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Top 14 - "Ce sont mes copains qui m’ont sauvé de toute cette merde...", Mathieu Acebes se confie après l'épisode Danty

  • Mathieu Acebes a reçu un carton rouge contre la Rochelle après sa faute sur Danty
    Mathieu Acebes a reçu un carton rouge contre la Rochelle après sa faute sur Danty Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Il y a quelques mois, Mathieu Acebes était expulsé d’un match entre Perpignan et La Rochelle après avoir donné un violent coup de tête à Jonathan Danty. Il revient pour la première fois sur l’incident et évoque le flot de menaces auxquelles il a alors dû faire face…

Il reste finalement peu de temps à Perpignan pour assurer son maintien en Top 14. Quel est le plan, au juste ?

À l’Usap, on a toujours prôné le jeu. Et même si nous nous sommes peut-être parfois trop exposés, nous sommes toujours restés fidèles au rugby de mouvement que l’on aime. J’espère qu’il nous permettra de bien terminer la saison…

Après le départ de Melvyn Jaminet, on ne donnait pourtant pas la moindre chance à l’Usap dans ce championnat…

Melvyn est un grand joueur, quelqu’un nous ayant énormément donné ces dernières saisons. Force est de constater qu’à l’Usap, le club est néanmoins plus fort que l’individu. […] J’ai d’ailleurs souvenir qu’en début de saison, un sondage des entraîneurs publié dans vos colonnes nous donnait bons derniers et relégables. À quelques matchs de la fin, nous sommes pourtant toujours en vie…

Comment expliquer la série de guichets fermés à Aime-Giral, ces dernières semaines ?

Patrick Arlettaz (le manager) dit ceci, à propos de l’Usap : « Perpignan, c’est le plus bel endroit pour jouer au rugby quand ça gagne et c’est le pire pour jouer au rugby quand ça perd. » L’Usap, c’est plus qu’un maillot ; c’est un drapeau. Nous, joueurs, avons un devoir par rapport à cette culture, cette histoire. Mais les jours où les résultats sont moins bons, la pression peut également être terrible…

Regretterez-vous Patrick Arlettaz, qui quittera le club à la fin de la saison ?

Dans ma carrière, plusieurs entraîneurs ont compté : Pierre Perez au Pole Espoirs de Bayonne, Thierry Janeczeck avec France 7, Grégory Patat qui m’a relancé à Auch ou Simon Mannix, qui m’a beaucoup appris à Pau… Mais Patrick Arlettaz restera toujours spécial à mes yeux : c’est un personnage, un passionné, un amoureux du club… C’est aussi l’homme m’ayant nommé capitaine… Dans ce milieu aseptisé et où tout le monde se met des limites, il détone. Il se fout du regard des autres et avance avec sa philosophie de jeu, sa propre idée du rugby.

Comment avez-vous pris sa décision de quitter le club ?

Je comprends cet épuisement. Le rugby de haut niveau, c’est un milieu et un job difficile : qui plus est à Perpignan… Et encore plus lorsque tu es né à Perpignan ! Une année ici, ça en vaut deux ailleurs…

Que savez-vous de Franck Azéma, son successeur ?

Son arrivée est une super nouvelle pour le club. Franck Azéma possède une grosse expérience du haut niveau, a gagné des titres avec l’Usap puis Clermont… Sa nomination est un très bon signal envoyé par le club : ça prouve que l’Usap veut grandir.

Perpignan a-t-il néanmoins besoin de se renforcer ?

La décision finale appartiendra aux dirigeants. Mais c’est à mes yeux obligatoire, oui…

Fin décembre, vous étiez expulsé d’un match face à La Rochelle en raison d’un violent coup de tête sur Jonathan Danty. Que s’était-il passé, ce jour-là ?

Je vivais alors une période assez complexe… J’étais même à bout, je crois… J’ai craqué.

Mathieu Acebes (Perpignan) lors du match face à Montpellier
Mathieu Acebes (Perpignan) lors du match face à Montpellier Icon Sport - Icon Sport


Pourquoi ?

L’Usap est un club particulier et le capitanat me demande beaucoup d’énergie : il y a la partie visible, sur le terrain ; et il y a la partie invisible, les autres jours. En tant que capitaine, je reçois les coups le premier… (il soupire) Avant ce match contre La Rochelle, on était en danger et j’ai craqué, voilà tout…

Que vous ont dit vos coéquipiers, après ça ?

La plus belle chose que mes coéquipiers m’ont donnée, ce ne sont pas des paroles : ce sont des actes. Après ce match, ils ont renversé la table, enchaîné des performances énormes et sans ça, j’aurais probablement payé ce geste beaucoup plus cher que je ne l’ai payé… Les gens m’auraient brûlé sur le bûcher, reproché d’avoir lâché l’équipe, d’avoir été le fossoyeur de la saison… […] Mes copains m’ont donc sauvé de toute cette merde : parce que je n’aurais pas eu la force de tout porter tout seul…

Il y a eu un quiproquo derrière ce carton rouge : vous avez assuré dans la foulée avoir dissipé le malentendu avec Danty quand celui-ci disait sur les réseaux sociaux que vous ne vous êtes pas excusé auprès de lui… Qu’en est-il vraiment ?

