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« Un cas de conscience pour Galthié », explique Jérôme Thion sur l'éligibilité de Meafou avec les Bleus

Par Arnaud Beurdeley
  • Emmanuel Meafou lors du dernier match face à Lyon.
    Emmanuel Meafou lors du dernier match face à Lyon. Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Jérôme Thion - Consultant Canal + : l’ancien deuxième ligne biarrot du XV de France, 54sélections, sélectionné pour le Mondial 2003 alors qu’il ne comptait aucune cape, a accepté de se pencher sur le cas du Toulousain, Emmanuel Meafu, qui pourrait bien connaître une telle situation s’il devenait éligible pour les Bleus.

Emmanuel Meafou, né en Nouvelle-Zélande mais qui a grandi en Australie, a fait savoir au sélectionneur des Wallabies Eddie Jones, qu’il souhaitait jouer pour le XV de France. Comprenez-vous une telle démarche ?
Cela fait quatre ans qu’il vit désormais en France, il s’y sent bien. C’est un garçon qui connaît plusieurs cultures puisqu’il est né en Nouvelle-Zélande, qu’il a aussi un passeport samoan mais il a envie de s’installer durablement en France. Et puis, quand on voit les performances des Bleus par rapport à celles de l’équipe d’Australie, on a le droit de penser que s’il y a un trophée à gagner, ce sera peut-être plus avec le XV de France qu’avec les Wallabies, malgré tout le respect que j’ai pour cette nation. Mais aujourd’hui, sur le papier, il y a un choix qui me semble aussi facile que cohérent.

La règle d’éligibilité de World Rugby pour jouer pour les couleurs d’une autre nation a changé l’an dernier, portant l’obligation d’avoir vécu au minimum cinq ans dans ce pays au lieu de trois. Comment jugez-vous cette décision ?
J’imagine que c’est essentiellement pour protéger certaines nations d’une forme de pillage. Pendant longtemps, des nations comme l’Australie ou la Nouvelle-Zélande ont profité du système au détriment de nations comme les Tonga, les Samoa ou encore les Fidji. Cela me semble assez logique.

Si le statut d’Emmanuel Meafou devait évoluer dans les prochaines semaines le rendant éligible pour le Mondial, pensez-vous qu’il soit opportun de le sélectionner ?
Le XV de France doit être composé des meilleurs joueurs sélectionnables. Je crois, au regard de ses performances, qu’il compte parmi ceux-là. Après, sélectionner Meafou pour le Mondial alors qu’il n’a jamais porté les couleurs de la France pourrait être mal perçu. Personnellement, je me suis retrouvé un peu dans cette situation en 2003. J’ai été appelé pour le Mondial en Australie alors que je n’avais aucune sélection. Je ne dirais pas que je suis arrivé là un peu par hasard, mais j’ai su saisir l’opportunité et m’imposer en équipe de France. Si Fabien Galthié venait à le sélectionner, je n’y verrais aucun problème.

Justement aviez-vous rencontré des difficultés à vous intégrer au sein du XV de France pendant cette préparation de la Coupe du monde 2003 ?
J’ai toujours eu un apprentissage en accéléré en raison de mon parcours. Je n’ai pas souvenir de difficulté particulière. De toute façon, lors d’une préparation à un coupe du monde, il n’y a pas de temps à perdre, ni de question à se poser. C’est l’objectif d’une vie pour tous les joueurs qui ont la chance de porter ce maillot bleu.

Comment le situez-vous par rapport à sa concurrence direct avec des garçons comme Paul Willemse ou Romain Taofifenua ?
Ce sont des profils assez similaires. Maintenant, il faut se poser la question en terme de volume, en terme de temps de jeu. Emmanuel Meafou a cette capacité à pouvoir enchaîner des rencontres de très haut niveau, à haute intensité et souvent sur 60 ou même 80 minutes. C’est un garçon qui fait 140 kg et qui se déplace très bien. Il casse les plaquages, gagne la ligne d’avantage et sait merveilleusement bien jouer dans les défenses. C’est vraiment une pépite. En défense, il détruit les ballons portés, ce qui est un réel avantage. Il a aussi des mains en or. Pour moi, il a un profil à Will Skelton mais en plus habile.

