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Champions Cup - L'entretien croisé de Sébastien Boboul et Romain Carmignani (La Rochelle) : "Comme des frères"

Par Propos recueillis par Romain ASSELIN
  • Sébastien Boboul et Romain Carmignani (La Rochelle)
    Sébastien Boboul et Romain Carmignani (La Rochelle) Icon Sport - Icon Sport
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Sébastien Boboul et Romain Carmignani - Entraîneurs de La Rochelle. Pas loin d’être inséparables depuis le début du siècle, forts d’un destin commun, fers de lance de l’historique montée du club à la caravelle en Top 14 (2010), les adjoints de Ronan O’Gara - que le technicien irlandais aime exposer - racontent leur dualité.

On savait ces deux hommes-là cul et chemise. Comment pourrait-il en être autrement, après tout ? Plus de vingt ans que Sébastien Boboul et Romain Carmignani se côtoient au quotidien. Ou presque. Pas banal pour un trois-quart et un avant, n’est-ce pas ? Successivement formés à l’ASM Clermont-Auvergne, joueurs puis entraîneurs au Stade rochelais, ils n’ont été éloignés qu’entre 2012 et 2018. Mais sans jamais rompre le contact. Désormais membres à part entière du staff maritime mené par Ronan O’Gara, les deux techniciens nous ont ouvert la boîte à souvenirs pendant près d’une heure, à l’Apivia Parc. L’un, "Seb", de deux ans l’aîné, assis à même le synthétique. L’autre, "Carmi", sur une chaise. Comme pour illustrer leur complémentarité. Savoureux dialogue.

Une amitiée nouée en dehors des terrains

Sébastien Boboul : La première fois qu’on s’est croisés, c’était au centre de formation de Clermont. On n’a jamais joué ensemble mais on partageait des déjeuners et des soirées étudiantes (sourire). Je suis arrivé à La Rochelle en 2004 en même temps que Serge Milhas qui voulait construire un groupe avec pas mal de jeunes. J’ai fait jouer mes relations.

Romain Carmignani : Vous m’aviez fait venir en janvier 2005 pour un match. J’ai dû signer en avril. Je me souviens avoir dormi chez toi, on avait fait une soirée.

S. B. : On a fait tellement de soirées ! On aime bien être avec du monde, passer du temps avec des amis, partager en dehors du rugby.

R. C. : Ça a vraiment matché entre nous quand je suis venu à La Rochelle. D’ailleurs, nos femmes sont aussi issues de Clermont. On les a rencontrées là-bas. Et ce qui est drôle, c’est qu’elles étaient à l’école ensemble, aussi !

S. B. : On a plus lié des liens ici parce qu’on avait un bon groupe, très jeune. 25 ans de moyenne d’âge. On avait envie de grandir, de rejouer en Top 14.

R. C. : On était tout le temps ensemble. Les mercredis, on prenait des cafés à 20 ou 25 sur le port, on sortait le jeudi soir, on bouffait à droite à gauche. Serge a surfé sur ça. Quand je suis parti à Béziers en 2012 pour continuer à jouer, on ne savait pas trop qu’on se retrouverait… "Seb", tu as arrêté ta carrière en même temps pour devenir entraîneur ici.

Une relation devenur fraternelle

S. B. : Ici, à La Rochelle, on cherchait à restructurer le centre de formation et le staff. Une année, je t’avais sondé, Romain. Je savais ce que tu étais capable d’apporter. Tu avais ton job d’entraîneur à Béziers. Finalement, ça s’est fait quelques années plus tard.

R. C. : J’avais dit à Elise (sa compagne, N.D.L.R.) que mon objectif était de venir entraîner à La Rochelle. Je savais que ce n’était pas fini. Il y avait quelque chose de particulier entre nous et avec ce club.

S. B. : Déjà, on s’appréciait en tant que joueur. On s’est lié encore davantage et on s’est "construit" quand on a commencé à bosser ensemble, à la tête des espoirs. Chacun avec nos qualités et nos parcours différents, on a réussi à trouver la recette. On passait vraiment beaucoup de temps ensemble, on réfléchissait ensemble, on a créé des liens très forts.

