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Grand entretien. Top 14 - Julien Laïrle : "À Bordeaux, j’ai pris dix ans en sept mois"

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Propulsé à la tête du staff bordelo-bèglais suite au départ de Christophe Urios en novembre dernier, Julien Laïrle est revenu longuement sur cette saison sous haute tension. S’il souhaite garder le côté positif de cette expérience, il ne cache pas qu’elle ne fut pas de tout repos. Aussi, il tient à rendre hommage à Christophe Urios.

Le repos était primordial pour vous après cette aventure chargée physiquement et émotionnellement ?

C’est vrai que depuis que je suis en Top 14, ces repos sont importants mentalement. Ça nous permet de prendre un petit peu de recul sur notre saison. C’est quelque chose que je fais seul. Nous passons tellement de temps ensemble tout au long de la saison qu’avec Fred (Frédéric Charrier, NDLR), qu’on se dit que quatre semaines, ça ne serait pas de trop pour ne plus se voir (rires). Nous avons discuté un petit peu ensemble mais maintenant, nous changeons complètement de projet, nous repartons avec Christophe et un nouveau statut.

Revenons sur cette saison justement, qui a été faite de hauts et de bas. Avec le recul, comment l’analysez-vous ?

Malgré cette frustrante défaite en demi-finale, nous avons su garder le cap que nous nous étions fixé lors de ces quatre années. J’ai besoin de parler du staff qui était quand même celui de Christophe Urios, il ne faudra pas qu’on l’oublie. Je pense que la première des choses à souligner est l’état d’esprit du groupe sur le terrain. Ça, tu ne l’apprends pas en sept mois, c’est une culture qui a été développée par le staff et Christophe. C’est ce qui nous a permis de tenir dans cette tourmente et cet environnement qui était plutôt négatif autour de nous.

Julien Laïrle lors du barrage de Top 14 entre Lyon et Bordeaux-Bègles
Julien Laïrle lors du barrage de Top 14 entre Lyon et Bordeaux-Bègles Icon Sport - Icon Sport

Frédéric Charrier a dit que ce qu’il a manqué à l’UBB pour aller plus loin… c’était Christophe Urios. Qu’en pensez-vous ?

Je pense que l’éviction de Christophe n’est pas liée aux résultats sportifs. Parce que si les résultats sportifs avaient été un problème et que la compétence du staff et de Christophe avait été un problème, je pense que pour sauver l’UBB, on aurait changé le staff ou du moins mis un autre manager à sa tête. C’est ce qu’ont fait tous les autres clubs qui ont changé de manager. Donc je pense que tout le monde était conscient que le boulot mis en place durant ces trois ans et demi était cohérent et que ce qu’on faisait sur le terrain était validé par les joueurs. Les joueurs auraient pu demander à ce que le staff sorte parce que la compétence n’était pas là, et ce n’a pas été le cas. Ceux qui ont amené l’UBB en demi-finale pour la troisième saison consécutive, c’est le staff de Christophe Urios et personne d’autre.

Trouvez-vous que la direction s’est trompée à ce sujet ?

Quand tu fais un peu le point, c’était évident de sortir Christophe du groupe à ce moment-là car le classement du club permettait de justifier son départ. Mais l’éviction de Christophe est survenue après la défaite à Pau, alors que nous sommes allés jouer ce match avec quatre espoirs sur la feuille et un effectif complètement chamboulé. Nous étions onzièmes donc oui, les résultats n’étaient pas au beau fixe mais après tu recevais Perpignan, Brive, Bayonne et Montpellier… Nous n’avions qu’une seule défaite à domicile, même si à l’extérieur nous étions un peu plus en difficulté. Ces trois matchs qui ont suivi nous ont permis de nous propulser sur le haut du tableau et forcément quand tu es dans le top 8, il est plus difficile de sortir un manager.

Il y avait une atmosphère morose depuis le fameux match à Perpignan il y a deux ans ?

Plus que Perpignan, je pense que c’est une rupture avec le président après la demi-finale contre Montpellier qui a fait que c’était "inévitable". Pour nous-mêmes, le staff, notre prolongation de contrat a été remise en cause après la demi-finale contre Montpellier.

Top 14 - Face à Pau, Christophe Urios a vécu son dernier match à la tête de l'UBB
Top 14 - Face à Pau, Christophe Urios a vécu son dernier match à la tête de l'UBB Icon Sport - Icon Sport

Laurent Marti a récemment dit qu’il aimerait que l’UBB retrouve un jeu offensif que le club a perdu ces dernières années. Que pensez-vous de cette déclaration ?

