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Coupe du monde 2023 - Antoine Dupont : "La Marseillaise du 8 septembre va mettre des frissons à tout le monde"

  • Antoine Dupont est pleinement focalisé sur la Coupe du monde 2023.
    Antoine Dupont est pleinement focalisé sur la Coupe du monde 2023. Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Récompensée de l’Oscar Monde vendredi dernier, lors de la 70e cérémonie des Oscars Midi Olympique, organisée au Pavillon Cambon à Paris, l’icône du rugby français nous a accordé un long entretien dans lequel il parle de la récente finale du Top 14, de son évolution rugbystique et évidemment de la Coupe du monde.

Quatre Oscars d’or et maintenant un troisième Oscar Monde : l'étagère doit commencer à crouler sous les récompenses, non ?

J'ai une armoire mais elle va devenir un peu trop petite à force (sourire). J'espère surtout en avoir un de plus à ajouter à la fin de l'année. Sinon, c'est toujours une satisfaction d’être récompensé. Ça valide le travail mené tout au long de l'année. Je n'aurais pas imaginé en être là il y a six ans quand je vivais mes premières expériences en équipe de France.

Depuis une semaine, vous êtes détenteur d'un troisième Brennus. Est-ce que le scénario de la finale donne une saveur particulière à ce sacre ?

Ça a été une joie immense, avec les sentiments les plus forts que l’on puisse avoir. Déjà, du fait que la victoire soit arrivée aussi tard dans le match avec ce dénouement incroyable qui a exacerbé toutes nos émotions. Il y a eu du bonheur, du soulagement. Et la joie a été d’autant plus grande que ce titre vient après une saison difficile à accepter. Il y avait eu les deux défaites en demi-finale et l’état dans lequel nous avions terminé cette année, en étant rincés physiquement et psychologiquement. Ça a été dur à vivre. Malheureusement, c’est comme ça au Stade toulousain : une saison sans titre est une saison ratée. On l’avait bien ressenti. Nous avions donc d’autant plus à cœur de gagner quelque chose cette année. Autant vous dire qu’après avoir manqué la Champions Cup, le focus était mis sur le championnat. Ça fait toujours autant de bien de le gagner.

À 5 minutes de la fin de cette finale, dans quel état d’esprit étiez-vous ?

On ne se le disait pas entre nous mais tout le monde avait conscience que ce serait très dur de renverser le cours du match. Il fallait tenter le tout pour le tout, provoquer les choses. Nous ne voulions surtout pas terminer la rencontre avec des regrets en se disant : « Il aurait fallu essayer-ci, essayer ça... » C’est là que l’équipe a commencé à porter le ballon et à jouer dans son camp. Il aurait peut-être fallu le faire avant, finalement, en prenant plus de risques, en déclenchant plus tôt. On savait que ça allait être dur mais on savait aussi que l’on en était capable. Marquer des essais de 100 mètres, on sait le faire. On y a cru jusqu’au bout. Il a fallu l’exploit de Romain pour tout renverser.

Antoine Dupont s'est offert un troisième bouclier de Brennus avec Toulouse.
Antoine Dupont s'est offert un troisième bouclier de Brennus avec Toulouse. Icon Sport - Icon Sport

Il y a tout de même une part d’irrationnel dans ce succès. La preuve que Toulouse a vraiment quelque chose de différent…

On a un truc à nous, on le sait, qui nous permet de réaliser des choses que les autres ne font pas. Il y a des choses très simples qu’on ne fait pas forcément bien mais il y en a de très compliquées et il n’y a que nous qui parvenons à les faire. On en est convaincus, on le sait au fond de nous.

Que voyez-vous sur la dernière action où, l’air de rien, vos pas de côté et votre longue passe ont été déterminants pour permettre à Romain Ntamack de trouver un intervalle dans la défense rochelaise ?

Je savais qu’il fallait provoquer, déjà. Dès qu’il y avait une libération rapide, je cherchais à porter le ballon pour amener du danger. On savait les Rochelais très denses autour des rucks. Sur le coup, je commence par faire deux, trois pas et je vois Seuteni qui commence à monter. Je tends la passe pour Romain qui s’écarte dans le même temps, ce qui lui permet de battre Seuteni sur la passe. Derrière, il y a le plaquage manqué de Leyds et après il n’y a plus personne. Il n’y a plus qu’à courir. Mais il fallait tout de même les faire, les 50 mètres, à la 78e.

