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Coupe du monde 2023 - Reda Wardi, l’haltère mondialiste : portrait du pilier gauche du XV de France

Par Vincent Bissonnet (avec R.A)
  • Reda Wardi après la victoire historique à Twickenham lors du Tournoi 2023
    Reda Wardi après la victoire historique à Twickenham lors du Tournoi 2023 - PA Images / Icon Sport
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À bientôt 28 ans, Reda Wardi ne cesse de s’affirmer comme un pilier gauche de haut niveau. Le Montpelliérain d’origine s’est en bonne partie construit grâce à un appétit féroce pour la musculation et la préparation physique.

"J’ai fait quoi ? Deux matchs, ce n’est rien du tout. C’est surtout l’émulation de ce groupe qui m’a porté…" La scène remonte à janvier 2023. À l’Apivia Parc, antre privilégié du Stade rochelais, Reda Wardi avait évoqué, du bout des lèvres, ses premiers pas remarqués sur la scène internationale, deux mois plus tôt. Sa première titularisation face au Japon et encore plus son baptême du feu face à l’Afrique du Sud championne du monde, avec cinquante minutes de très haut niveau de sa part, méritaient autant d’éloges qu’elles recelaient d’espoirs pour la suite : "La Coupe du monde ? Je n’ose même pas en parler, nous rétorquait-il avec une humilité fleurant bon la sincérité. J’essaye juste de développer des qualités qui peuvent me permettre de jouer au plus haut niveau. Après, est-ce que mon profil correspond ? Ça, ce sera aux coachs de le décider."

Depuis le début de l’année, le pilier gauche de 27 ans - il en aura 28, le 2 août - n’a eu de cesse de confirmer sa montée en puissance : il a solidement assumé le rôle de doublure de Cyril Baille pendant le Tournoi des 6 Nations et a massivement contribué au deuxième sacre européen de La Rochelle. Sa saison se conjugue au presque parfait : l’Héraultais d’origine a été une des clés de voûte de la mêlée la plus performante du continent, avec une constance épatante (sur 31 matchs, qui plus est), il a plaqué avec 93 % de réussite, s’est illustré balle en main (146 charges, 16 défenseurs battus, 3 « try assists »…). Sa légitimité dans le groupe France et ses chances de représenter la nation cet automne lors de la compétition suprême s’en trouvent renforcées. Lui le premier y croit à peine : "Quand j’ai commencé, je voulais devenir pro, ça n’allait pas plus loin."

L’évocation des premiers frissons ramène Reda Wardi dans sa ville d’origine, en 2007, année de la dernière Coupe du monde dans l’Hexagone. Le parallèle va au-delà de la simple coïncidence : "C’est à ce moment-là que j’avais découvert le rugby. Il y avait eu des rencontres du Mondial à Montpellier. Je pense que ça a un peu joué. Il y avait alors aussi eu une initiation organisée au collège par mon professeur de sport. Ça m’avait plu. Dans la foulée, je m’étais inscrit au club." Après le football, la natation, le taekwondo ou le basket, Reda Wardi allait ajouter une autre discipline, plus méconnue, à sa galerie de sports : "J’adorais me dépenser. Ma mère avait voulu m’inculquer l’esprit du sport, c’était important à ses yeux. J’aimais faire de tout. Dans les autres sports, j’étais bien. Mais, le rugby, je ne connaissais pas du tout." Autrement dit, sa marge de progression était considérable : "C’est sûr que j’étais un ton bien en dessous de mes coéquipiers, reconnaît-il avec le recul. La plupart des autres avaient les bases, ils étaient là depuis des années."

"Je faisais 75 kg au début, j’avais un physique normal"

L’envie de réussir anime déjà le garçon. Elle va l’amener à pousser son corps dans ses retranchements : "J’ai eu le déclic quand je me suis penché sur toute la partie préparation physique. C’est ce qui m’a permis d’évoluer plus vite." Au cœur de l’adolescence, Reda Wardi change de dimension, au sens propre du terme : "Je faisais 75 kg au début. J’avais un physique normal. Puis je suis venu à la musculation, avec un très bon pote et son grand frère. À 15-16 ans, très peu de joueurs en faisaient à côté. À cet âge-là, on prend facilement avec la croissance. À 18-19 ans, je n’étais pas loin du gabarit que j’ai maintenant." Le Montpelliérain s’appuie sur son entourage pour s’élever : ses amis, ses entraîneurs et deux femmes aux conseils bienvenus. "J’ai travaillé avec Sylvie Messina, une championne internationale de bodybuilding. Elle était déterminée, elle connaissait bien son domaine. Avec trois, quatre potes, on avait l’habitude de travailler avec elle, quitte à se faire de longues journées jusqu’à 22 heures. On s’envoyait à fond. Et en parallèle, ma mère a donné beaucoup de sa personne pour que j’aie une bonne alimentation, une bonne hygiène de vie." Au fil des années, le petit Reda Wardi casse les codes et les barrières : "Sur le terrain, je me sentais meilleur. Je me déplaçais mieux, j’étais plus fort physiquement… Je ne sais pas si on peut parler de prise de conscience mais j’ai pu jouer davantage, gagner en confiance…" Et trouver la place qui devait être la sienne : "J’ai débuté troisième ligne avant de passer deuxième ligne. Je me souviens, je sautais en touche. Mais vu ma taille et mon gabarit, il était logique que je passe pilier." Une évidence sur le plan physique mais aussi mental pour cet authentique forçat, tombé amoureux de la mêlée dès le premier impact : "C’est ce secteur que je préfère. Ça représente tellement de choses : il y a la partie cohésion, solidarité du pack et il y a également la notion d’épreuve de force, physique, psychologique. Quand on voit que ça peut changer le cours d’un match…"

