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Finale Top 14 - Entretien. Gregory Alldritt : "Mes parents m’ont appris que rien n’est gratuit"

  • Gregory Alldritt (La Rochelle) Gregory Alldritt (La Rochelle)
    Gregory Alldritt (La Rochelle)
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« Greg, c’est notre capitaine, il ajoute une dimension différente à tout le monde quand il joue » ; « Grâce à lui, la mentalité dans ce club a beaucoup changé. Il n’est pas trop intéressé par le fait de jouer mais par le fait de gagner. » Lors de ses prises de parole successives, Ronan O’Gara n’a de cesse de louer les qualités de meneur d’hommes et le tempérament de Grégory Alldritt (26 ans, 39 sélections). Comment le Gersois, élevé au rugby de terroir et passé sous les radars des sélections jeunes, s’est-il affirmé en un compétiteur de très haut niveau et en un gagnant multitré ? D’où lui vient ce supplément d’âme propre aux champions ? Le capitaine rochelais, double champion d’Europe et meilleur joueur EPCR de l’année, se confie sur cette facette de sa personnalité.

Ce n’est pas vous faire offense que de dire que vous n’étiez pas programmé, à l’origine, pour évoluer à un aussi haut niveau...

Quand j’étais jeune, oui, je n’avais pas la prétention de devenir rugbyman professionnel. Je ne l’imaginais même pas. Je faisais du rugby car j’adorais ça, tout simplement. Et à côté de ça, je suivais des études afin de me préparer à un métier pour plus tard. C’est vrai que tout a été très vite. Ça m’est tombé dessus et j’en suis ravi. Dans mes rêves les plus fous, je ne me voyais pas jouer en Top 14, en Coupe d’Europe, avec l’équipe de France.

Que dirait le Grégory Alldritt de 18-19 ans en voyant ce que vous êtes devenu ?

Il aurait du mal à y croire. Il serait même peut-être choqué.

À quel moment vous êtes-vous dit : le rugby n’est plus seulement une passion, ça peut devenir un métier et toute ma vie ?

La bascule est arrivée quand j’ai eu l’opportunité de rejoindre La Rochelle. J’ai alors mis les études en suspens, je suis parti loin des copains et de la famille… J’avais deux ans pour tenter ma chance. Je me suis dit : "Ce serait dommage d’avoir des regrets toute mon existence car je n’ai pas fait l’effort." J’ai voulu mettre toutes les chances de mon côté en travaillant très dur. Je ne concevais pas de faire les choses à 50 %. C’était clair dans ma tête : "Tu as deux ans, tu te donnes à 100 %." Une fois que j’avais commencé à toucher au monde professionnel, je n’avais plus qu’une envie, c’était d’y monter. Je ne voulais pas m’arrêter au niveau espoirs. J’ai fini par y arriver. C’est vraiment en arrivant à La Rochelle que j’ai eu le déclic.

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Comment avez-vous atterri à La Rochelle, d’ailleurs ? On dit que c’est en grande partie dû à la présence de Grégory Patat…

"Greg" a joué un grand rôle là-dedans, c’est sûr. Sans lui, je ne serais pas là. Le discours de Patrice (Collazo) a aussi compté. C’est le seul club où l’on ne m’a pas fait de promesse quand j’ai passé l’entretien. Il m’a dit : "Je ne te promets pas que tu vas jouer, loin de là, mais si tu es assidu et que tu travailles, tu joueras." C’est un discours qui me parlait, proche de celui que j’avais à Auch. J’ai retrouvé à La Rochelle les valeurs qu’il y avait à Auch. Avec dix fois plus de moyens et d’infrastructures (sourire). Mais la mentalité était proche.

Aviez-vous été approché par Toulouse à l’époque ?

Non, je n’avais rien eu de concret avec Toulouse. Ce n’était pas une véritable piste.

Comment avez-vous basculé mentalement une fois que vous avez entrepris de devenir rugbyman professionnel ?

Avant tout, ce n’était que du bonheur. Une partie de ma mentalité a changé : ce n’était plus le jeu du week-end avec les copains où l’on fait la fête après, c’était devenu un endroit où je voulais performer. Ça a demandé plus d’investissement et de travail pour progresser rapidement mais j’ai toujours gardé cette approche de plaisir en premier à l’esprit.

