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Harinordoquy : « Le XV de France a les épaules pour un statut de favori à la Coupe du monde »

  • Imanol Harinordoquy - Ex-troisième du XV de France (82 sélections). Imanol Harinordoquy - Ex-troisième du XV de France (82 sélections).
    Imanol Harinordoquy - Ex-troisième du XV de France (82 sélections). Spi / Icon Sport - Spi / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Comment un international vit-il une saison précédent une Coupe du monde ? Comment se prépare-t-il ? Quels sont ses doutes et interrogations ? Ses objectifs ? Les pièges à éviter ? Autant de questions auxquelles le Biarrot, fort de trois Coupes du Monde au compteur (2003, 2007 et 2011), a accepté de répondre en ouvrant sa jolie boîte à souvenirs.

Une saison pré-Coupe du monde est-elle vraiment très particulière pour un joueur ?

Il y a une grande part d’incertitude. Un joueur, à l’exception de quelques cadres dont on sait qu’ils sont quasiment assurés d’être sélectionnés, ne sait pas s’il sera retenu. C’est donc une saison très importante. L’objectif, c’est vraiment d’être très performant, de mettre toutes ses chances de son côté. Évidemment, le risque de blessure n’est pas à écarter, le fait d’être moins performant également. Les saisons qui précèdent une Coupe du monde sont vraiment très excitantes. Et ça débute dès la préparation avec le club. L’intersaison est capitale pour être performant sur la durée. J’ai eu la chance de jouer trois Coupes du monde avec, à chaque fois, des approches très différentes. Mais, à chaque fois, je n’avais que ça en tête. Cela oblige à davantage de sacrifices, de vigilance sur d’éventuels pépins physiques et d’attention à la récupération. Bizarrement, il y a des joueurs qui, cette année, vont prendre bien plus de précautions quant à leur hygiène de vie.

Était-ce votre cas ?

Franchement, j’ai toujours aimé ces saisons jouées avant un Mondial. L’excitation est toujours présente. Ce challenge d’être sélectionné est un moteur permanent. Tout au long de la saison, les joueurs se mesurent à leurs concurrents pour une place en équipe de France. Je suis convaincu que ceux qui ont cette ambition de participer au rendez-vous planétaire vont hausser le curseur. On va voir des joueurs à leur meilleur niveau tout au long de la saison.

Un joueur cadre, quasi-assuré de figurer dans le groupe retenu par Fabien Galthié, n’aura-t-il pas la tentation de se préserver, au détriment de son club ?

Je ne crois pas. En revanche, un joueur qui a un petit bobo, qui n’empêche pas forcément de jouer en temps normal, prendra peut-être plus de temps pour ne pas prendre de risque. Ce sont des problématiques que les joueurs doivent gérer avec les clubs, en fonction de la qualité de l’effectif, du temps de jeu, etc. De nombreux paramètres entrent en jeu. Évidemment, c’est aussi au staff des clubs de gérer ces situations. J’ai souvenir, avec le BO, d’avoir dû jouer parce que notre effectif ne me permettait pas de prendre quelques jours de plus pour soigner un petit bobo. Le plus important est d’avoir les idées claires, de rester lucides. Et les managers doivent être transparents avec les joueurs. Il faut trouver des solutions « gagnant-gagnant ». Maintenant, les joueurs le savent : le meilleur moyen de jouer une Coupe du monde, c’est de donner le meilleur de soi-même avec son club.

Le risque de blessure est-il plus fort dans la tête d’un joueur sur ces saisons-là ?

En début de saison, je n’y pensais pas trop. Mais plus l’échéance de l’annonce de la sélection approchait, plus j’y pensais. Et c’est pareil pour tous les joueurs. Cette saison, ils vont commencer à y penser au moment du Tournoi des 6 Nations. Ce rendez-vous est incontournable pour les joueurs. C’est cette compétition qui va donner le ton et qui va permettre à certains d’aller chercher un place. Après, il y a évidemment la période de la phase finale du Top 14. Ce n’est pas simple à gérer. J’ai souvenir, en 2011, lors du dernier match contre Clermont en barrage, je me suis retrouvé avec une inflammation à une voûte plantaire. Impossible de poser le pied par terre pendant quinze jours. J’ai attaqué la préparation pour le Mondial en Nouvelle-Zélande sans pouvoir marcher.

Avez-vous eu peur ?

Honnêtement, oui. C’était une blessure sans en être une. Je n’avais rien de cassé. Et personne n’était foutu de me dire combien de temps ça allait durer (rires). Donc, j’avoue avoir été un peu inquiet. Je suis passé par des phases très compliquées. J’ai réappris à marcher en faisant un gros travail sur mes orteils. Le staff médical, je le remercie encore aujourd’hui. Il faut savoir que j’ai recommencé à marcher et à courir à peu près normalement au fond d’une piscine (rires). À ce moment-là, la Nouvelle-Zélande était loin pour moi. Mais ça fait partie de la vie d’un sportif de haut niveau.

Ces saisons-là ne sont-elles pas usantes mentalement ?

Je ne veux pas parler pour les autres joueurs mais pour moi, l’excitation était tellement forte que c’était un vrai plaisir. Bizarrement, avec une telle ambition, tu te lèves plus facilement pour aller à l’entraînement. Même quand il pleut ou qu’il fait froid, tu t’en fous. L’objectif est tellement beau, tellement fort, que rien ne vient entraver ta motivation. Je n’ai jamais ressenti d’usure. J’étais porter par l’événement. Chaque week-end, je voulais être le meilleur. À partir de là, il n’y a pas de calcul à faire.

Vous avez disputé trois Coupes du monde, dont une en France en 2007. Était-ce vraiment différent dans l’approche ?

