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Pro D2 - Maxime Delonca se confie sur sa dépression : "Je n'étais pas moi, j'étais mort de l'intérieur"

Par Pablo Ordas
  • Maxime Delonca a traversé une période de dépression ces derniers mois.
    Maxime Delonca a traversé une période de dépression ces derniers mois. Icon Sport
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Il y a quelques mois, Maxime Delonca (35 ans) a fait une profonde dépression. Maintenant qu’il remonte la pente, le talonneur de l’US Dax a accepté d’évoquer cette maladie encore taboue, pour mettre en garde ses alter ego et les inciter à parler lorsque ça ne va pas.

Maxime, vous vous dirigez vers ce qui semble être la dernière saison de votre carrière. Comment l’appréhendez-vous ?

Je suis content de rechausser les crampons pour une saison, car la fin d’année dernière a été très frustrante pour moi, étant donné que je me suis blessé à six journées de la fin. Je suis extrêmement fier de ce que les gars ont fait, de leur parcours et de tout ce qu’ils ont donné au club. De mon côté, j’ai traversé une période très compliquée, j’ai fait un gros burn-out avec une dépression d’octobre à mars. Je n’étais pas bien, mon corps a lâché et je me suis blessé. Je remercie tous les jours ma femme et mes enfants d’être restés à mes côtés, de m’avoir supporté et d’avoir encaissé tout ça.

Pour quelle raison avez-vous fait cette dépression ?

J’ai perdu mon grand-père en août dernier, c’était comme mon père, mon idole. Ça a été très dur. Dax me sollicitait beaucoup, les autres talonneurs étaient blessés, je jouais tous les matchs. Il faut s’investir sur le terrain, dans le vestiaire. J’ai enchaîné les rencontres, la fatigue mentale et nerveuse et ça a pété. J’ai vu un psychologue, j’ai pris des antidépresseurs. Là, je remonte la pente. Quand il t’arrive un truc comme ça, tu es tout seul, comme un con.

Outre la perte de votre grand-père, d’autres éléments ont-ils compté ?

À l’Aviron bayonnais, ça s’est terminé sans un remerciement du président ou un appel de Grégory Patat pour me dire qu’il ne me gardait pas. Après, je ne voulais pas rester là-bas, car j’étais arrivé en bout de course avec Yannick Bru, mais le manque de communication m’a fait du mal. Je suis un mec qui garde tout pour lui et toutes ces émotions négatives me sont montées au cerveau, qui a fini par lâcher. Je ne pensais pas que ça pouvait m’arriver un jour.

Pendant votre dépression, vous avez continué à jouer…

Ce qui est terrible, c’est que je ne voulais plus rester chez moi. J’avais complètement zappé ma femme, mes enfants. C’est très dur d’abandonner les gens que tu aimes. À côté de ça, Dax me demandait beaucoup, je ne voulais pas décevoir les gens qui comptaient sur moi. Sur le terrain, de janvier à mars, je parlais moins dans le vestiaire, j’étais moins présent. Arnaud Aletti est venu me voir pour me demander si ça allait. Jeff Dubois m’a convoqué dans son bureau pour savoir si quelque chose n’allait pas. Mais je niais tout et sur le terrain, je faisais des matchs de merde. Ce n’était pas moi. J’étais présent physiquement, mais mentalement et psychologiquement, je n’y étais pas.

Vous avez tout nié par pudeur, ou car vous étiez dans le déni ?

J’étais dans le déni complet. J’ai fait n’importe quoi, j’ai craqué complet, j’ai tout lâché et j’ai la chance d’avoir la femme que j’ai, car elle est restée. J’aurais pu tout perdre.

Quel a été le déclic ?

Après mon opération, en mars, ma femme m’a pris rendez-vous chez le docteur, qui m’a dit que j’avais fait un gros burn-out avec une dépression. Tu es obligé de sourire devant les gens, de faire croire des choses et quand tu rentres à la maison, tu es une merde, tu n’es pas bien, tu as des idées noires. Tu n’as pas envie de montrer aux gens que tu es faible. Nous, les joueurs de rugby, on se dit qu’on est très fort, dur, formatés au plus haut niveau, mais force est de constater que nous ne sommes que des hommes. Même à 35 ans, ça peut arriver.

Quelles furent les conséquences sur votre comportement ?

J’étais dans un état second, fatigué mentalement, physiquement. Je n’étais pas moi. J’étais mort de l’intérieur, je n’avais plus d’émotions, plus rien. J’étais vide. C’est terrible, pour moi, d’en reparler, car ça me fait remonter des trucs.

Vous étiez en Pro D2, vous aviez gagné votre place en Top 14 avec Bayonne et vous vous êtes retrouvé en Nationale. Cela a-t-il compté ?