Comment réagissez-vous en voyant Romain Ntamack percer le rideau et s’en aller vers l’en-but ?

Au début, je sprinte car je ne vois pas qu’il n’y a pas de couverture. J’essaye d’être au soutien, je ne suis pas sûr qu’il va y arriver. Et là, quand il reste 20 mètres, je comprends qu’il va y aller. Là, c’est incroyable. Tout le monde se saute dessus. Tu as presque envie de pleurer alors que le match n’est même pas terminé, il y a encore un coup d’envoi à recevoir. Mais ce sont des émotions très fortes.

Antoine Dupont a pu compter sur l'exploit de Romain Ntamack en finale du Top 14.
Antoine Dupont a pu compter sur l'exploit de Romain Ntamack en finale du Top 14. Icon Sport - Icon Sport

Peut-on dire que cette action est symptomatique de votre saison, vous qui avez marqué moins d’essais que d’ordinaire – huit tout de même – mais qui avez régulièrement été à l’origine des actions, avec ce que les anglophones appellent les « try assists » ?

C’est tout de même le rôle premier du demi de mêlée de faire des passes et de faire jouer son équipe (sourire). C’est vrai que j’ai bousculé un peu tout ça, avant. Je ne remplissais pas les critères de base. J’ai évolué dans mon rugby. Mais je prends autant de plaisir à faire briller les autres qu’à briller moi.

Avec ce que l’on appelle les plans anti-Dupont, cette évolution était évidente, en un sens ?

Je sens bien que les défenses ne me laissent pas beaucoup d’espace et même quand je porte la balle autour des rucks, c’est très dur de les déséquilibrer. Si je peux ouvrir des espaces pour les partenaires, c’est tout aussi bien. Ça s’est fait tout seul, en fait. Il n’y a pas eu plus de réflexion que ça, juste des échanges avec mes différents staffs : le but est que je ne prenne pas de contacts inutiles, que je ne porte pas le ballon à l’excès. Il a peut-être fallu plus de temps pour que je lise mieux les situations, que je les gère mieux. Ça s’est plus ressenti cette saison.

Le but étant que le collectif en sorte grandi : quand on voit que vous avez gagné 24 des 26 matchs que vous avez disputés avec le numéro 9 dans le dos...

Vous savez, du moment que l’on finit avec le Brennus, je m’en fous du nombre d’essais que j’ai inscrit (sourire). Il ne faut pas oublier que ça reste un sport collectif. Les statistiques individuelles ne font pas gagner des matchs. À moins que tu marques 70 essais par saison et là oui, tu fais gagner ton équipe tous les week-ends. Mais à l’arrivée, il n’y a rien de plus beau que la victoire d’un collectif.

Quel regard global portez-vous sur la saison qui vient de se terminer ?

Elle a été mieux gérée sur le plan physique avec le staff. Nous avons retenu la leçon de l’an passé où nous étions arrivés trop émoussés, ce qui ne nous avait pas permis d’aller jusqu’au bout. J’ai pu avoir des plages de récupération pour me reposer, me régénérer, même s’il y a toujours trop de matchs et qu’on veut tous les disputer. Même sans tous les jouer, les Français, nous sommes toujours ceux qui jouent le plus. Si on compare avec les autres nations, l’écart est plus que considérable. Malgré ça, nous ne sommes pas décideurs, on n’a pas le choix. La seule chose que l’on peut faire, c’est de s’entraîner et d’essayer de tenir la charge, même si ce n’est pas évident.

Avec l'équipe de France, Antoine Dupont a encore mené ses coéquipiers à la baguette.
Avec l'équipe de France, Antoine Dupont a encore mené ses coéquipiers à la baguette. Icon Sport - Icon Sport

Comment vous sentez-vous après une nouvelle saison à plus de 2000 minutes ?

Je suis content d’être en vacances (sourire). La fatigue, aussi bien physique que mentale, se fait ressentir. C’est la troisième saison où je dépasse les 2000 minutes de temps de jeu. L’enchaînement n’est pas facile mais là, il y a un objectif qui arrive et qui donne un boost de motivation et d’adrénaline.