Il faut croire que le rugby a changé… (soupir) Moi, j’ai attendu Jonathan Danty à la fin du match pour m’excuser. Il le sait. Nous n’étions pas seuls. Je ne faisais pas ça pour plaire à la commission de discipline qui m’attendait quelques jours plus tard. Je le faisais parce que je regrettais profondément ; je le faisais parce que c’est ainsi que les choses se règlent habituellement, au rugby. […] Derrière ça, j’ai mis un message sur les réseaux sociaux pour calmer un peu le torrent de colère qui s’était abattu et c’était une erreur : les gens se sont alors déchaînés davantage. C’était de la haine pure… […] Pour moi, l’incident est aujourd’hui clos et la seule chose que je souhaite à Jonathan Danty, c’est d’offrir une première Coupe du monde à notre beau pays.

Vous parlez de haine ?

Les réseaux sociaux sont un espace bien plus violent que ne le sera jamais un terrain de rugby. Et puis, je pense que les paris ne font qu’empirer l’agressivité qu’ont parfois les gens vis-à-vis des sportifs : un mec qui vient de perdre 50 ou 100 balles te tiendra parfois responsable, s’il perd sa mise… Et cette haine, je la ressens très bien après les défaites : « Tu n’es qu’une grosse merde… Tu n’as rien à faire en Top 14… » C’est une drogue, pour certains ! Ils en deviennent fous.

Avez-vous eu peur, parfois ?

Non. Mais j’ai été déçu. On m’a traité de raciste, de facho, de nazi… On a insulté ma mère, ma grand-mère… On m’a dit qu’on m’attraperait dans une rue sombre et qu’on me fracasserait… Certains sont donc débiles et ça me chagrine. Je n’avais pas besoin d’eux pour savoir que j’avais fait une connerie. Je n’avais pas besoin d’eux pour me sentir mal, pour culpabiliser…

D’accord.

J’ai aussi parfois eu l’impression d’être un assassin, après ce geste. J’ai été stupide mais je n’ai violé ni tué personne, que je sache. Il y a des sujets de société autrement plus graves et pourtant, j’avais alors l’impression qu’on ne voyait plus que moi… Je ne suis pas un gendre idéal mais tout ça a pris de telles proportions, franchement…

Mathieu Acebes à l'échauffement avec Perpignan avant Usap - La Rochelle
Mathieu Acebes à l'échauffement avec Perpignan avant Usap - La Rochelle Icon Sport - Icon Sport

Vous avez depuis fait votre retour sur les pelouses du Top 14. Les arbitres ont-ils changé d’attitude, vis-à-vis de vous ?

Les arbitres, je les respecte et je les connais tous depuis un moment. Dans ma carrière, j’ai toujours interagi avec eux du mieux que je le pouvais, avec l’envie de défendre mon maillot. Mais dernièrement, j’ai senti que l’arbitre de notre match face au Racing (M. Descottes lui avait alors dit : « Vous êtes qui, vous ? Vous voulez repartir pour six semaines ? ») voulait se payer ma tête gratuitement… Il me parlait mal, beaucoup plus mal qu’il ne l’aurait fait avec n’importe quel autre capitaine, en fait… Ma peine (neuf semaines de suspension, N.D.L.R.), je l’avais pourtant purgée. (Il soupire) Je ne comprends pas comment, avec les enjeux que mobilise le Top 14 tous les week-ends, seuls trois de nos arbitres sont aujourd’hui professionnels. C’est une honte. On est arbitré par des mecs travaillant toute la semaine, avec la pression inhérente à leur boulot, et qui débarquent alors au sein du plus grand championnat du monde, dans les contextes souvent complexes que l’on connaît. Mais je ne leur en veux pas… C’est à la Ligue et la Fédé de réagir, après tout…

Qu’avez-vous fait, pendant les neuf semaines de suspension ?

J’ai essayé de m’effacer, d’aider mes coéquipiers comme je le pouvais…

Quel message vous a fait le plus chaud au cœur, pendant la période de suspension ?

Un jour, deux mecs du Pays basque (Damien et Andoni Dutaret, rugbymen à Nafarroa) m’ont envoyé un message qui m’a fait pleurer de rire : « Ecoute, Acebes : vu que tu vas avoir du temps devant toi, tu devrais passer au chantier nous filer un coup de main, au black ». Ils m’ont fait du bien et on est alors entré en contact. Pour les remercier, je les inviterai d’ailleurs ce week-end à Aimé-Giral pour leur faire découvrir les coulisses de l’équipe. Pour tout vous dire, on songe même à monter une SARL du bâtiment (« Dutacebes »), au Pays basque ! Au final, on fait de belles rencontres même dans ce genre de galères…

Allez-vous rester capitaine de l’Usap ?

Pour tout dire, il y a désormais un moment que je réfléchis à cette question avec le staff et mes coéquipiers…

Dès lors, comment voyez-vous votre dernière année de contrat ?

Je crois que j’ai fait mon temps en tant que capitaine. J’ai essayé de mener mes missions à bien, de faire monter l’Usap puis le maintenir en Top 14. Aujourd’hui, je suis prêt à passer la main et à devenir un coéquipier exemplaire. Mais, dans ma façon de m’impliquer ou de me préparer, rien ne changera vraiment. Je ne lâcherai jamais l’Usap.

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