Abonnés

Coupe du monde - Kieran Read : "Je suis optimiste pour le prochain Mondial"

Par Jérôme PRÉVÔT
  • "Je suis optimiste pour le prochain Mondial"
    "Je suis optimiste pour le prochain Mondial" Agence FEP - Agence FEP
Publié le
Partager :

L’ancien capitaine des All Blacks Kieran Read nous a livré ses impressions sur divers sujets. Selon lui, la Nouvelle-Zélande aura bien son mot à dire lors de la prochaine coupe du monde. Il promet également que quelques nouvelles pépites vont s’y révéler aux yeux du grand public.

Nous avons pu discuter avec Kieran Read à l’occasion de la 70e cérémonie des Oscars du rugby. L’ancien numéro 8 des All Blacks et des Crusaders semble avoir presque rajeuni depuis sa retraite en 2021. Aminci, barbe rasée, il a accepté de revenir sur son immense carrière, riche de 127 sélections et deux Coupes du Monde gagnées.

Après 127 sélections, vous avez joué quatre tests sur le sol français, aviez-vous le sentiment de connaître notre pays ?

Pas vraiment. C’est la première fois que je viens en France en dehors du contexte d’un match de rugby. Je peux donc découvrir Paris assez tranquillement. En plus, il fait très beau alors que j’étais toujours venu en automne ou en hiver. Quand vous êtes en tournée, vous avez envie de voir les villes et les régions que vous traversez. En principe, on essaie de faire ça le mercredi, mais on est souvent fatigué. Les conditions ne sont pas optimales pour découvrir vos villes européennes, forcément davantage chargées d’histoire que les nôtres.

Que devenez-vous ? Que faites-vous dans la vie depuis votre retraite en 2019 ?

Je fais des conférences sur la motivation, sur la préparation auprès des entreprises, en Nouvelle-Zélande et dans le Monde. Et je vis à toujours Christchurch.

On a l’impression que c’est votre ville, que vous y aviez toujours vécu…

Je suis pourtant originaire de South Auckland, je n’ai déménagé à Christchurch qu’à 18 ou 19 ans. Je suis allé à l’académie de Canterbury, j’ai joué dans les rangs de l’université locale, puis dans ceux de la province de Canterbury en NPC et enfin aux Crusaders à partir de 2007.

Quand vous étiez enfant, quelle vie meniez-vous. Étiez-vous déjà passionné de rugby ?

Disons que j’étais passionné de sport, à cent pour cent. J’ai grandi dans une impasse, une voie sans issue où peu de voitures passaient. On pouvait donc se retrouver entre riverains pour faire du sport après l’école. On faisait du rugby, du foot, du cricket. J’ai vécu des moments merveilleux dans cet endroit avec des matchs infinis jusqu’à la tombée de la nuit. Je pense que la Nouvelle-Zélande est l’un des rares pays du monde où l’on joue spontanément au rugby dans les rues. C’est le début de tout ce qui fait notre force.

Quelles furent vos premières images de rugby ?

Je suis un enfant des années 90, mes premiers souvenirs remontent à la Coupe du Monde 1995 et François Pienaar qui brandit le trophée. Jonah Lomu fut mon premier héros, mais j’admirais aussi Zinzan Brooke, Sean Fitzpatrick, Christian Cullen. Un peu plus tard, j’ai vécu mon premier contact avec le rugby français à travers la demi-finale de la Coupe du monde 1999. Je me suis levé en plein milieu de la nuit pour une bien triste sensation. Je crois que j’ai pleuré, devant les exploits de Christophe Dominici, la figure marquante de ce match de mon point de vue. Il a longtemps incarné, pour moi, le fameux flair et la magie du jeu français.

Et quel fut votre premier contact direct avec le haut niveau ?

Ma sélection avec les moins de 19 ans, dans une équipe où figuraient deux autres joueurs qui ont connu les All Blacks plus tard, Jamie McIntosh, le temps d’une sélection (il a joué en France à Pau, par la suite, N.D.L.R.) et Jeremy Trush, deuxième ligne onze fois sélectionné.

