Abonnés

Top 14 - François Cros : "L’histoire retient les champions, pas les demi-finalistes"

Par Jérémy Fadat
  • François Cros, troisième ligne du Stade toulousain.
    François Cros, troisième ligne du Stade toulousain.
Publié le
Partager :

Si son équipe est présente dans le dernier carré de sa neuvième compétition d’affilée, il se souvient surtout qu’elle n’a pas atteint la finale lors des trois dernières. Au bout d’une saison où l’état des troupes stadistes fut bien géré, il ne veut pas connaître le même sort.

Votre équipe est passée par différents sentiments ces dernières semaines. Dans quel état d’esprit situez-vous le groupe avant cette demi-finale ?

Avec la fin de saison qui est arrivée, les phases finales qui ont approché, on sent que l’excitation aux entraînements n’est pas du tout la même depuis quelque temps. Le groupe essaye de travailler plus sérieusement pour éviter de revivre les déconvenues de la saison dernière et de la demi-finale perdue en Champions Cup cette année.

Quelle est la clé pour ne pas le revivre ?

J’espère déjà qu’on a tiré les enseignements nécessaires et qu’on va aborder le match de manière plus sereine. Le but, c’est vraiment d’être plus précis.

Vous avez évoqué cette demie perdue au Leinster fin avril. Vous sembliez pourtant davantage prêts que l’an passé mais que vous a-t-il manqué ce jour-là ?

Nous avons eu la même sensation sur le terrain et sommes ressortis beaucoup plus frustrés que l’an dernier. Franchement, avec moins d’indiscipline, plus d’application et peut-être davantage de maîtrise sur nos sorties de camp, on aurait pu rivaliser avec cette équipe. En tout cas, on avait l’impression que la marge entre eux et nous était plus fine que la saison passée. Mais en phase finale, pour espérer l’emporter, il faut faire des matchs parfaits et aller loin dans le détail, ce que nous n’avons pas réussi sur cette demie. C’est rageant. On peut perdre, ce n’est pas le souci, mais à condition de s’être donné les moyens de jouer à notre meilleur niveau. Ce jour-là, cela n’a pas été le cas.

On a senti dans vos productions suivantes que cette défaite avait laissé des traces dans les têtes…

C’est vrai. Il est certain qu’on n’a pas été performants dans les semaines qui ont suivi. Même si l’équipe a assuré l’essentiel en validant assez rapidement la qualification pour les demi-finales de Top 14, ce qui nous a permis de faire tourner l’effectif et de couper une semaine (celle de la finale de Champions Cup, NDLR). Ce n’était pas plus mal de prendre du temps pour récupérer et digérer cette défaite. Aussi pour tous se remettre en question individuellement et aborder la dernière ligne droite la tête enfin libérée. Ce sont l’envie et la détermination qui doivent nous porter pour faire mieux que l’an dernier et mieux que sur cette demi-finale.

Vous disiez à quel point ce revers fut rageant. Peut-on se servir de cette frustration ?

Bien sûr. Dans le sport, comme dans la vie, il faut toujours se servir de ses erreurs pour rebondir. Nous sommes tous de grands compétiteurs et avons tous regardé la finale de Champions Cup. Revoir les Rochelais soulever le trophée, ça nous a trotté dans la tête ensuite. On a déjà vécu ces émotions et on veut les connaître à nouveau. Je sais que chacun l’a dans la tête aujourd’hui. Il faut se donner les moyens d’aller chercher quelque chose. L’an passé, on a fini sur deux demi-finales perdues. On ne veut pas le revivre.

Plusieurs membres du groupe ont confié que les leaders, dont vous faites partie, ont eu un rôle prépondérant à jouer ces derniers temps…

Le groupe attend aussi que les leaders prennent leurs responsabilités. Mais il y a deux scénarios différents à aborder. Pour ce qui est de la Champions Cup, la saison n’est pas terminée ensuite, quel que soit le résultat. Il existe la possibilité de rebondir en championnat, et notre rôle était justement de tout faire pour que ce soit le cas.

Et maintenant ?

La phase finale de Top 14, c’est la fin de saison tout court, donc la fin de l’aventure avec ce groupe. Ce n’est pas pareil. Au vu des quelques mouvements qu’il y aura à l’intersaison dans l’effectif, c’est important de bien la terminer, ne serait-ce que pour remercier les mecs qui vont partir ou arrêter. Un garçon comme Charlie Faumuina, même si on ne sait pas trop où l’avenir l’emmènera, il a tellement apporté à cette équipe... On se doit de lui assurer une belle sortie.