On imagine que votre préparation va être aménagée…

Oui, il faut faire du cas par cas, entre ceux qui ont fini la saison fin mai et ceux qui l’ont terminée mi-juin. Le staff en est bien conscient. L’idée était de nous rassembler tôt pour être le plus longtemps possible ensemble mais il n’est pas question d’avoir d’énormes charges de travail dès le début, surtout pour ceux qui ont joué la finale. Je fais confiance à l’encadrement pour gérer ça comme il faut. On fera ce qui est nécessaire.

Y a-t-il une journée où l’on ne vous parle pas de cette Coupe du monde ?

Pas beaucoup (sourire). Là je vais partir quelques jours en vacances, j’espère que l’on ne m’en parlera pas. Je prends l’avion demain (samedi) pour aller à la plage, ça va me faire du bien.

Comment appréhendez-vous ce Mondial : vous dites-vous que c’est une nouvelle compétition à gagner ou que c’est le rendez-vous d’une vie ?

On peut assimiler ça au rendez-vous d’une vie, oui. D’une part car on reçoit la compétition, ce qui est une chose incroyable, d’autre part car on est favoris. Nous ne sommes pas les seuls mais nous faisons partie des équipes favorites. Ajoutez à cela le fait que la France n’ait jamais gagné ce trophée, ça fait trois conditions qui me font dire que l’on peut assimiler ce Mondial au rendez-vous d’une vie.

Antoine Dupont estime que l'échec du Mondial 2019 a fait gagné beaucoup d'expérience au XV de France.
Antoine Dupont estime que l'échec du Mondial 2019 a fait gagné beaucoup d'expérience au XV de France. Icon Sport - Icon Sport

On a l’impression que la pression coule sur vous et vos partenaires…

C’est ce qu’on essaye de faire. Mais on n’y est pas encore. Quand la compétition va approcher, ce sera de plus en plus dur, de plus en plus fort. L’attente, il faut en tirer une force, prendre tout le positif, sortir ce qui peut être négatif. Car on sait que la pression peut nous faire perdre nos moyens le jour J.

Ça ne garantit pas le succès final mais, sur la ligne de départ, on peut affirmer que cette génération est prête pour aller au bout, non ?

Nous n’avons jamais été aussi bien préparés, je le pense. Quand on regarde les quatre dernières années, l’équipe de France n’a jamais eu une telle régularité, une telle consistance et autant de talent, peut-être aussi, je ne sais pas. Dans les résultats, on a fait tout ce qu’il fallait pour répondre présent en septembre. Même si ça ne garantit rien, effectivement. En septembre, les compteurs seront remis à zéro.

Entre 2019, année de votre première Coupe du monde, et 2023, il y a un monde d’écart en termes d’approche...

Oui, ça n’a rien à voir. Le contexte est tout autre. En 2019, c’était beaucoup plus compliqué, conflictuel. Il y a une génération qui partait, une autre qui arrivait. Il n’y a pas grand-chose en commun. Ça nous aura au moins permis d’acquérir une expérience pour ceux qui y étaient et sont encore présents afin d’appréhender au mieux cette édition.

En quatre ans, vous aussi, vous avez beaucoup changé…

Oh bah oui, je pense. J’espère en bien (sourire).

Tout à l’heure, nous parlions de votre évolution rugbystique. Le capitanat a-t-il eu une influence sur le rugbyman que vous êtes ?

Oui, ça a un peu changé l'approche que j'ai des matchs et de la compétition. Il y a un leadership à assumer. Le fait de l’avoir connu en premier à Toulouse m’a permis de mieux l’appréhender avec les Bleus. Et le fait d’être très bien encadré, avec Greg (Alldritt), Gaël (Fickou), Julien (Marchand), Anthony (Jelonch), Charles (Ollivon), évite de me faire sentir seul. Ça fait du bien de compter sur de tels relais.

Grégory Alldritt et Antoine Dupont à la lutte.
Grégory Alldritt et Antoine Dupont à la lutte. Icon Sport - Icon Sport

Vous l’évoquiez, Grégory Alldritt, que vous connaissez bien personnellement, a aussi beaucoup évolué… Il vous succède d’ailleurs au palmarès de l’Oscar d’Or. Comment jugez-vous sa progression ?