Reda Wardi sous les couleurs rochelaises face aux Saracens en 2023
Reda Wardi sous les couleurs rochelaises face aux Saracens en 2023

À 20 ans, Reda Wardi se sent prêt à passer le cap. Il en a envie, besoin même : "à Montpellier, le projet de rester en Espoirs ne me convenait pas. Je voulais performer, me tester. Béziers m’appelait depuis quelque temps, c’était à côté de chez moi… Pour mon évolution, c’était important que je fasse mon trou en Pro D2. Physiquement, j’étais déjà apte." En quatre saisons et cinquante-neuf matchs sous les couleurs biterroises, il obtient ce qu’il était venu chercher : quelques cicatrices et autant de leçons à retenir. "Je n’ai pas énormément joué la première année mais après, j’ai bien enchaîné. L’expérience est venue au fil des matchs, avec les conseils des coéquipiers et l’accumulation des matchs. Je me rappelle notamment des affrontements avec Wihongi."

O’Gara : "Reda s’est regardé dans une glace"

Quand Reda Wardi met le cap sur La Rochelle à l’été 2019, l’encadrement maritime est confiant sur la pertinence du recrutement. En connaissance de cause. Romain Carmignani, un de ses mentors au Stade de la Méditerranée, revenu en juillet 2018 à Deflandre, s’en est volontiers porté garant : "On m’a demandé ce que je pensais de lui, relatait l’entraîneur des avants, au printemps 2021. Reda, on peut y aller les yeux fermés. C’est sa force de caractère et sa culture autour du travail qui lui permettent d’être à ce niveau-là. Cette capacité à, tous les jours, venir travailler et chercher quelque chose, c’est… incroyable, incroyable, incroyable. À force d’empiler tous les jours, Reda dépasse beaucoup de mecs qui étaient plus talentueux que lui au départ." Ses entraîneurs et partenaires en jaune et noir ont appris à le découvrir, sous toutes ses impressionnantes facettes : "Reda s’est regardé dans une glace pour voir comment progresser. Il a travaillé tous les éléments : sommeil, nutrition, musculation, puissance, rugby", loue Ronan O’Gara. "Franchement, Reda, c’est une machine ! Tu ne peux pas faire mieux que ce qu’il a fait", apprécie le spécialiste de la préparation physique, Philippe Gardent. Même Grégory Alldritt finit par s’en étonner : "Reda, c’est toujours le dernier à sortir de la salle de muscu, du terrain d’entraînement. S’il peut venir les jours « off » faire des skills ou du physique, il le fait."

Lui n’en tire aucun autre profit que son bien-être et son rendement : "C’est devenu habituel pour moi, c’est ma routine, rétorque-t-il comme si de rien n’était. Je me sens mieux quand je me rajoute des séances. Je suis centré sur la performance rugbystique, je n’ai pas d’obsession par rapport à mon corps en tant que tel." La somme de tous ses efforts le place aujourd’hui parmi les références du poste et l’archétype du pilier moderne, à la fois rugueux et dynamique, mobile et résistant : "Même si Cyril Baille est l’un des meilleurs gauchers du monde, je pense que Reda n’a pas de limites, avance Gurthrö Steenkamp, l’entraîneur de la mêlée rochelaise. C’est un joueur extraordinaire. Il va marquer son territoire en France." Et peut-être même bien au-delà.

Digest

Né le : 2 août 1995 à Montpellier

Mensurations : 1,85 m, 110 kg

Poste : pilier gauche

Clubs successifs : Montpellier (2007-2015), Béziers (2015-2019), La Rochelle (2019-...)

Sélections nationales : 6 en équipe de France

1er match en sélection : à Marseille, le 12 novembre 2023, France - Afrique du Sud (30-25)

Points en sélection : 0.

Palmarès : vainqueur de la Champions Cup en 2022 et 2023.

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Les commentaires (1)
fojema48 Il y a 9 mois Le 09/07/2023 à 22:09

Tant mieux et en terme d'exemple, excellent !