Chaque Coupe du monde a son histoire. J’en ai vécu trois, aucune ne ressemble à une autre. Que ce soit dans la préparation, dans l’approche ou dans le vécu. Et je peux vous assurer que celle qu’on a le moins bien vécu, notamment au niveau de la préparation, c’est celle de 2007 en France. Nous nous étions coupés de tout le monde, de la ferveur de nos supporters, de l’engouement populaire. J’ai souvenir de ce mois totalement enfermés à Marcoussis. Et quand on est sorti du CNR pour le premier match, on a pris la pression en pleine gueule et nous avons été catastrophiques contre l’Argentine. Nous n’avions pas réalisé l’attente et l’engouement qu’il y avait autour de nous. C’est à partir de ce jour-là que nous avons pris la décision de vivre pleinement cette Coupe du monde. Mais bon…

Oui ?

Paradoxalement, c’est celle que nous aurions dû vivre le mieux. Or, nous n’avons pas su nous l’approprier.

Si vous deviez donner un conseil à Fabien Galthié, serait-ce celui-là ?

Je n’ai pas de conseil à lui donner, il a suffisamment d’expérience pour savoir ce qu’il a à faire. Mais si j’avais un truc à dire aux joueurs, c’est de s’approprier l’événement, de le vivre pleinement, d’être acteur du projet. Surtout, qu’ils ne filment pas leur Coupe du monde. Qu’ils la vivent vraiment pour ne pas avoir de regret. Qu’ils se nourrissent de tout l’engouement. Parce que ça passe trop vite.

On sent de l’émotion dans votre voix. Vrai ou faux ?

Oui, c’est vrai. Ce sont des moments très forts. Les aventures humaines vécues durant une Coupe du monde et sa préparation, ce sont des instants incroyables. Il se passe tellement de choses… Tous les sentiments sont exacerbés, qu’ils soient dramatiques ou fantastiques. On vit des montagnes russes émotionnelles incroyables. En 2003, nous avions un groupe génial. Nous avons passé des moments sensationnels. Je revois encore ce tribunal chaque soir où le comité des sages jugeait les conneries de chacun, avec pour punition de préparer un spectacle, une chanson ou réciter un poème. Et le plus mauvais devait s’occuper de « Diomède », le fameux coq que nous avions adopté. C’était extra.

Et en 2007 ?

Nous avions trop subi l’évènement. Heureusement, ce quart de finale gagné au pays de Galles contre les Blacks a fait basculer l’aventure du bon côté. Quant à 2011, c’était encore une autre histoire. Nous étions les « sales gosses », les vilains petits canards. Mais les trois dernières semaines, je m’en souviendrai toute ma vie. Aujourd’hui encore, lorsqu’on se retrouve, on en parle avec beaucoup d’émotions. Et chacun a sa perception, parfois très différente selon les personnalités.

Regrettez-vous que les clubs de Top 14 et la FFR n’aient pas imaginé un accord pour limiter le temps de jeu des internationaux pour qu’ils se préparent au mieux ?

À mon époque, la préparation débutait au CNR début juillet. Avant, c’était priorité aux clubs et cela ne nous pas jamais empêchés d’être performants, même si nous n’avons jamais réussi à aller au bout. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que cela fait trois ans que le XV de France se prépare, avec un confort de travail jamais vu. Et j’en suis ravi ! C’est formidable que toutes les parties se soient entendues pour permettre à l’équipe de France de bien travailler. Maintenant, en ce qui concerne le temps de jeu de cette saison, je crois que ça doit être géré en bonne intelligence entre le joueur, le club et la sélection. Ils ont tous les éléments, notamment au niveau de la data, pour faire au mieux.

Un joueur n’est-il pas partagé entre la performance de son club et son objectif d’être retenu pour le Mondial ?

Cette gymnastique mentale n’est pas simple. Voir son club en difficulté et ne pas jouer, c’est de la frustration et c’est culpabilisant. Ce n’est pas bon pour un joueur. Ils le vivent pendant le Tournoi des 6 Nations. Certains doivent vivre ça comme un sentiment d’abandon parce qu’ils sont attachés à leur club. Le meilleur discours possible pour Fabien Galthié, c’est de leur dire : « Soyez les meilleurs en club tous les week-ends, vous serez les meilleurs ambassadeurs de votre sport et de l’équipe de France. »

À un an de la compétition, où situez-vous ce XV de France par rapport aux autres nations ?

Pour moi, le XV de France est favori. Les Bleus sortent d’un grand chelem dans un Tournoi qu’ils ont dominé de la tête et des épaules. Ils sont sur une série de dix victoires. Difficile de faire mieux. Surtout, je perçois au sein de cette équipe de France beaucoup de maturité, de lucidité. Il n’y a pas un ou deux tauliers, il y en a plusieurs à chaque poste. Cette équipe a donc, à mon sens, les épaules pour assumer ce statut. Mieux, je dirai même qu’elle aime avoir ce statut. Psychologiquement, c’est important. Évidemment, l’Irlande me fait aussi forte impression. Aujourd’hui, ces deux nations sont capables de battre n’importe quelle équipe. Or, que ce soit les Blacks, les Australiens, les Anglais ou encore les Sud-Africains, ils me semblent moins intouchables. Mais bon, une Coupe du monde, c’est tellement spécial…

Où serez-vous le 8 septembre 2023 ?

Je serai au Stade de France pour supporter les Bleus. Depuis que je suis retraité, j’ai la chance de pouvoir les suivre, parfois même à l’étranger et je dois dire que je prends mon pied. Quel bonheur de pouvoir vivre ça de l’extérieur et d’encourager les Bleus ! Et j’espère que je verrai aussi cette équipe de France soulever cette put… de Coupe du monde le 28 octobre. J’en rêve !

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