Le plaisir, ce mot revient régulièrement dans votre bouche…

J’ai la chance de me lever le matin pour jouer au rugby. Je ne demande rien de plus et je ne peux rien espérer de mieux. C’est pour ça, qu’aujourd’hui encore, j’entre sur le terrain avec le sourire. Vous savez, je me suis toujours interdit de râler ou de critiquer. Le Gers est un département très rural et, quand j’étais petit, j’allais travailler dans les champs l’été. Je pense à tous ces gens qui font ça au quotidien pour vivre.

Vous êtes-vous senti tout de suite à votre place, alors que vous n’aviez pas connu de sélections jeunes ni fréquenté de club professionnel ?

Je n’ai jamais ressenti de complexe d’infériorité. Mes parents m’ont appris qu’il ne fallait jamais se trouver d’excuses. C’est trop facile de rejeter la faute sur un coach, sur des partenaires, sur un contexte… Ce qui compte, c’est le comportement que l’on a. J’ai toujours été sûr de mes capacités et conscient de ce que je devais faire.

"Les Rochelais se sont nourris de leurs défaites en 2021"

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D’où vous vient ce caractère de compétiteur que loue Ronan O’Gara ? S’est-il forgé avec le temps ?

Ce sont mes parents qui ont fait de leur mieux pour que j’aie ce tempérament. Depuis l’enfance, tout ce que j’ai pu avoir, il a fallu que je travaille pour l’obtenir. J’ai eu une très belle enfance, je n’ai manqué de rien (sourire). Mais, si j’avais besoin d’argent de poche, il fallait que je donne de ma personne. Mon père et ma mère m’ont bien fait comprendre que rien n’était gratuit dans la vie. Quand je jouais le week-end, ils étaient au bord du terrain. Ils venaient s’assurer que j’avais la gnac suffisante. La technique, ça leur était égal mais l’envie, ça comptait beaucoup. Il y avait aussi l’émulation avec mes grands frères. Tout ça germe en moi depuis tout petit.

Que faisaient vos parents, comme activités ?

Ma mère travaillait à Airbus et mon père tenait un gîte sur une propriété de 10 hectares. Autant dire qu’il y avait du boulot à faire en extérieur. Si je voulais un billet, je n’avais qu’à sortir et aller ratisser ou bêcher.

Votre côté insatiable ressort de plus en plus, au fil de vos entretiens… N’êtes-vous jamais satisfait ?

J’ai constamment besoin d’avoir un projet en tête, que ce soit pour le rugby et le reste. Ça me permet de savoir dans quelle direction je vais. J’adore travailler mais je le fais toujours avec un objectif à l’esprit. Je pense être quelqu’un d’assez déterminé. Quand je veux quelque chose, je fais tout pour l’avoir. Ça ne marche pas tout le temps, malheureusement.

Cela peut-il se retourner contre vous ?

Il n’est pas question de se laisser ronger mais c’est bien de se stimuler en permanence et de se faire mal de temps en temps. Si l’on reste dans sa zone de confort, c’est le début de la fin.

L’intervention de spécialistes de la préparation mentale vous a-t-elle été utile ?

Il y a eu un gros travail de mené sur ce point avec l’équipe de France. C’est un peu le cas aussi en club. Ça aide à aborder les choses de manière plus sereine. Après, il y a l’expérience qui est venue au fil des matchs, aussi.

On peut donc garder les pieds sur terre et s’ouvrir à la sophrologie et à ce qui s’y apparente ?

Je ne suis pas réfractaire tant que c’est concret. On a eu, par le passé, des personnes qui nous parlaient avec des termes scientifiques et qui nous perdaient au bout de 30 secondes. Il faut me prouver par A + B que ça fonctionne. Et si ça peut aider, je suis preneur.

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Sans cette sérénité, vous n’auriez jamais pu renverser le Leinster en finale de Coupe d’Europe…

Il fallait de la sérénité et de la confiance, surtout. De la confiance en chacun de nous, dans le groupe, le staff, la stratégie… Tout ça, on l’avait. La capacité à rester calme et à garder la ligne directrice de notre jeu a été déterminante.