Vous avez joué 127 fois pour les All Blacks, mais il ne faut pas l’oublier, également 157 fois pour les Crusaders avec qui vous avez gagné quatre titres en Super Rugby… Qu’est ce qui explique la supériorité de cette franchise par-delà les générations ?

C’est difficile à dire. Les Crusaders, en fait, c’est un héritage qui se transmet de joueurs en joueurs et d’entraîneur en entraîneur. Il n’y a rien de spécial, mais une sorte de dynamique qui traverse les générations et qui connecte les individualités. J’ai débuté avec Robbie Deans, qui est un peu l’entraîneur historique de la franchise. Puis j’ai poursuivi avec Todd Blackadder et Scott Robertson. Les trois ont su maintenir le même niveau d’exigence.

Quid de vos entraîneurs en équipe nationale ?

J’ai travaillé longtemps avec Steve Hansen comme principal entraîneur. Il savait s’y prendre pour motiver un groupe et nous dire dans quelle direction aller. Autour de lui, il y avait tout un staff, Mike Cron pour la mêlée par exemple. Un homme comme Wayne Smith était très important pour observer le futur adversaire, cibler ses faiblesses et nous expliquer les points les plus tactiques.

Quels sont les joueurs avec qui vous avez joué et qui vous ont le plus impressionné ?

J’ai été commandé par Richie McCaw pendant de longues années et je ne vous cacherais pas qu’il m’a impressionné, évidemment. Ce fut sans doute mon partenaire le plus brillant. Mais j’ai envie de citer un autre joueur des All Blacks que vous devez connaître puisqu’il est à Toulouse. Je veux parler de Jerome Kaino. Il m’a toujours impressionné et ça depuis très longtemps, puisque je le connais depuis l’enfance. J’ai toujours été sidéré par son engagement, sa façon de se sacrifier physiquement. Il pouvait mettre la tête dans les regroupements, comme porter le ballon, il était capable de tout faire en fait.

Et parmi vos adversaires ?

Il y en a plusieurs là aussi, mais le premier qui me vient à l’esprit, c’est David Pocock, le numéro 7 des Wallabies. Évidemment, ça se jouait sur les points de rencontre, il était un excellent plaqueur et un très bon gratteur, le roi des turn overs et du jackling (mettre les mais sur le ballon sur ses deux appuis). Un gars pas très spectaculaire pour le grand public, peut-être, mais c’était un poison quand on l’affrontait.

Et chez les Français ?

Je dirais Louis Picamoles : très puissant, très gros plaqueur dans le registre d’un numéro 8. Mais il y a un autre Français que je trouvais excellent, même si je n’ai pas joué contre lui, c’est Olivier Magne : il était si adroit, si rapide, si doué. Un modèle de troisième ligne grand champ.

Quels sont les matchs qui vous ont le plus marqué ?

Je citerais bien sûr nos deux victoires en Coupe du monde, mais les matchs les plus intenses que j’ai vécus furent ceux qui ont opposé les All Blacks aux Sud-Africains, surtout quand ça se passait chez eux, en altitude, à Johannesbourg, à Pretoria ou à Bloemfontein. Je me souviens de matchs du début des années 2010, ces gros affrontements et cette sensation dès le début du match de manquer de souffle, d’avoir le cœur qui bat la chamade parce qu’on manque d’oxygène.

Quid de la finale de la Coupe du monde 2011 ? Est ce un bon souvenir, un souvenir mitigé par le score étriqué 8 à 7 ?

Non, non, nous avons gagné alors bien sûr que c’est un bon souvenir. Mais il est sûr que ce fut dur face aux Français de Thierry Dusautoir que j’aurais pu citer lui aussi, dans ceux qui m’ont impressionné. De cette finale, je retiens quand même l’essai marqué par notre pilier Tony Woodcock sur une combinaison en touche qui a marché parfaitement. C’est moi qui ai fait l’annonce sur cette action et j’ai ressenti le plaisir de voir se réaliser exactement ce que nous avions prévu de faire. Ce n’est pas si fréquent. Jerome Kaino s’est élevé et a rabattu le ballon vers Tony Woodcock qui a traversé l’alignement en son centre, comme sur tableau noir. Ceux qui aiment vraiment le rugby comprendront.