Être qualifié directement pour les demi-finales, c’est une configuration que vous avez connue en 2019 et 2021 mais pas l’an passé. Là, vous avez pu partir en stage la semaine dernière. Cela change-t-il vraiment beaucoup de choses ?

C’est un confort et une chance de pouvoir préparer ce rendez-vous avec une semaine de stage à l’extérieur. L’an dernier, on avait peut-être l’excuse d’avoir dû passer par un barrage avant de perdre en demi-finale. Cette année, il n’y a aucune excuse et on ne pourra pas se cacher derrière ça, d’autant que la gestion du groupe a été bien faite sur la fin de saison. Il ne faudra pas brandir l’argument de la fatigue.

Cette gestion fut soulignée, avec des plages de récupération pour les internationaux qui ne vous ont pas empêchés de terminer premier de la phase régulière. Faut-il vous récompenser en quelque sorte de cette saison bien maîtrisée ?

C’est l’idée, oui. Et cette gestion, c’est plus largement l’image de notre groupe qui s’étoffe, avec de plus en plus de joueurs qui répondent présent. Il est important de valider tout le travail effectué et la méthode qui nous a amenés jusque-là, donc de remporter un titre.

Tous les regards sont braqués sur La Rochelle depuis sa finale victorieuse à Dublin, synonyme de doublé en Champions Cup…

Les Rochelais ont réalisé un véritable exploit en s’imposant au Leinster, surtout après un début de match assez catastrophique pour eux. Cela rend leur victoire encore plus belle. Félicitations à eux pour ce deuxième titre d’affilée.

De plus en plus, on parle aujourd’hui de suprématie rochelaise. Comment le vivez-vous ?

Cela "titille" évidemment notre esprit de compétiteur. Mais on essaye de se concentrer sur nous, sur ce qui n’a pas marché lors des derniers matchs couperets, sur ce qu’on peut faire de mieux collectivement pour l’emporter. La pression médiatique, il y en aura quand même sur nos épaules, comme il y en a toujours lors de ces rendez-vous. Mais avancer un peu masqué par La Rochelle, ce n’est pas un problème, d’autant que c’est mérité au vu de la performance de cette équipe face au Leinster.

Vous avez insisté sur le fait d’être sortis sans titre la saison passée, après le doublé de 2021. Serait-ce un échec si c’était encore le cas cette année ?

Ce serait un échec par rapport à la qualité de notre effectif. On a un groupe qui joue et vit bien ensemble. Mais malheureusement, les seules récompenses, ce sont les titres. On a pas mal d’ambitions depuis 2019, plus encore depuis 2021. Ces deux saisons ont été magnifiques et, quand on a goûté à ce genre de choses, on veut le retrouver. Remporter des titres chaque année, c’est un objectif pour ce club et pour chacun des joueurs qui le composent. Cette saison, il en reste encore un en jeu.

Ce Top 14 est la neuvième compétition d’affilée dans laquelle vous atteignez le dernier carré. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

C’est une belle statistique… Mais, je note aussi que, si nous avons été neuf fois en demi-finale, nous n’avons pas été titrés neuf fois. C’est bien d’être dans le dernier carré mais si c’est pour se faire sortir en demie… À l’arrivée, la seule chose que cela t’apporte, c’est d’avoir joué un match de plus. L’histoire retient les champions, pas les demi-finalistes.

Ugo Mola disait récemment que la demi-finale est le match le plus dur à gagner. Sur les huit dernières vous concernant, vous n’en avez remportées que trois mais avez été au bout à chaque fois…

Je le rejoins là-dessus. C’est certainement le match le plus compliqué à aborder, dans le sens où ça peut être le dernier de la saison, mais ça ne l’est pas forcément. Il est éliminatoire, il faut répondre présent, mais ce n’est pas fini. Une finale, c’est forcément particulier mais c’est différent…

En quel sens ?

