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« Clermont et Toulon sont des clubs passionnels », Azéma-Mignoni : l'interview croisée

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    « Clermont et Toulon sont des clubs passionnels », Azéma-Mignoni : l'interview croisée Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Franck Azéma et Pierre Mignoni (entraîneurs de Toulon) Les deux techniciens nous parlent du choc face à Clermont, de leur collaboration, de leurs premières sensations et de leurs ambitions pour l'avenir du RCT.

Avec le temps, vos retrouvailles avec Clermont ont-elles encore une signification particulière pour vous deux ?

F. A. : Ça fait toujours résonance avec des choses que l’on a vécues mais on est passé à autres choses. Cette semaine, je ne me remémore pas mes bons souvenirs de Clermont, je suis à fond dans la préparation de ce match qui sera important face à une très bonne équipe. Ça, c’est plus fort que ce que je peux ressentir.

P. M. : Je suis sur la même longueur d’onde que Franck. Clermont, ça a compté pour moi aussi mais je suis concentré sur notre projet. Et quand ce n’est plus les mêmes personnes, il y a moins d’affect.

Que représentaient pour vous les Toulon-Clermont, lors de la décennie passée ?
P. M. : Pour moi, c’est ce qui a marqué le renouveau de Toulon au plus haut niveau. Clermont était bien plus en avance, le RCT était en retard. Il y a eu cette rivalité qui a émergé avec des rencontres à tension, notamment cette demi-finale à Saint-Etienne, qui avait été un match foufou. Il y a eu ces demies, ces finales…
F. A. : On s’est beaucoup croisés, avec, comme vous le savez, un avantage à Toulon sur les Coupes d’Europe. C’était des matchs différents des autres, de très haut niveau, avec énormément de ferveur autour. Ces affrontements ont amené les plus grosses déceptions et les plus grandes joies de ces années-là. C’étaient des émotions très intenses.

Avant d’être associés, vous étiez techniciens rivaux, à l’époque…
F. A. : Si l’on est ensemble aujourd’hui, c’est que l’on appréciait déjà le travail de l’autre à cette époque. De toute manière, il suffisait de voir le niveau de l’opposition pour s’en rendre compte : il y avait la qualité des joueurs, évidemment, mais il y avait aussi la manière dont ils jouaient, les formes de jeu, le caractère affiché…
P. M. : Ça travaillait dur à la vidéo des deux côtés. J’ai toujours eu beaucoup de respect pour le travail de Franck et de son staff. C’est resté sain même si nous étions des compétiteurs.

La trajectoire de Clermont et Toulon, sur les dernières années, ne prouve-t-elle pas la difficulté à se renouveler ?
F. A. : A Clermont comme à Toulon, il y a la même volonté de rester au plus haut niveau. Après, ce sont des cycles : il y a des moments où tu es au top du top, d’autres où c’est plus dur. Toulouse a connu ça pendant quatre ou cinq ans. Le plus important est de garder de la constance, de ne rien lâcher et de ne pas descendre trop bas. Cette résilience est fondamentale. Aujourd’hui, Clermont et Toulon sont comme la plupart des clubs de Top 14. Ils luttent pour se qualifier. C’est dur pour tout le monde.

Les deux clubs ont été opposés jusqu’à la caricature. Quelle est la réalité là-dedans ?
P. M. : Il n’y a qu’un truc en commun, à mon avis : la passion des gens pour ces clubs. À Clermont, l’ASM est incontournable. Il y a le foot mais Michelin reste à part. À Toulon, c’est pareil. Ce n’est pas la même histoire mais le RCT a une place aussi centrale. Même quand le Sporting était en première division de foot. Ce sont des clubs passionnels.
F. A. : En plus, les deux stades sont en chœur de ville, il y a une communion autour. Cette passion ne s’exprime pas de la même manière. Chacun a développé sa propre culture, en fonction de la mentalité des deux régions.

Vous êtes désormais associés. Comment se passe le début de la collaboration ?
P. M. : Ce sont nos femmes qui sont contentes (rire)… Chacun essaye de trouver sa place sans se poser 10 000 questions et en agissant le plus naturellement possible. Le but est d’allier nos compétences pour que l’équipe soit meilleure.