R. C. : Je nous vois un peu comme des frères ! C’est un mot fort. "Seb", tu es plus pudique que moi. (Sébastien Boboul semble ému) Je te vois plus que mon propre frère. On sait que l’on peut compter l’un sur l’autre. Même pendant les six années où je n’étais pas sur La Rochelle, on n’a jamais coupé le cordon. Je venais presque tous les étés et certains week-ends avec mes filles.

S. B. : Nos enfants sont quasiment de la même génération. Ils se connaissent depuis longtemps. On se faisait souvent des week-ends avec un groupe d’amis. Des sorties campings sur l’île de Ré, en Vendée…

Le Yin et le Yang, en coulisses

S. B. : Ce qui est bien, c’est qu’on est complémentaires dans nos caractères et notre façon d’entraîner. C’est pour ça que ça a matché, on a trouvé le bon équilibre. Romain, tu aimes bien que ce soit très cadré. Moi, moins (rires). Je suis plus sanguin et lui, plus posé.

R. C. : Ronan (O’Gara) te ressemble (rires).

S. B. : Même dans la vie de tous les jours, je suis capable de craquer et disjoncter (rires). Bon, avec l’âge, je me suis calmé. J’en discute avec pas mal d’arbitres des catégories espoirs que je recroise, ils m’apprécient davantage maintenant.

R. C. : Mais toi, tu sais plus t’adapter à des situations. C’est inné. Moi, j’ai besoin d’anticiper, de réfléchir, que la nuit passe… même si la période Covid a changé des choses. Est-ce que c’est lié à notre profil de joueur ? Derrière, tu as besoin de prises d’initiative rapides.

S. B. : Notre plus grosse dispute ? Je parlerai plutôt de désaccords sur le terrain, vite réglés. Quand tu t’apprécies et que tu te connais bien, tu es capable de le faire et ça se tasse après. Nous, on se connaît par cœur. On sait qu’on est capables de monter et après de redescendre.

R. C. : Je me souviens quand tu m’avais branché avec "Raph" Sanchez qui avait raté un plaquage parce que tu t’étais moqué de lui, tu te rappelles ? Tu avais pouffé. Moi, j’étais vexé ! (les deux éclatent de rire)

S. B. : Sûrement que je n’aurai pas dû brancher mais c’était sorti tout seul. J’avais pris une petite "fume" ! Tu te souviens qu’on s’est peu un peu accrochés aussi après une finale des espoirs, en 2019 ?

R. C. : Celle perdue contre Toulon ! Retour de bus. Tu étais tout seul devant, chonchon, à taper du pied. Moi, j’étais avec les mecs au fond. On buvait, on fumait. C’était assez drôle quand tu t’es énervé (rires).

S. B. : Je leur avais mis une rouste (rires). "Les gars, oh, on n’a pas gagné !" Je n’arrivais vraiment pas à m’en remettre… Les mecs, eux, étaient passés à autre chose, capables de boire des coups et fumer ! Si on avait gagné, j’aurais pu faire deux fois pire. Là, je l’avais en travers. Notre groupe en 2018-2019 méritait d’être champion de France.

Des souvenirs partagés à vie

S. B. : Ce groupe-là avait un surnom : "Les impitoyaux". "Carmi", dans le brief du premier match de la saison, tu avais dit : "Aujourd’hui, on doit être impitoyaux !" Là, fou rire dans la salle. On s’est regardés. "Impitoyaux ? Ça se dit, ça ne se dit pas ?" Du coup, c’est resté comme le nom de notre groupe. Que d’émotions cette année-là. On a eu de la chance de vivre pas mal d’émotions tous les deux.

R. C. : La première montée en Top 14, quand on a gagné la finale d’accession, c’était énorme ! En fait, le bus rentrait au stade. On passait par le port parce qu’avant, il n’était pas interdit aux véhicules. Et là…

S. B. : C’était blindé, noir de monde ! On ne se rendait pas compte. Pourtant, sur la route du retour, nos femmes au téléphone nous disaient que c’était la folie à La Rochelle. Pour notre groupe, c’était comme si on était champion du monde.

R. C. : C’était vraiment très fort. J’ai cette image de Franck Jacob (ancien deuxième ou troisième ligne) sautant du bus. Il s’est pris pour une rock star plongeant dans la foule. Sauf que… les gens se sont écartés ! Le mec faisait 115 kg. Ça m’avait marqué. On en a mille, des anecdotes.