Est-ce un don ou le fruit du travail au Stade toulousain ?
Il a dû naître avec de bonnes mains quand même (rires). Maintenant, il évolue au Stade toulousain où la culture du jeu debout lui permet de s’exprimer pleinement. Il a d’ailleurs beaucoup progressé ces dernières années en côtoyant des garçons comme Antoine Dupont ou Romain Ntamack.

Malgré son gabarit, il a montré aussi une grande capacité à contester les ballons. Cela vous surprend-t-il ?
Non, parce qu’il a tout pour être un joueur de très haut niveau. Avec son gabarit, quand il met les mains sur le ballon dans un ruck, c’est quand même difficile de le sortir.

Parmi les 33 joueurs retenus pour une Coupe du monde, il y a souvent quatre deuxièmes lignes. Le jeu des polyvalence au sein du XV de France peut-il modifier ce principe ?
Dans l’histoire de la Coupe du monde, il y a toujours des joueurs susceptibles de faire jouer leur polyvalence entre la deuxième et la troisième ligne. Il est certain que Meafou, si il devient sélectionnable, évolue dans le même registre que Paul Willemse et Romain Taofifenua et que cela posera question. Un choix cornélien pour le sélectionneur s’imposera. À moins, effectivement, que le jeu de la polyvalence de garçons comme Flament ou Woki permette un autre schéma. À voir.

Quels seront selon vous les quatre joueurs de deuxième ligne qui seront retenus pour le Mondial ?
Alors ça, ce n’est pas dans mes prérogatives (rires). Franchement, j’en suis incapable. Chacun son job. Il y a un sélectionneur, un staff… Je leur laisse cette responsabilité (rires). Et franchement, si Meafou devient sélectionnable, je leur souhaite bien du courage. Paul Willemse a été magique lors du Grand Chelem de l’an passé, il a été un peu moins en vue cette année, plus en difficulté. On n’a pas l’impression qu’il retrouve son niveau mais à tout moment, avec la préparation estivale, il peut redevenir le joueur qu’il a été, si précieux. Le meilleur joueur à ce jour ne sera peut-être même le même lors de la Coupe du monde.

Fabien Galthié, depuis sa prise de fonction, est un sélectionneur très conservateur, qui en appelle au devoir de mémoire lorsqu’il fait ses choix. Pensez-vous, dans l’hypothèse où Meafou devenait sélectionnable avant le Mondial, qu’il doive faire face à un véritable cas de conscience ?
C’est difficile de se mettre à sa place, mais il a toujours été très respectueux du parcours des uns et des autres depuis le début de son mandat. Il a toujours fait en sorte que les joueurs qui avaient déjà porté le maillot puissent continuer à le faire même quand ces derniers étaient dans une période moins performante. C’est une chance et une marque de confiance pour les joueurs. Maintenant, l’objectif commun, c’est d’être champion du monde quelques soient les individualités. C’est le plus important. Et s’il doit faire un choix parce que Meafou est devenu sélectionnable, il aura évidemment un cas de conscience à trancher. Mais, pour l’instant, on spécule.

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Les commentaires (1)
CasimirLeYeti Il y a 1 année Le 21/04/2023 à 18:20

Malgré la "jurisprudence Fakatawa", il est peu probable que Meafou soit sélectionnable...
1èrement parce que les instances de World Rugby sont tatillonnes,
2émement parce que ces instances sont anglo-saxonnes !
S'il l'est, il sera logiquement dans les 6 pour la préparation.
Moins, à mon avis dans les 4, à cause du manque d'expérience internationale et d'automatisme avec le système, tout en précision, de Galette. Il pourrait y revenir en cas de force majeure, un forfait.
N'oublions pas que, dans le Rugby Moderne et Professionnel, chaque jour qui passe, est une occasion nouvelle, de se blesser !
Néanmoins, tout le temps qu'il passerait en prépa avec le XV de France serait profitable pour tout le monde, dans un avenir proche.