s’est conclue pour Lyon sur un échec majuscule, avec cette défaite à domicile face à l’UBB en barrages. Cette expérience-là peut-elle aussi vous servir ?

Ça a été difficile, très difficile. On a charbonné toute la saison pour s’offrir une chance de vivre des moments exceptionnels, et ça s’est arrêté bien trop vite à mon goût, à domicile qui plus est… C’est le genre d’échec qui fait mal, car je pense qu’on avait encore de quoi prouver à plus haut niveau. Mais ça aussi, ça fait partie de la vie d’un sportif que de connaître des désillusions. Donc oui, j’espère que cet échec va nous servir pour plus tard, ne serait-ce que pour ne plus vouloir connaître cette sensation-là.

Qu’en avez-vous retenu d’autre ?

C’étaient mes premières phases finales, c’était forcément particulier. J’ai notamment appris, en termes de stratégie, comment l’approche d’un match était différente en phases finales que lors de la phase régulière. Ça doit me servir à construire mon panel d’expérience, que j’espère pouvoir réutiliser si j’ai la chance un jour de me retrouver à nouveau dans ce genre de situation.

Avez-vous craint, au vu de votre deuxième partie de saison, de manquer le wagon du groupe des 42 ?

Ce serait mentir que de vous dire que je n’ai pas craint que mes performances moins convaincantes me soient préjudiciables… En tant que jeune joueur pour qui tout est encore très, très loin d’être acquis auprès de l’équipe de France, il était naturel que j’aie quelques doutes. Heureusement, on m’a malgré tout donné la chance d’être là, alors je vais essayer de la saisir en me donnant les moyens de faire quelque chose de bien. Je veux démontrer que je ne suis pas là pour rien, et que ce n’est pas simplement parce que j’étais là durant le Six Nations que je suis là aujourd’hui. J’ai encore tellement de choses à prouver…

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Les commentaires (1)
CasimirLeYeti Il y a 9 mois Le 20/07/2023 à 18:30

La polyvalence ça se travaille d'abord à l'entraînement, donc si le Staff souhaite que ce joueur le soit, il faudra bien l'essayer pendant cette préparation...