Elle est forte. C’est une déclaration qui montre qu’à ses yeux, le staff rugby n’avait pas les compétences pour mener à bien le projet de l’UBB et mettre en place des idées de jeu et de rugby qu’a Laurent Marti.

Le départ d’Urios vous a propulsé à la tête de l’équipe avec Frédéric Charrier, comment l’avez-vous vécu ?

Ça a été un rôle très particulier parce que les joueurs se sont forcément retrouvés au-devant de la scène. Nous avons vécu une saison plus en cohabitation qu’avec un véritable rôle hiérarchique. Maintenant, une autogestion des joueurs, je pense que ça peut marcher sur deux ou trois mois mais je pense que sur sept mois, ça va au-delà de l’autogestion, malgré ce que j’ai pu le lire dans certains journaux ou entendre de la part de certaines personnes du club.

Était-ce la saison la plus intense de votre carrière ?

Intense, je ne sais pas mais disons que j’ai pris dix ans en sept mois. Parce que tu vis dans un environnement toxique, tu ne te construis qu’autour du fait que « les gens » veulent te voir échouer, te casser la gueule. D’un autre côté, c’est ce qui a été notre slogan pour finir au mieux la saison. Il fallait que ce ne soit pas une saison de transition et que personne ne revive ce qu’il s’est passé il y a cinq ans, quand l’UBB finissait dixième après avoir pris 80 points à La Rochelle. Il fallait être des rebelles. En six ans de management à Angoulême, je n’avais jamais travaillé comme ça. Mais ce fut une expérience hyper intéressante et enrichissante. Avoir travaillé avec des joueurs comme Jandre Marais, Kane Douglas, Maxime Lucu ou Matthieu Jalibert, m’a fait énormément apprendre. C’est une expérience qui va me nourrir dans une autre façon de travailler.

Vous êtes-vous redécouvert à titre personnel ?

J’ai une façon de fonctionner dans laquelle la hiérarchie prime sur tout. Certaines personnes l’ont peut-être oublié mais j’ai été éduqué dans un fonctionnement où les dirigeants dirigent, le président préside, le manager manage et les joueurs jouent. Dans ma façon de penser le rugby, c’est très important. J’ai encore besoin d’apprendre sur la gestion des hommes et je trouve que Christophe est un meneur d’hommes hors pair. C’est aussi pour cela que j’ai fait le choix de Clermont.

Vous aviez eu des contacts pour être manager dans d’autres clubs, c’est quelque chose qui pourrait vous tenter à l’avenir ?

Évidemment qu’être manager d’un club est quelque chose que j’aime mais le contexte actuel ne me donne pas énormément envie de le devenir. Quand je vois l’épisode Xavier Garbajosa, celui Christophe Urios ou celui Pierre-Henry Broncan… Aujourd’hui tu te poses des questions : quel est le statut du manager en Top 14, quelle est sa position vis-à-vis des joueurs par rapport au président ? La principale raison pour laquelle je ne le serai pas prochainement, c’est aussi que j’aime trop le terrain et être avec les joueurs. Et quand tu es manager, tu ne peux pas te le permettre.

Top 14 - Xavier Garbajosa a été licencié de Lyon à l'issue du barrage face à l'UBB
Top 14 - Xavier Garbajosa a été licencié de Lyon à l'issue du barrage face à l'UBB Icon Sport - Icon Sport

Aviez-vous des contacts avec Christophe Urios au cours de la saison ? Peut-être pour des conseils…

Non pas de contacts.

Vous vous êtes pourtant affrontés lors d’un UBB – Clermont cette saison…

C’était un moment assez spécial, surtout quand tu considères que la situation de Christophe était un peu une injustice au vu du travail effectué pendant quatre ans. Je pense qu’il peut être fier de son projet, parce qu’il a amené de la stabilité et de la constance. Et j’espère que pour cela, les Bordelais lui diront quand même bravo.

Comment le voyez-vous ? Comme votre ami ? Votre grand frère ? Votre mentor ?

Comme mon manager. C’est mon patron. Moi, je suis là pour apporter mes idées et faire en sorte que son projet fonctionne au mieux. Évidemment, c’est un patron avec qui je m’entends bien, pour qui j’ai beaucoup de respect par son travail et son CV. Je considère que c’est quelqu’un qui est cultivé, riche d’expérience et surtout ce que j’aime chez lui, c’est qu’il est dans l’échange, dans le partage. Il veut faire grandir les gens qui sont autour de lui. En plus, il nous donne énormément de responsabilités. Avec Fred, nous devons être les seuls entraîneurs de Top 14 à s’occuper du jeu des trois-quarts et de l’attaque et du jeu des avants et de la défense. À Clermont, je m’occuperai de la touche, des avants, de la défense, des sorties de camp et peut-être de la mêlée.

