• En 1966, la finale du championnat entre Agen et Dax tourna à la bagarre de rue.
    En 1966, la finale du championnat entre Agen et Dax tourna à la bagarre de rue.

200 ans du rugby (26/52) : Agen-Dax, la finale de la honte

Par Jérôme Prévot
Publié le
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En 1966, la finale du championnat entre Agen et Dax tourna à la bagarre de rue. Retour sur un moment sulfureux, sans blessures et avec des suspensions… pour la forme.

La finale 1966 fait partie de la légende noire du rugby français. Elle opposait Agen, la grande puissance du moment à Dax, mélange de vieux grognards en son pack et de très jeunes trois-quarts : Claude Dourthe (17 ans et demi), Michel Arrieumerlou (18 ans et demi), Georges Capdepuy (20 ans), plus les 18 ans du troisième ligne Gilles Bénali. À l’ouverture, Pierre Albaladéjo, l’ouvreur international qui jouait son dernier match à 33 ans. L’entraîneur s’appelait Toto Desclaux, garagiste de profession, vrai spécialiste du jeu d’avants : un homme sans fantaisie, avare de confidences médiatiques dont le savoir-faire était reconnu. Il sera l’un des "hommes de terrain du XV de France du Grand Chelem 1977".

Agen commandé par le demi de mêlée Pierre Lacroix était une belle machine, capable de pratiquer un rugby complet. Le plus incroyable, c’est qu’on eut droit à quelques beaux mouvements durant ces quatre-vingts minutes. L’essai d’Agen notamment, conclu par le deuxième ligne Michel Lasserre, fut magnifique. Mais il n’empêche que ce match est resté dans les mémoires par sa violence. Il fut émaillé de bagarres impitoyables, dénoncées par Roger Couderc dans ses commentaires en direct. Il fit d’ailleurs son possible pour que le réalisateur de l’ORTF ne montre pas les images les plus dures. Une scène nous est néanmoins parvenue : un coup de pied du talonneur dacquois Berho, un Agenais qui fait un "Jésus" sur une touche, un coéquipier (Michel Lasserre) qui le venge par un geste de kickboxing sur le pilier droit Jean-Michel Lucq. Au passage, l’Agenais prend un marron du troisième ligne landais Pierre Darbos. En 2020, nous avions interrogé quelques protagonistes : "Je le reconnais, je n’étais pas un tendre. Je me rendais", témoignait le talonneur du SUA Jean-Claude Malbet. On croit savoir que le pilier gauche Marius Lagiewski était un distributeur hors pair quand la situation l’exigeait. "C’est sûr, il ne fallait pas le provoquer. Mais nous n’étions pas venus pour nous battre. D’ailleurs notre capitaine Pierre Lacroix n’aimait pas ça, il cherchait toujours à nous calmer."

La FFR suspend trois joueurs à vie

Les Agenais se dépeignent volontiers en victimes, dans la peau de l’équipe la plus brillante, dont Dax aurait voulu gripper la mécanique. Le troisième ligne Franco Zani détaillait : "Je pense qu’ils s’étaient organisés, je souffrais de la cheville gauche et dès les premières touches, j’ai senti leurs souliers, pile sur ma blessure. Nous étions très forts sur les départs en troisième ligne autour de Pierre Lacroix et d’entrée, sur une combinaison bien organisée, je me retrouve au sol. C’est alors que je sens qu’on me chatouille les oreilles et la tête."

En 2020, le terrible pilier dacquois Christian Lasserre (une référence) nous avait répondu avec un naturel désarmant : "On a beaucoup parlé de ce match mais je ne comprends pas pourquoi. J’ai vécu bien plus dur : la finale du Challenge Du-Manoir contre Pau en 1959 par exemple. Après, oui, je crois qu’ils nous ont provoqués. Vous savez, Lagiewski était une vraie peau de vache. Mais chez nous, il y avait quelques gars un peu nerveux. Notre deuxième ligne Labadie était jeune, il ne fallait pas lui en promettre. Moi, j’avais la réputation d’être dur, c’est vrai. C’est bien simple, j’avais des c…, je ne me dégonflais pas, même à Toulon, même à Béziers. Après, je me retrouvais assiégé dans les vestiaires. Une fois à Castres, il a fallu que je sorte crampons en main. Il faut dire que notre entraîneur Toto Desclaux savait nous exciter. Il n’avait pas son pareil pour vous dire : "Tu ne vas pas te "promener" aujourd’hui, hein ? Sinon, je te sors. Au fait, les autres… Ils ont dit qu’aujourd’hui, ils allaient se payer Lasserre…" Est-ce que c’était vrai ? On n’avait pas le temps de se renseigner."

Le Midi Olympique n’étouffa pas l’affaire, il n’en fit pas son titre principal mais l’évoqua en une. "Les Bagarres du Stadium ont ému les arbitres." Avant de développer. "La violence des règlements de compte écœura bien des spectateurs, attrista les meilleurs défenseurs et émut dirigeants et arbitres. La violence inqualifiable qui a terni la finale a été douloureusement ressentie par les dirigeants de la FFR." À l’intérieur du journal, un article est ainsi titré : "Il faut déclarer la guerre aux truands du rugby."

La FFR suspendit à vie trois joueurs : Léon Berho, Christian Lasserre (Dax) et Marius Lagiewski (Agen). Un an après, ils rejouaient… Mystères du rugby français et ses légendaires arrangements. Reconnaissons qu’il n’y eut pas de blessés à l’issue de ce pancrace. Le joueur le plus touché de cette triste finale fut Pierre Albaladéjo en personne. À l’issue d’une glissade en touche, sa tête heurta le pied d’une caméra et il s’ouvrit le front : "Mon premier contact avec le monde de la télé", s’amusa le futur consultant de France Télévision.

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Les commentaires (1)
STEF65 Il y a 1 mois Le 09/03/2024 à 21:34

Kockott et Urdapilleta n'auraient pas fait 10 min...