Quelle est la clé de la réussite pour ce duo? Vous faut-il mettre vos ego de côté ?
F. A. : Ce n’est pas une situation que l’on nous a imposée. C’est nous qui avons choisi de travailler ensemble, on en avait envie. C’est pourquoi on croit que ça va marcher. On ne se torture pas l’esprit. Aucun de nous deux ne se dit : « Ah, il a dit ça, il a fait ça, alors je vais faire ça… » On s’en fout. Notre intérêt, c’est que l’équipe profite de nos qualités. Si l’on est honnêtes et transparents entre nous, tout ira bien. Si l’on commence à calculer ce qu’on va dire, ce qu’on va faire, ça veut dire que l’on sera à 60 % de ce que l’on peut délivrer et tout le monde y perdra. Un manager doit être vrai, entier. Ça ne nous stresse pas. Après, sur la saison, il y aura des hauts et de bas. On va traverser ça et nous serons deux à le faire. C’est stimulant et rassurant à la fois. Mais on nous parle souvent de ces questions d’ego…

Car votre modèle est assez unique, de nos jours. Forcément, ça intrigue…
P. M. : On sait que ça pose question mais c’est la personnalité des gens qui font que ça marche ou pas. C’est le cas dans tous les staffs.
F. A. : A tous les niveaux c’est comme ça… Moi, je le vois comme une opportunité d’avoir plus de temps, d’être plus efficace.

Jérémy Sinzelle disait, dans nos colonnes : « On sent que Pierre est un peu au-dessus dans la vision. Franck prend à sa charge un peu plus le jeu des trois-quarts. » Est-ce ainsi que vous vous êtes organisé ?
P. M. : Ce que Jeremy a voulu dire, je pense, c’est que Franck est plus sur le terrain avec les trois-quarts. Effectivement, Franck fait plus les arrières que moi au quotidien. Mais rien n’est cloisonné. Par exemple, tout à l’heure, j’animais un atelier skills avec les trois-quarts.
F. A. : On ne veut pas s’enfermer. Sinon ça voudrait dire que Pierre n’est pas capable de faire l’attaque, par exemple, et moi autre chose. En fait, quand on arrive le matin, généralement tôt, on échange sur tout : la stratégie, la défense… Ce serait con de se limiter.
P. M. : Peut-être que c’est moi qui prendrai les trois-quarts, un jour. Ou Max Petitjean ou Frédéric Michalak. Pour animer une séance de 40 minutes, Franck n’est pas tout seul. Avant, on le faisait, quand on était à Toulon et Clermont, chacun de notre côté. Mais les staffs ne fonctionnent plus de la même manière.

Même si vous vous entendez bien, vous ne pouvez pas être d’accord sur tout, tout le temps… Comment tranchez-vous, par exemple, pour les compositions d’équipe ?
P. M. : Pour le moment, ça se fait au feeling. Sincèrement. Même sur les remplacements, les coachings… On se dit : « Qu’est-ce que t’en penses ? Ah oui, bien vu, je n’y avais pas pensé… » Ça se faire de manière spontanée.
F. A. : Parfois, on a notre propre idée chacun de notre côté. Une fois qu’on les confronte, on discute puis on finit par se mettre d’accord. Il y a rarement de raison d’aller au clash. Dans ma carrière, ça a dû m’arriver deux ou trois fois, de toute manière. Généralement, les techniciens d’un club ont la même vision. Et puis, si un joueur est bon, ça se voit ; s’il ne l’est pas, ça se voit aussi.

Et si jamais il n’y a pas de consensus ?
F. A. : Je ne vois pas pourquoi ça arriverait… Mais si ça se présente, à un moment, et bien on dira : « Ok, on fait comme ça alors. » Et on verra comment on peut apprendre de ça.
P. M. : Ce ne sera pas mes choix et ce ne sera pas ses choix. Ce sont nos choix. On les assume et on y va. Il y a des choses évidentes et d’autres qui peuvent questionner. Pour l’heure, je vous rassure, on n’a pas trop de questions à se poser avec toutes les blessures que l’on a.