Il y a toute une atmosphère singulière autour, parce que c’est une finale justement. C’est d’ailleurs ce qui nous a peut-être pénalisés sur nos dernières demi-finales. On doit sûrement jouer ce match comme si c’était le dernier, pour ne pas avoir ces regrets qui ont parfois été les nôtres. Quoi qu’il arrive, le Stade toulousain doit jouer à son niveau ce jour-là. Je ne dis pas qu’on aurait gagné au Leinster mais on n’aurait pas eu cette frustration. Si Toulouse avait joué à son niveau, il y aurait peut-être eu un autre match derrière.

Si on vous suit, une finale est sûrement plus simple à aborder mentalement…

Je le pense, oui. Lors d’une finale, tu as déjà le trophée à portée de mains. Mais, pour y être, il faut gagner en demie.

À titre personnel, après une blessure à un genou en fin de saison dernière, vous avez été victime d’une rechute au bout de quelques minutes lors de votre retour à la compétition début septembre, vous conduisant à une opération. Avez-vous eu peur que tout parte en vrille ?

J’ai eu des doutes, bien sûr. Quand on se blesse, ce n’est pas évident mentalement. Quand on rechute de suite, ça l’est encore moins. Mais l’avantage, c’est que c’est arrivé très tôt dans la saison. Je savais que j’aurais du temps pour revenir, pour rattraper le wagon. Je m’étais fixé l’objectif d’être prêt pour disputer le Tournoi des 6 Nations. Ce fut compliqué de tenir ces délais, mais j’y suis parvenu. Finalement, cette mésaventure m’a permis de me refaire une santé, de retrouver la compétition et d’aborder la fin de saison sans être trop usé par l’enchaînement des matchs.

On a d’ailleurs vu cette fraîcheur sur la fin du Tournoi…

Oui, il y avait une part de fraîcheur mais aussi la détermination, l’envie de regoûter à la compétition, à ce maillot bleu qui m’est si cher. Il est tellement dur à aller chercher que vous voulez vite le retrouver. J’ai eu cette chance et cela m’a donné beaucoup d’énergie.

Le paradoxe étant que vous avez retrouvé une place de titulaire en sélection avec la blessure de votre ami et coéquipier Anthony Jelonch, ce qui vous a beaucoup affecté…

C’était une situation compliquée à vivre. "Antho", c’est mon pote et on n’est jamais content de voir un ami se blesser. Sur mon cas personnel, c’est ce qui m’a un peu relancé dans l’équipe. Mais j’aurais largement préféré que cela se fasse autrement, par les performances sur le terrain. C’était un moment délicat pour moi et je suis heureux que la rééducation d’Anthony se passe bien. J’espère de tout cœur qu’il pourra être dans les délais pour la Coupe du monde. "Antho", c’est vraiment un super mec, un magnifique joueur et un élément très fort de notre équipe, que ce soit en club ou en sélection. S’il n’est pas là en septembre, il manquera beaucoup.

Lors de chacun des derniers titres toulousains, il y a eu les graves blessures d’éléments forts du groupe en amont, Julien Marchand ou Dorian Aldegheri en 2019, Yoann Huget ou Sofiane Guitoune en 2021. Y voyez-vous un signe alors qu’Anthony Jelonch manque aujourd’hui à l’appel ?

Les saisons sont tellement longues et chargées que chaque année a son lot de blessures. C’est aussi la loi du sport. On laisse des mecs en route mais c’est une source de motivation. Eux n’ont pas la chance de disputer ces matchs-là et c’est à nous de valider leurs efforts, de les récompenser pour tout ce qu’ils ont fait. Si on en est là, c’est également grâce à "Antho". C’est la même logique que ce que je disais sur Charlie Faumuina dont l’importante sur les dernières saisons a été immense. Ce n’est pas un hasard si, lors de chaque titre, les trophées ont été soulevés par les blessés ou ceux qui arrêtaient. Cela symbolise la place qui est la leur dans le groupe.

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

Les commentaires (1)
CasimirLeYeti Il y a 10 mois Le 07/06/2023 à 17:45

J'aimerais que le Stade développe un plan B avec du rugby d'avant, du jeu dans l'axe, ceci n'empêchant pas de garder notre ADN mais de mieux utiliser nos avants qui ne sont pas là que pour gagner des ballons sur conquêtes directes. Nous aussi, on a des gros porteurs, ce, à l'image de la Rochelle ; C'est dommage de les sous-utiliser ! Et, puis, on ne battra jamais le Leinster, si on est pas propre et précis dans ces phases de jeu...