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Portrait. Florian Grill, de combattant à président

  • Florian Grill, nouveau président de la FFR
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Florian Grill - président de la fédération française de rugby. Colistier de Pierre Camou en 2016, Florian Grill avait à l’époque connu son premier revers électoral. Quatre ans plus tard, en tant que leader d’opposition, il avait à nouveau mordu la poussière face au candidat sortant, Bernard Laporte. Souvent touché, jamais coulé, le président de la Ligue Ile de France a cette fois-ci renversé la table…

C’est une grande carcasse, reconnaissable entre mille. Portant chemises blanches, dont il retrousse inexorablement les manches, comme s’il s’apprêtait à changer un pneu, coller des joints. Une voix claire, aussi. Et un accent qui dénote, dans un sport où l’on frappe les "r" plus qu’on ne les caresse, où l’on ouvre les "o" quand lui et d’autres, au nord de la Loire, les ferment plus volontiers. Dès lors, Florian Grill a-t-il craint, à un moment ou un autre de ses campagnes, d’être rembarré par le monde amateur parce qu’il renvoyait une image trop "parisienne", trop hautaine ou trop HEC ? Probablement et son arrivée au pouvoir, au gré d’un score large comme la porte d’Aix, tend à prouver qu’il s’était trompé. Et nous avec. Olivier Pouligny, président de Suresnes (Nationale), explique en préambule : "Florian a balayé ces clichés en battant la campagne et en rendant visite à près de 600 clubs. Vous savez, il est un homme du terroir, un bon vivant qui mange beaucoup, boit des coups… Il est très rugby, en somme." Jean-Charles Mascetti, le président du club de Marcoussis et proche historique du nouveau patron fédéral, enchaîne sur la même thématique : "L’esprit anti parigots, il y a longtemps qu’il n’existe plus. Et s’il existe, tu le démontes facilement : des licenciés, on en a en Ile-de-France autant voire plus qu’ailleurs ; et puis des vrais Parisiens, je n’en connais pas beaucoup : Florian a beau vivre ici depuis des années, il est originaire de Montpellier, où sa famille possède encore un vignoble."

Florian Grill est élu Président de la FFR !

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— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) June 14, 2023

Pour changer l’image qu’avait de lui une partie des clubs du territoire, Grill a battu le pavé, sillonné le pays de part en part, gérant de front sa campagne et la direction de sa boîte de communication (Co’Spirit), laquelle emploie au bas mot 250 personnes et réalise un chiffre d’affaires annuel de 30 millions d’euros. "Il ne sait pas rester allongé sur un canapé, dit son fils Quentin. Quand j’étais môme, il passait le samedi à mes côtés, à l’école de rugby de Boulogne-Billancourt. Le lendemain, il accompagnait ma sœur et ma mère à l’équitation, juste pour être dehors et rencontrer des gens. Depuis qu’il est président de la Ligue Ile-de-France, il passe sa vie sur les terrains de la région. […] Moi ? Je me fous un peu de lui et parfois, je l’appelle et lui demande : "Tu es où, papa ?" Et il me raconte qu’il est en pleine finale départementale entre les filles de Gif-sur-Yvette et celles d’Orsay, un tournoi de moins de 12 ans dans les Yvelines… Il n’arrête jamais, quoi."

Connu de sa seule mère, disait Bernie…

Françoise, son épouse, a quant à elle rencontré le nouveau président de la FFR il y a 33 ans, sur les bancs de HEC. Elle raconte : "Il était déjà hyperactif : capitaine de l’équipe de rugby, président du bureau des élèves et membre d’une association du 18e arrondissement aidant des jeunes en perdition à se réintégrer socialement. Florian, il se lève à 5 heures du matin, travaille beaucoup mais n’est pas un "tristus" (sic) : il a en lui la convivialité propre au rugby."

