Abonnés

Top 14 - Une tonne de barbaque et un sang-froid de champion : comment La Rochelle broie ses adversaires

  • Top 14 - Grégory Alldritt (La Rochelle).
    Top 14 - Grégory Alldritt (La Rochelle). Midi Olympique.
Publié le
Partager :

Samedi après-midi, les Bordelais auraient probablement pu jouer dix ans sans mettre une seule fois en danger ce rempart rochelais bâti sur une tonne de barbaque, une agressivité rare et un sang-froid de champions…

J’ai grandi, comme vous, avec l’idée selon laquelle il y aurait "une place pour tout le monde, sur un terrain de rugby". J’ai beau avoir pour les dogmes de nos pères un profond respect, je retiens néanmoins des demi-finales de Saint-Sébastien que dans un sport portant le rapport dominant / dominé à son paroxysme, mieux vaut peser 130 kg que 100 ; mieux vaux être Uini Atonio, Will Skelton, Jonathan Danty, Emmanuel Meafou, Julien Marchand ou Cyril Baille que tout autre animal de proportions plus communes. Et que sur un ring par nature fermé en ses quatre points cardinaux, le pouvoir d’écraser prévaut bien souvent sur celui de contourner, d’éluder, d’éviter. Je n’invente rien et à Anoeta, les ogres de conte ont donc bouclé, face à des êtres humains de calibre plus ordinaire, chacune de ces deux rencontres en trente minutes à peine, posant très vite leurs grosses pattes sur les gorges de leurs victimes pour ne lâcher l’étreinte qu’une fois sonné le glas. En clair, j’ai beau avoir pour l’Union Bordeaux-Bègles toute l’admiration que mérite une entité drainant régulièrement à elle 25 000 spectateurs à Chaban, on ne m’enlèvera pas de l’idée que l’UBB, plus belle que bête samedi après-midi, aurait pu attaquer le blockhaus d’en face dix ans durant, elle lui aurait à peine infligé une égratignure…

Que dire, in fine, à ce vieil ami de la rive droite bordelaise soutenant contre vents et marées qu’il y avait "eu match" entre Bordeaux et La Rochelle, sinon que son amour pour l’Union Bordeaux-Bègles devait le rendre aveugle et qu’au-delà des trente minutes passées debout par Ben Tameifuna, qui jouait samedi avec le pouce cassé, les Girondins n’ont quasiment jamais avancé à l’impact, jamais pu construire de maul pénétrant digne de ce nom, jamais inquiété cette force tranquille de l’Atlantique qui nous fit d’ailleurs nous rappeler que les meilleures équipes du monde, au rugby, sont bien souvent les plus baraquées et que si les Bleus de Fabien Galthié font peur à la planète, c’est qu’ils ressemblent à s’y méprendre aux Anglais de Martin Johnson et Lawrence Dallaglio ou, plus près de nous, aux Springboks d’Eben Etzebeth et Duane Vermeulen. Récemment, Pierre-Henry Broncan, le nouvel adjoint d’Eddie Jones à la tête de l’Australie, nous disait ceci au sujet de la bande à O’Gara : "La Rochelle, c’est une dimension physique hors normes. Ce sont des monstres et pour tout dire, les avants de Bordeaux ont beau être solides, ils sont contre le Stade rochelais passés pour des enfants et si celui-ci a battu le Leinster à deux reprises, c’est avant tout parce qu’il l’a secoué dans le combat collectif."

Le "ping-pong rugby" comme seul moyen de défense

C’est un fait, coach : "Quand tu as un axe droit Atonio-Skelton, tu as déjà 300 kg sur la balance : ça t’assure une supériorité en mêlée et dans les mauls, qu’ils soient défensifs ou offensifs. En face, il faut pouvoir s’y mettre…"

On a compris, à postériori, ce que voulaient faire Maxime Lucu et ses coéquipiers au stade Anoeta. On a pigé, passé l’effet hypnotique qu’avait procuré chez les 40 000 spectateurs présents cette interminable partie de ping-pong, que la "dépossession" bordelaise avait simplement pour but de faire courir les titans d’en face et d’enjamber ce pare-brise où, une heure durant, les Girondins s’étaient fracassés comme des papillons de nuit. "Nous ne sommes pas les seuls à avoir été impuissants contre le Stade rochelais", nuançait à juste titre le coach girondin Frédéric Charrier après la rencontre ; lui qui, une heure après avoir assuré face à la presse que son équipe aurait terminé la saison "plus loin si Christophe Urios était resté en place", a dû passer le reste de la nuit à assurer à ceux qui avaient naguère demandé la tête du Grand Timonier au président Laurent Marti (Nans Ducuing, Clément Maynadier, Jean-Baptiste Dubié et tant d’autres…) que ce n’était pas exactement ce qu’il avait voulu dire… Ou que les journalistes avaient dû faire des raccourcis… Tu m’étonnes, Ayrton…

De Tarbes à Saint-Denis, une incroyable épopée

En tout état de cause, ce Stade rochelais à court de rythme et de souffle après trois semaines de coupure n’a pas fait à Saint-Sébastien le plus grand match de sa saison. À mi-vitesse, à mi-puissance, les gonzes de Charente-Maritime ont néanmoins dessoudé la belle bordelaise avec l’autorité d’un double champion d’Europe, le sang-froid d’un familier des phases finales. Parce qu’à moins d’être passé en Gipuzkoa à côté de quelque chose, il n’y eut ni larmes, ni démonstration de joie excessive, après cette demi-finale. Il y eut seulement une tape dans les pognes et la satisfaction du travail accompli, le contentement de voir l’ordre des choses être finalement respecté. "Nous n’avons encore rien gagné, confiait d’ailleurs samedi soir Sébastien Boboul, le coach des trois-quarts rochelais. À nos yeux, cette demi-finale était juste une étape vers le titre qui nous manque encore." De façon concomitante, le talonneur Pierre Bourgarit abondait en ce sens : "Nous savons que nous pouvons marquer les esprits et réaliser, cette année, quelque chose de très grand."

Entendez par là que l’inoubliable doublé Champions Cup / Brennus qu’ont réalisé les Toulonnais de Bernie le Dingue en 2014 et les Toulousains d’Ugo Mola sept ans plus tard n’est plus qu’à une portée de fusil pour les bagnards et qu’en l’état, le Stade rochelais, après avoir signé il y a un mois l’un des plus grands exploits du sport collectif français, est effectivement en passe de "marquer l’histoire ". De quoi nous rappeler qu’il n’y a même pas dix ans, le club charentais disputait le championnat de Pro D2 avec Tarbes, Auch, Albi ou Bourg-en-Bresse, bastions historiques depuis disparus de la carte du rugby professionnel. Quelle trajectoire, bonne mère… Et quelle épopée ces hommes-là sont-ils en train de vivre…

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

Les commentaires (1)
Djive-ST Il y a 10 mois Le 12/06/2023 à 01:07

Sauf qu'en deuxième mi-temps si les bordelais n'ont pas pu percer c'est surtout lié à leur absence de clairvoyance car les rochelais se sont un peu éteints et face aux gros de Toulouse les impacts seront plus décisifs et même gonflés à bloc ils ont un handicap mental face aux Lions blessés que sont les toulousains