Quelles sont vos sensations sur le début de saison de l’équipe ?
P. M. : Je la découvre. Je perçois un groupe avec du talent et beaucoup de potentiel. Mais je sais aussi qu’il y a du travail dans la reconstruction de l’équipe, ce que Franck a déjà entamé la saison dernière. Nous avons changé de nombreuses choses. Il y a beaucoup de lacunes, on en est conscients, mais on sait que ce groupe va y arriver. Il y a du boulot et ça prend du temps. Or, le Top 14 ne laisse pas beaucoup de temps. Il faut que l’on arrive à passer entre les gouttes et à être efficaces.
F. A. : Il y a une bonne implication dans le projet. C’est un groupe qui s’engage. Nous avons envie de le pousser plus loin dans l’exigence et dans l’appropriation du projet, du leadership, de la performance. On veut pousser les gars dans leurs retranchements. Ça ne rechigne pas. Tout le monde a envie de progresser.

Le point commun à vos deux premières rencontres tient dans les premières périodes ratées. Comment les analysez-vous ?

F. A. : Ce n’est pas le même contexte. A Mayol, il y avait la fébrilité du premier match. A Toulouse, paradoxalement, les dix premières minutes ne sont pas mauvaises, il manque de l’efficacité. C’est à partir de la 25e minute que l’on prend trois essais en sept minutes… Il y a eu des cadeaux de faits. Toulouse n’a pas besoin de ça. Il n’y a pas de focus particulier sur les entames. Il y avait peut-être eu du stress contre Bayonne… On verra. Si ça se passe encore de la même manière, on réfléchira différemment mais je ne vois pas de problème.

En parlant de Mayol, une des clés de la reconquête passera par la réappropriation du club par ses supporters. Ce n’est pas la moindre des tâches, connaissant leur exigence, n’est-ce pas ?
P. M. : Ça fait partie de notre mission. C’est une grande responsabilité d’en être acteur. Il y a eu plus de 16 000 personnes contre Bayonne, il y en aura sûrement un peu moins contre Clermont car c’est un match du dimanche soir. On sent l’attente. Les gens ont envie de voir des joueurs qui sont braves, qui donnent tout même si ce ne sera pas parfait. Ça ne l’était pas avant, d’ailleurs. On parle beaucoup de la génération d’avant. J’ai eu la chance d’en faire partie. Ce n’était pas toujours rose, on en a perdus, des matchs, y compris à Mayol. Dans la globalité, on a souvent été bons. C’est cette régularité qu’il faut avoir et que le club a peut-être perdue. Les joueurs sont conscients de leur responsabilité mais ils ne doivent pas en avoir peur pour autant. Il ne faut pas que le passé devienne un poids.

On vous suit…
P. M. : Ce qui s’est passé avant appartient au passé. C’est l’histoire du club. C’est différent désormais. Les gens comparent avec l’époque glorieuse. C’était une équipe incroyable mais c’était un autre salary cap, une autre configuration… Cette équipe ne pourrait pas exister aujourd’hui. Il ne faut pas que les Toulonnais oublient les périodes difficiles que le club a connues. Il y a eu de tout. Ça ne veut pas dire que nous n’avons pas d’ambition. On sait où on en est et ou on veut aller mais on demande un peu de patience et de temps. Il n’y en a pas beaucoup. C’est le cas à Toulon comme ailleurs… En tout cas, je ne veux pas que les joueurs ressentent le poids des années glorieuses. Ils n’ont rien à assumer. Cet héritage est, au contraire, une chance. Il faut continuer l’histoire et, pour ça, se construire une nouvelle identité, une nouvelle équipe. On s’est donné un à deux ans pour faire les réajustements au sein de l’effectif.

Pour l’heure, le début de saison du RCT est encore marqué, comme l’an passé, par de nombreuses absences. Comment le gérez-vous ?

F. A. : Ce ne sont pas des blessures graves, on va en sortir assez rapidement. Ça permet à des jeunes de s’aguerrir et de pointer le bout de nez. Il n’y a pas de baguette magique, de toute manière. En attendant, il faut maîtriser les fondamentaux et travailler en équipe pour être le plus efficace possible.

Quid de Mathieu Bastareaud : peut-il postuler pour ce week-end ?

F. A. : Il s’entraîne avec nous. On va voir, on se laisse quelques entraînements pour prendre la décision, en fonction de ses sensations.

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