En 2015, vous avez succédé à Richie McCaw comme capitaine des All Backs ? Était-ce une tâche ardue ?

Pas vraiment. J’avais l’expérience nécessaire pour diriger les gars et je n’ai pas cherché à imiter Richie. J’ai essayé d’être moi-même, mais de toute façon beaucoup de joueurs ont arrêté à ce moment-là. L’équipe que j’ai dirigée n’était plus la même. Une nouvelle ère commençait. Peut-être que je parlais plus que lui sur le terrain, mais pas pour arbitrer (rires).

Quels furent vos matchs internationaux les plus rudes ?

Les matchs contre l’Irlande étaient rudes, contre la France aussi c’était pas mal. Mon dernier match à Paris en 2017 avait été très dur (les All Blacks avaient gagné 38-18, six essais à deux, les Bleus étaient commandés par Guilhem Guirado). Avec des caméras partout, il y a moins d’intimidations qu’avant, c’est sûr, mais on peut encore vivre des moments avec tel ou tel adversaire qui va tenter de vous impressionner. Je n’ai pas de soucis avec cet aspect-là du jeu.

Quels sont les joueurs qui parlaient le plus sur le terrain ?

Chez nous, Dane Coles parlait pas mal. Les Australiens aussi parlent beaucoup en général.

On a le sentiment que les All Blacks sont moins dominateurs qu’avant, peut-être parce que certaines nations les ont rattrapés ...

C’est vrai. Mais je suis optimiste pour le futur. Je pense que notre équipe va faire de bonnes choses à la Coupe du monde, même si un gros match nous attend d’entrée contre la France. Il y a quelques joueurs que vous allez découvrir et qui risquent de nous tirer vers le haut. Je pense au talonneur Samisoni Taukei’aho des Chiefs, qui sera probablement titulaire. Un très, très bon joueur. Chez les trois-quarts, je pense que l’ailier gauche Leicester Fainga’anuku des Crusaders sera aussi une révélation pour le grand public (le joueur a signé à Toulon pour la saison prochaine).

Racontez-nous votre premier match international ?

C’était en Écosse en novembre 2009. J’étais très ému, j’ai appelé tout le monde, mes amis, mes parents, mes entraîneurs... Tout le monde, au risque de me déconcentrer !

Qu’est ce qui a évolué depuis ?

Tout le monde est devenu de plus en plus costaud, mais ce qui a le plus évolué, c’est la défense. D’un point de vue tactique, tout le monde pratique la "rush défence" maintenant. À mes débuts, ça n’existait pas. Les attaques ont dû s’organiser en conséquence et croyez-moi, ce fut très difficile. C’est à travers ça que j’ai vu le rugby évoluer et le temps passer. On a aussi commencé à attaquer sur des schémas afin de me laisser isolé sur les ailes, pour que je me retrouve à porter le ballon face à des joueurs plus petits et moins puissants que moi. Ça aussi, c’était une nouvelle façon de voir le rugby. J’ai eu l’impression en tant que numéro 8 de m’écarter de plus en plus du cœur du jeu alors qu’à mes débuts, on me demandait classiquement d’affronter les défenses dans du jeu direct. J’ai aussi découvert les systèmes de disposition des joueurs sur le terrain, le 2-4-2 par exemple. On ne voyait pas les choses comme ça auparavant. J’ai appris avec ma génération à comprendre où je devais me trouver sur le terrain quand le ballon circulait, c’était la partie planifiée de notre jeu. Mais à partir de là, nous avions la liberté de jouer à l’instinct, c’est l’une de nos marques de fabrique en Nouvelle-Zélande. On ne prône pas un jeu trop structuré, on vous dit : "Joue comme tu le sens."

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?