Il fallait aussi être un capitaine zen pour garder les idées claires alors que le Leinster menait 20-0 après 11 minutes…

(sourire) Le truc, c’est que juste avant le match, j’avais annoncé que même si on perdait 20-0, ou que l’on gagnait 20-0 à la 20e, il ne fallait pas dévier de la stratégie. Quand on s’est retrouvé sous les poteaux, on s’est regardé dans les yeux en mode : "C’est comme on avait dit avant le match, y’a plus qu’à." Enfin, façon de parler, évidemment.

Comment vous êtes-vous construit en tant que capitaine ?

J’ai souvent été capitaine dans les équipes de jeunes. À Auch, j’ai appris de ceux qui m’entouraient. Et ici, je me suis enrichi de la présence de Victor Vito et de Romain Sazy. Ce sont des joueurs très différents et j’ai pu puiser plein de choses chez eux. Romain est quelqu’un avec des valeurs proches des miennes, qui a beaucoup d’expérience et sait gérer un groupe ; Victor, lui, avait un côté très précis, il donnait de la confiance et rassurait ses partenaires.

Vous, qui avez des origines écossaises par votre père, dégagez aussi ce côté anglo-saxon, assez froid sur la pelouse ?

Mon parti pris est assez clair : une fois que l’on rentre sur le terrain, il n’y a plus d’émotions. Il n’y a que des machines en quelque sorte. Enfin, de temps à autre, les émotions positives peuvent tout de même servir de carburant. Tout est question d’équilibre en fait. Il ne faut pas être trop latin, afin de ne pas se laisser déborder par les sentiments et perdre les pédales. Et si vous êtes complètement froid, ça peut vous rendre "vide" en quelque sorte.

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Quelle importance accordez-vous aux discours ?

Pour être honnête, le discours est ce qu’il y a de moins important à mes yeux. J’ai tendance à essayer de répartir la parole. Il y a plusieurs capitaines dans le groupe. Chaque fois que l’on se réunit, je regarde Antoine Hastoy, Romain (Sazy), Pierre Bourgarit, "Jo" Danty, Uini (Atonio), d’autres qui sont moins bavards… Tous ceux qui ont quelque chose à dire doivent prendre la parole. Elle appartient à tout le monde.

Antoine Dupont, qui est votre capitaine en Bleu, est-il une source d’inspiration ?

Je m’inspire d’Antoine comme de ce qui se fait globalement en équipe de France. Ça marche bien, autour d’un noyau de 5-6 joueurs également. Ce serait idiot de ne pas s’en inspirer. L’image du berger qui marche seul devant son troupeau, c’est juste ridicule. Je n’ai pas la science infuse, personne ne l’a d’ailleurs. C’est important de piocher le meilleur chez chacun. Ça ne peut que rendre le groupe plus fort.

En quoi les revers en finale en 2021 vous ont-ils changé ?

Ces défaites et le fait que Ronan devienne manager m’ont beaucoup aidé à devenir un gagnant, comme nous le sommes désormais à La Rochelle. Avant, on fêtait les demi-finales gagnées. Puis Ronan a dit stop : "C’est ridicule. Perdre en finale ou en huitième, c’est le même résultat. Il n’y a pas de gloire à ça. " Ronan est obsédé par la gagne. Partout où il passe, il veut gagner. Maintenant, on joue pour des titres, c’est différent.

L’émulation qu’il y a entre vous et le Stade toulousain depuis quelques années est-elle une motivation supplémentaire ?

C’est énorme, oui. Toulouse est une très très grande équipe. On veut prouver à tout le monde que l’on est une grande équipe. Il nous faut encore le prouver en Top 14. On a un double titre de champion d’Europe à assumer.

L’idée de fonder une dynastie, évoquée par Ronan O’Gara et plusieurs de vos partenaires, fait-elle office de but concret à vos yeux ?

Bien sûr, l’objectif est de gagner un maximum de titres et de monter le club le plus haut. Il ne faut jamais se reposer sur ses lauriers. Il faut aussi toujours travailler dur, vivre le moment présent à fond. La suite, elle s’écrira toute seule.

Avant de vous affronter, avez-vous pour habitude de vous envoyer des petites piques avec Antoine Dupont et les "Gersois" du Stade toulousain ?

On s’envoie souvent des messages mais je vous avoue que l’on parle peu de rugby à distance. C’est plus pour se balancer des conneries qu’autre chose. Le rugby, on en discute assez quand on se voit.

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