Vous avez conscience du personnage qu’il est tout de même ?

Ce que j’ai appris en quatre ans avec Christophe, c’est qu’avec lui c’est blanc ou noir. Ne croyez pas, j’ai pris des tirs terribles à Bordeaux et ça m’est arrivé de finir dans le bureau à six heures du matin en lendemain de match. Mais il a toujours été constructif, calme, dans l’esprit de me faire évoluer. Il y a aussi cette partie « être droit ». Christophe, s’il y a un problème, il vient te le dire, tu ne te poses pas 200 000 questions. Ce côté vrai fait que tu travailles en confiance dans un monde où on te tire souvent plus par derrière que par devant.

Il sait aussi dire quand les choses vont bien ?

J’ai une jolie anecdote : cette année avant de jouer le Racing 92, on s’était un peu accroché car nous n’étions pas du tout d’accord sur le système de touche avec Christophe. Finalement, nous faisons 100% en touche et dès le coup de sifflet final, il est venu me voir pour me féliciter et me dire que j’avais fait du super boulot.

Vous le rejoignez donc à Clermont, tout comme Frédéric Charrier. Qu’attendez-vous de ce nouveau projet ?

J’attends de voir une nouvelle configuration de club, une nouvelle façon de fonctionner, travailler un staff qui sera différent. S’enrichir en travaillant avec de nouveaux joueurs également. Je sais que les attentes clermontoises sont fortes, qu’on attend beaucoup de nous. Mais c’est une pression positive qui te permet d’avancer quand tu es un compétiteur. Je suis très content de rejoindre Clermont, qui a une histoire forte et une culture forte. Reprendre un peu le terrain et laisser un peu la partie organisation va me faire du bien aussi ! (rires)

Top 14 - Julien Laïrle et Frédéric Charrier seront ensemble à Clermont la saison prochaine
Top 14 - Julien Laïrle et Frédéric Charrier seront ensemble à Clermont la saison prochaine Icon Sport - Icon Sport

On dit que ces dernières années, l’ASM est en perte de vitesse. Cette saison, il y a les départs des historiques Penaud et Iturria. Comment relancer ce club ?

Il faut casser un peu ce qui a été fait ces dernières années, même s’il y avait eu du travail. Il faut changer un peu les codes, la façon de travailler. C’est un club qui a été soumis à des problématiques financières parce qu’il y avait beaucoup de joueurs vieillissants, anciens internationaux, qui prenaient beaucoup sur la masse salariale. De l’extérieur, je crois que Christophe a amené ce renouvellement au niveau des joueurs et notamment du paquet d’avants. Il y aura une forte attente concernant le pack car c’est là où le plus gros recrutement a été fait. C’est aussi la culture du club, le monstre clermontois à seize pattes. Après, comme pour tous les projets, il faut prendre le temps de la construire. Les ingrédients seront les mêmes que ce qu’on a fait à l’UBB : ramener de la rigueur, une certaine hiérarchie au sein du club et travailler. Oui, certains très bons joueurs ont quitté le club mais d’autres arrivent. Il y a peut-être plus d’expérience, moins de fulgurances.

Êtes-vous revanchard ?

Absolument pas. Je trouve que nous avons fait notre boulot pendant quatre ans à Bordeaux. Nous sommes déçus de ne pas avoir cassé le plafond de verre de la demi-finale mais nous avons fait partie des quatre meilleures équipes du Top 14 pendant quatre ans.

Avez-vous un regret ?

La demi-finale perdue contre La Rochelle est mon plus gros regret. Qu’on le veuille ou non, nous aurons toujours cette bête noire rochelaise qui nous a donné l’impression que nous ne pouvions pas les battre. Mais au-delà de ça, j’ai pris beaucoup de plaisir à Bordeaux, même si je ne pars pas forcément heureux. J’ai de la tristesse de quitter quelques joueurs mais aussi le staff même si nous nous sommes « bagarrés » énormément. Il y a certaines personnes que je prendrai plaisir à retrouver. Ce n’était pas facile de partir de Bordeaux parce que nous étions dans un club avec un public fantastique, dans un stade génialissime. J’ai adoré le public, quand tu vois que les mecs sont là matin, midi et soir pour te soutenir… J’ai passé quatre années fantastiques et je pars avec plus de tristesse que de joie.

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