Greg a pris beaucoup d’épaisseur et il a changé de dimension de par ses prestations, que ce soit en club ou en équipe de France, et le leadership qu’il a pris. Ça s’est concrétisé par des trophées, le Tournoi des 6 Nations et ses deux Coupes d’Europe. Ce n’est quand même pas rien. Ça a récompensé son investissement et sa qualité.

En quoi votre relation avec Fabien Galthié, sélectionneur et illustre demi de mêlée, a-t-elle compté ?

Au-delà du rapport que l’on a de demi de mêlée à ancien demi de mêlée, c’est toute la qualité, l’exigence et la minutie qu’il a apportées à l’équipe de France qui a été marquante. Il s’est très bien entouré, avec un staff très étoffé et très performant. Ça a été sa force de savoir s’appuyer sur des gens compétents autour de lui pour arriver à construire un projet qui ne laisse pas beaucoup de place au hasard et qui a fait ses preuves.

Quelle sera la clé pour gagner cette Coupe du monde ?

Si je l’avais, ce serait trop beau (sourire).

On dit souvent d’un favori qu’il est son principal ennemi. Peut-on considérer que ça se jouera surtout dans la tête ?

Il faut juste continuer ce que nous avons réalisé dernièrement et y croire. L’aspect mental y jouera énormément. C'est à nous de nous préparer en conséquence pour être forts dans les têtes.

Quel souvenir vous vient en premier à l’évocation de la Coupe du monde ?

Je ne vais pas être très original mais c’est le quart face aux Blacks, en 2007. J’avais 10 ans. C'est le premier souvenir fort de rugby que j’ai. Il y avait une telle tension. Et il y a surtout eu l’essai libérateur de Yannick Jauzion. J’entends encore Thierry Gilardi : « Jauzion en terre promise. » Ça a fait vibrer un paquet de personnes même si ça n’a pas permis à l’équipe de France d’aller au bout malheureusement.

Où en êtes-vous de votre projet olympique avec le VII, sur lequel Ugo Mola s’est exprimé vendredi dans nos colonnes ?

On essaiera de faire en sorte que ça se fasse mais il n’y a rien d’acté. Pour l’heure, je suis focalisé sur la Coupe du monde. On verra tout ça après.

On le sait, vous êtes un compétiteur insatiable, qui veut tout gagner. À quel point le fait de marquer l’histoire importe-t-il à vos yeux ?

J’ai la chance d’avoir déjà un palmarès conséquent, à mon âge, même s’il y en a qui ont plus de trophées que moi... À chaque fois que tu gagnes, tu écris ton nom dans l’histoire. C’est hyper motivant de se dire que l’on va laisser une empreinte dans notre sport. Quand je vois les gars qu’il y avait sur l’estrade tout à l’heure (vendredi soir), je me dis qu’il me reste du boulot. Je ne me serais pas vu monter sur scène à côté de toutes ces légendes vu leur palmarès, leur carrière, leur nombre de sélections... Il n'y avait que des champions du monde. C'est très inspirant pour la suite.

L’histoire vous attend, justement. Si vous fermez les yeux et que vous vous projetez au moment de la Marseillaise du 8 septembre, quelques instants avant le coup d’envoi de France-Nouvelle-Zélande, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit ?

La Marseillaise, c’est toujours un moment particulier. Il y en a qui sont plus émouvantes que d’autres. On ne sait pas toujours pourquoi. Parfois il y en a qui font plus de bruit, il y en a qui prennent plus aux tripes… Parfois tu es concentré sur le match, parfois tu te fais la rétrospective et tu te rends compte de la chance que tu as de représenter ton pays. Petit, quand je jouais dans mon jardin, j’aurais donné tout l’or du monde pour être là. Je pense, sans trop m’avancer, que La Marseillaise du 8 septembre va mettre des frissons à tout le monde.

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Les commentaires (1)
fojema48 Il y a 10 mois Le 25/06/2023 à 21:36

Pas à tout le monde, mais surtout aux français, nous en avons bien besoin !