Non, car j’ai toujours rêvé de revenir à Dax. Je suis catalan de naissance, mais Dacquois d’adoption. À 35 ans, je préfère finir ma carrière dans un club que j’aime. J’aimais l’Aviron, il n’y a pas de souci, mais en Top 14, le niveau est incroyable, les mecs sont formatés physiquement ou mentalement. Moi, je suis encore de la vieille école. Ici, je suis aimé par les gens, les joueurs, le staff. Ça n’a pas joué du tout dans ma dépression.

Et votre blessure ?

Ça a été très, très dur. Je me blesse à Blagnac en tombant, on me trouve une déchirure au triceps. Deux semaines après, on me dit que je peux reprendre et je prends un coup à la musculation. On m’a trouvé une rupture totale, il fallait opérer, j’ai fini la saison et j’en ai pris pour sept mois. L’évolution a été compliquée, car j’ai vu le truc m’arriver en pleine gueule.

Pendant votre blessure, étiez-vous au club ?

Le staff et les joueurs m’ont demandé de rester à leur contact. Je suis allé au stage à Soustons, j’ai entraîné les talonneurs en touche, je faisais des discours, mais c’était différent, car je ne jouais pas.

Avez-vous été transparent avec vos coéquipiers, pendant votre dépression, pour leur dire ce que vous traversiez ?

Non. J’en ai parlé à Arnaud Aletti, Théo Trémeau, Etienne Loiret, Mattieu Bidau, des mecs avec qui je m’entends super bien. J’en ai parlé avec Jeff Dubois, ma femme l’a appelé, pour lui expliquer ce que j’avais traversé. Maintenant, le staff est sensibilisé là-dessus. D’ailleurs, les entraîneurs sont venus s’excuser de m’avoir trop fait jouer, ce à quoi je leur ai répondu que c’était ma volonté. Ce n’était pas de leur faute. Quand la dépression arrive, il faut en parler de suite, car c’est une maladie très grave. Moi, j’ai eu de la chance, mais il y en a qui font des choses bien pires.

Encore faut-il savoir que l’on traverse une dépression…

Exactement, c’est pour ça que c’est très dur. Les gens te voient dépérir, mais ils n’osent pas venir te voir pour te dire que ça ne va pas. Toi, tu ne veux pas en parler, car tu préfères tout garder. Pendant cette période, j’étais très mal à l’intérieur, mais je me devais de motiver les mecs. J’avais besoin de ça pour leur montrer que je les aimais. Je n’ai pas fait ça avec mes enfants ou ma femme, c’est très dur, ça fait mal. C’est bizarre, mais j’ai eu envie de détruire tout ce que j’avais construit. Ma femme est exceptionnelle, mes enfants sont géniaux, mais je me sentais comme une merde par rapport à eux. J’avais envie d’être seul.

Les rugbymen sont-ils assez mis en garde sur les dangers de la dépression ?

C’est un sujet tabou. Plein de joueurs en parlent, bien après. Je pense que quand ce genre de chose arrive, tu as besoin d’être seul et de ne pas en parler, alors qu’il faut faire tout le contraire. Il faut se forcer à aller voir des gens compétents au moindre signe, car ça part au quart de tour. Là, au CERS, je vois encore la psychologue, ça me fait du bien.

Vous allez terminer en Pro D2, là où vous avez fait presque toute votre carrière…

Oui et j’en suis très heureux. Dax, c’est un club familial, j’aime les dirigeants, les bénévoles. Il n’y a pas de gangrène. C’est ce qu’il me fallait pour finir. Je retrouve un club avec beaucoup de partage, d’humain. Les joueurs sont exemplaires. Même s’ils n’ont pas l’expérience de la Pro D2, je sais qu’ils vont tout donner pour le maillot l’an prochain.

Comment envisagez-vous la suite ?

Si physiquement je me sens bien et que le staff me propose une saison supplémentaire, il faudra voir ça avec ma femme, mais pourquoi pas ! Ensuite, pourquoi ne pas devenir consultant pour Canal+ (rires). Comme Isabelle Ithurburu arrête, peut-être qu’ils cherchent quelqu’un pour présenter l’émission ! Plus sérieusement, je réfléchis à passer un diplôme d’entraîneur. Je pense avoir la fibre pour ça. J’aime transmettre aux jeunes talonneurs, alors pourquoi pas un rôle spécifique sur la touche, car ça a toujours été mon point fort.

Le jour où vous raccrocherez les crampons, que voudriez-vous que l’on retienne de vous ?

Que j’étais quelqu’un de simple, qui n’a jamais été le meilleur joueur du monde, mais qui a toujours tout donné pour chaque équipe où il a joué. Mon caractère de râleur, c’était ma marque de fabrique. Je voudrais qu’on retienne que j’étais un mec entier, qui aimait les gars avec qui il jouait.

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Les commentaires (1)
dupinsurlaplanche Il y a 10 mois Le 18/07/2023 à 08:48

Courage à vous ! Ça doit pas être évident quand on est sportif de haut niveau, et qu'on doit être à 200% ! Mais comme beaucoup ont tendance à l'oublier les rugbymans son des êtres humains avec leurs sensibilités et leurs problèmes, et non des machines !