S. B. : On ne peut pas tout dire (rires). On a fait sauter la trappe du bus pour tous monter sur le toit. On se l’est fait, l’impériale ! Pendant trois jours, on avait les clés de La Rochelle, on bloquait les rues, on était les rois, on faisait ce qu’on voulait… On était jeunes et cons.

R. C. : C’est vrai qu’on se faisait des crasses, aussi. On avait bien rigolé quand on avait vidé l’appartement de Franck Anglade (Rochelais de 2004 à 2007).

S. B. : On devait aller au resto. Pendant l’apéro chez lui, on avait laissé la baie vitrée ouverte. Et quelques joueurs étaient revenus en douce et avaient mis tout son salon dans sa chambre. Sa tête quand il est arrivé tôt le matin… (rires) Après, ça a dégénéré, il y avait des voitures garnies d’œufs, de PQ…

Des anecdotes aussi...

S. B. : Notre premier match ensemble en pro ? C’était à Deflandre, c’est sûr. Ça devait être Auch ou Oyo.

R. C. : Deflandre, tu es sûr, gros ? Non… (on leur souffle que c’était en octobre 2005, sur la pelouse du Racing) Ça fait 18 ans ! Pour être honnête, je n’ai plus trop de souvenirs de mon passé de sportif. À part quelques matchs marquants. Je me rappelle plus d’anecdotes de vestiaires, de l’extra-rugby […] Seb, il aurait aimé être Christian Cullen, l’arrière de la Nouvelle-Zélande, on en a souvent parlé.

S. B. : Qu’est-ce qu’il me manquait ?

R. C. : La fougère !

S. B : Non, les cannes (rires). J’aurai aimé aller très, très vite. Le gabarit, je m’en fichais. Toi, "Carmi", je pense que tu aurais aimé être plus rapide.

R. C : Un trois-quarts ! Mais je badais "Charlie". C’était Olivier Magne notre star à Clermont. C’était un truc de fou. Quel joueur ! Et toi, "Seb", jouer devant ?

S. B : J’aurais le tempérament de jouer devant, mais je préfère les espaces quand même.

R. C : Ma plus grosse bourde sur un terrain ? J’ai fait 19 secondes une fois !

S. B : Qu’est-ce que tu as fait ?

R. C : Contre Biarritz, ici, en 2010. J’entre en jeu sur une mêlée. Là, bagarre, je m’accroche avec un pilier. L’arbitre nous sort tous les deux. Je crois que j’ai le record de temps de jeu du Top 14 (rires).

S. B. : Moi j’ai raté la pénalité de la gagne, contre Albi, pour aller en finale de Pro D2 en 2009…

R. C. : Je n’étais pas là, c’était le jour de la naissance de ma fille. J’ai vu ça à la télé !

S. B. : C’est pour ça qu’on a perdu, d’ailleurs (clin d’œil). J’ai la pénalité de la gagne. Match nul 15-15, on se fait éliminer… Ça, on est capable de me le redire. Ça m’a suivi.

Une belle complicité avec le président Merling

R. C. : Vincent, plus ça va, plus il râle (rires). Il se permet avec nous deux de dire des choses qu’il ne dirait pas à Ronan ou à d’autres personnes. De toute façon, on le voit, dès qu’il touche le col de sa chemise, c’est qu’il y a un truc qui ne va pas (rires). C’est assez drôle.

S. B. : Il aime bien nous chambrer. Il est capable de nous mettre pas mal de piques, même en plaisantant, et nous faire passer des messages après des défaites. Parce qu’on a une super relation. Je n’ai connu que lui comme président. À l’époque, il était un peu dur à la signature (rires).

R. C. : Les soirs où l’on gagne, au lieu de profiter - je ne sais pas comment elle doit faire Françoise (son épouse), elle doit passer de ces semaines… (rires) - il nous parle de suite du match d’après. "Oh, Vincent, ça ne fait même pas une heure que le match est fini, tu nous parles déjà de ça (rires)." Il est top. S’il est notre papa ? C’est un papi (sourire). Je vois le rôle de patriarche. Il est bienveillant. Son club, c’est son bébé.

S. B. : Il est honnête, il laisse le staff prendre le temps de travailler. Même si des fois il donne son avis en off, il a confiance. On a vécu tellement d’émotions avec lui comme cette montée en Top 14 qui était la consécration pour le club. On espère qu’il sera encore là longtemps.

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