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200 ans d'histoire (14/52) : 1925, Nepia, premier roi de la planète ovale

Par Jérôme Prévot
  • Le Maori George Nepia fut la première vedette internationale du rugby.
    Le Maori George Nepia fut la première vedette internationale du rugby. Dave Lintott / Icon Sport - Dave Lintott / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Le Maori George Nepia fut la première vedette internationale du rugby. Il sidéra la planète ovale entre les deux guerres, quasiment sans image et avec très peu de sélections. Retour sur un parcours légendaire.

George Nepia est considéré comme la première grande vedette du rugby international, le premier joueur "hors norme", vu comme une attraction en soi. Son impact fut à peu près comparable à celui de Serge Blanco ou de Jonah Lomu bien plus tard. Évidemment, en Europe, on le remarquait aussi pour sa peau cuivrée et ses traits polynésiens caractéristiques, même s’il ne fut pas le premier Maori à porter le maillot noir. Mais il fut assez brillant pour inspirer ses lignes en 1925 à un journaliste anglais : "La question n’est pas de savoir si George Nepia est le plus grand arrière de l’histoire, mais qui, parmi les autres, serait digne de faire les lacets de ses chaussures Cotton Oxford." Ces lignes ont été écrites durant la longue tournée de 1924-1925, celle des "Invincibles", le principal théâtre de la carrière de Nepia alors âgé de 19 ans.

Sur trente-deux matchs entre le 13 septembre et le 18 février, il en joua… trente-deux au poste d’arrière et les gagna tous. Il en joua même deux en France à Colombes, et à Toulouse. "Yves Noé, ancien manager du XV de France (décédé en 2002, N.D.L.R.) avait entendu parler de ce match durant sa jeunesse. Il racontait que les Toulousains s’étaient pressés en masse pour le voir. Même en France, George Nepia était une attraction", explique Didier Navarre, notre collaborateur. Le stade des Ponts-Jumeaux était plein à ras bord et, fait inédit, quinze journalistes britanniques avaient demandé une accréditation. "Il n’était ni petit ni grand mais ses cuisses étaient comme des troncs d’arbres et son cou semblait assez musclé pour résister à la guillotine, écrivit Denzil Batchelort. Il bondissait d’un camp à l’autre comme une panthère noire qui sortirait de sa cage…"

Une carrière si brève

Athlétiquement, c’était un phénomène. Son plaquage était meurtrier. Il marqua la bagatelle de soixante-dix-sept points lors de la fameuse tournée mais zéro en test (c’est Nicholl qui butait). Nepia n’a d’ailleurs marqué qu’un seul essai en test-match durant toute sa carrière. C’est sans doute plus beau ainsi car sa trajectoire peut difficilement se traduire en chiffres, elle repose sur des sensations qu’éprouvaient les témoins qui l’ont vu jouer. Il n’a porté que neuf fois la tunique des All Blacks avec qui il n’a jamais marqué d’essai. En 1928, il fut oublié par les sélectionneurs pour la tournée en Afrique du Sud (lire ci-dessous). En 1929, il se blessa trop vite lors de la tournée en Australie, un seul test joué à moitié. Pour le voir avec le maillot noir, le public néo-zélandais attendit dontc 1930 et la tournée des Lions, jubilé de quatre tests (une défaite, trois victoires). À 25 ans, il avait terminé son parcours en Noir. Pourquoi une carrière aussi brève ?

Après avoir travaillé dans un magasin de laine, il acheta sa propre ferme, c’est ce qui explique qu’il eut du mal à maintenir son niveau car il opta par commodité pour une nouvelle province, East Coast, Son talent y fut moins mis en lumière qu’à Hawke’s Bay. En 1935, il fut oublié pour la tournée des All Blacks en Europe, il compensa par une tournée avec les Maoris en Australie. Parallèlement, il fut victime de la crise de 1929 et la chute du prix des denrées agricoles. Alors, il lança un pavé dans la mare en acceptant les offres d’un club treiziste londonien, Streatham and Mitcham, pour 500 livres sterling, la plus grosse somme jamais offerte à un joueur du championnat treiziste. "J’ai eu l’opportunité exceptionnelle d’assurer le développement de ma ferme", commenta-t-il sobrement.

Il a inspiré une pièce de théâtre

Trois jours après son débarquement, il jouait à Londres son premier match professionnel et son nom attira 20 000 spectateurs. Il resta deux ans en Angleterre avant de revenir au pays et jouer pour la sélection treiziste néo-zélandaise, les Kiwis. Il les conduit à une victoire historique 16 à 15 sur l’Australie en 1937, son dernier exploit sportif avant de se retirer dans sa ferme laitière. En 1947, la NZRFU décréta une amnistie générale et le quinze lui ouvrit à nouveau ses portes. À 44 ans, il jouait encore, et affronta même son propre fils dans une rencontre interclubs puis il devint arbitre.

Il vécut jusqu’en 1986 avec autour de sa tête l’auréole d’un saint et son visage sur un timbre-poste. On écrivit même une pièce de théâtre sur lui. Le bouche à oreille, la force des mots d’une société encore littéraire l’avaient élevé au rang de mythe, premier héros national de ce pays neuf. Il révéla même qu’il s’était vieilli de trois ans pour ne pas faire peur à ses premiers entraîneurs. Il aurait eu donc 16 ans lors des exploits de 1924-1925...

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