Avant d’accéder à la fonction suprême du rugby français, Grill s’y était pourtant cassé les dents à deux reprises. La première fois aux côtés de Pierre Camou, en 2016 : "Ce n’est pas un perdreau de l’année, poursuit Françoise : en 2016, Pierrot (Camou) n’ayant quasiment pas fait campagne, il savait le résultat inéluctable. Mais peu importe l’issue, seul compte le chemin." La deuxième comme tête de liste avec, derrière lui, l’effrayant appareil politique Ovale Ensemble fait de… zéro salarié et 20 000 euros de budget annuel. Face à "Bernie", le leader d’opposition s’est fait le cuir, encaissant les salves de l’ancien sélectionneur national avec un flegme so british. "Florian Grill, il n’y a que sa mère qui le connaît", avait par exemple lancé Laporte à la cantonade, un soir de campagne. Dans la foulée, Ovale Ensemble avait riposté en produisant des dizaines de tee-shirts où on pouvait lire ceci : "Je ne suis pas sa maman mais je connais Florian Grill !" Dans la foulée, Bernard Laporte en avait remis une couche, arguant qu’après discussions avec certains de ses amis, il ne ressortait rien de terrible de la carrière de rugbyman dudit Grill. "J’avais lu les déclarations de Bernard Laporte et je n’ai pas reconnu le Florian que je connais, dit Olivier Delavoye, son bras droit chez Co’Spirit. Vous savez, on a eu des périodes très dures dans la boîte… L’éclatement de la bulle internet nous a fait traverser de sales moments… Je ne l’ai pourtant jamais vu faiblir. C’est grâce à lui qu’on a résisté, à l’époque."

Quentin Grill poursuit ainsi : "J’aimerais bien connaître les noms des potes de Laporte… Quand tu joues deuxième ligne au niveau auquel il a joué (au Puc), il n’y a pas de hasard. Je sais que papa mettait la tête où d’autres ne mettraient pas les pieds. Toutes les personnes qui connaissent vraiment mon père savent que Laporte dit des conneries." Mais au sujet du déficit de notoriété, alors ? "À l’époque, poursuit Quentin, ma grand-mère Francine n’était pas au top de sa forme. C’est elle qui a mis papa au rugby et l’a toujours accompagné dans sa passion. Le lien entre mon père et ma grand-mère a toujours été très fort. Cette saillie-là l’a malgré tout fait marrer. Il trouvait qu’elle était révélatrice de l’état d’esprit de son adversaire : en attaquant les rugbymen, on attaque aussi le rugby." Pouligny, encore : "La gloriole et l’image, Florian s’en cogne. Hier encore, je me demandais comment il allait s’habiller pour son premier comité directeur. Va-t-il y aller avec ses manches de chemise retroussées ? Ou va-t-il adopter un style plus protocolaire ? Ce sera d’ailleurs marrant à suivre, ces prochaines semaines…"

Au front face à Guazzini et la mairie de Paris

Jean-Charles Mascetti, Olivier Pouligny et ceux qui le connaissent le mieux jurent aujourd’hui que Florian Grill a souvent douté, sur le chemin l’ayant mené jusqu’à la présidence. Pour autant, il n’a semble-t-il jamais perdu la détermination qui avait séduit Pierre Camou à l’époque où Grill, alors président de l’ACBB, ferraillait contre le Stade français et la mairie de Paris avec, en pognes, un peu d’huile de coude et une épée de bois. Quentin se souvient : "Papa a mené un combat de front avec Max Guazzini (alors président du Stade français), qui voulait récupérer le terrain du Saut du Loup pour les pros. Nous, gamins, on faisait signer des pétitions à des habitants de Boulogne, dans la rue. Ce fut un combat acharné pendant plusieurs années. Ce combat, on l’a perdu et, alors que l’ACBB comptait la plus grosse école de rugby de France (750 licenciés en 2011), elle en a aujourd’hui perdu par dizaines. Les mecs ont dû aller s’entraîner à Meudon et à l’autre bout des Hauts-de-Seine, plutôt que de jouer dans leur propre ville." Touché, Grill ? Souvent. Coulé ? Pas encore, de ce que l’on sait. Mascetti conclut : "Ça n’a pas toujours été facile, chez Ovale Ensemble : dans la liste, on avait de très fortes personnalités et parfois, les réunions partaient en vrille. Quand il en sortait très fatigué, il faisait une micro-sieste puis repartait au combat." Les manches de chemise retroussées, il paraît…

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