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Séries - Capitaine Fracasse : Basquet, un dur parmi les durs (épisode 4/5)

Par Simon Valzer
  • Massif, Guy Basquet, ici balle en main, sort du vestiaire pour mener le XV de France Massif, Guy Basquet, ici balle en main, sort du vestiaire pour mener le XV de France
    Massif, Guy Basquet, ici balle en main, sort du vestiaire pour mener le XV de France Photo Archive Midol - Photo Archive Midol
Publié le Mis à jour
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Midi Olympique consacre une série aux capitaines qui ont forgé l’histoire de ce jeu. Pas forcément les plus grands joueurs, mais des hommes incomparables pour convaincre les autres de les suivre dans les plus dingues des combats.

Guy Basquet

Capitaine du SU agen et du XV de France dans l’après-guerre, Guy Basquet est devenu un dirigeant influent du rugby français et international. autoritaire et sans concession, basquet était un personnage clivant, autant craint qu’apprécié. il nous est raconté par son petit-fils, l’ancien demi de mêlée de Toulouse et du Stade français, Jérôme Fillol.

Il est certains hommes qui en imposent. Des gueules, des caractères, des voix qui captent aussitôt l’attention, et inspirent le respect. Guy Basquet, l’emblématique troisième ligne aile ou centre du SU Agen et du XV de France de 1945 à 1952, années durant lesquelles il accumula 33 sélections, était de ceux-ci. Il faut dire qu’il avait été élevé à la dure. Pas dans de mauvaises conditions, loin de là, car son père était un agriculteur plutôt aisé. Mais ce dernier ne l’avait pas élevé avec une cuillère d’argent dans la bouche. Une anecdote l’illustre bien : alors qu’il était tout jeune joueur, il avait déposé dans l’assiette de son père un article que le « Petit Bleu » lui avait consacré. N’importe quel gamin aurait reçu des louanges… Mais pas lui, qui reçut à la place cette réplique glaciale : « Tu t’en es gonflé de cet article ! Va dans ta chambre, tu ne mangeras pas ce soir ! » Le genre d’éducation qui vous forge un caractère : « C’était un homme avec un fort caractère, beaucoup de tempérament, et beaucoup de prestance », nous confiait cette semaine son petit-fils Jérôme Fillol, natif d’Agen et ancien demi de mêlée de Toulouse et du Stade français qui l’a côtoyé jusqu’à l’âge de 27 ans, à sa disparition en 2006 : « C’est lui qui m’amenait aux entraînements du SUA le mercredi quand j’étais petit. Je veux rester le plus objectif possible : pour moi c’était un super grand-père et il était très chaleureux avec les joueurs. Mais il était franc : c’était soit blanc, soit noir. Il n’y avait pas d’entre-deux. Il était aussi dur que généreux. J’ai croisé des personnes qui ne l’aimaient pas. Elles me l’ont dit ou me l’ont fait sentir, et c’est vrai qu’il ne laissait pas indifférent. Je n’ai jamais croisé quelqu’un qui n’avait pas d’avis sur lui : soit on l’aimait, soit on ne l’aimait pas. Et il fallait plutôt aller dans son sens… Mais si vous le suiviez, vous pouviez aller à la guerre avec lui. »

Fillol : « Sa présence était dissuasive »

La guerre, Guy Basquet a commencé par la faire sur le terrain. Bien qu’il ne l’ait jamais vu jouer (il est né en 1978), Jérôme Fillol s’est renseigné sur le joueur qu’était son grand-père : « Il était dur mais technique et complet. Son passé de basketteur lui avait donné une bonne détente et de bonnes mains, donc il était précieux en touche. Il était 7. Il jouait aussi en 8, mais son numéro c’était le 7. étonnamment, il ne mettait pas trop de tampons… » Vraiment ? Minute, vous allez comprendre. Fillol reprend : « Par sa simple prestance, il arrivait à faire fuir les adversaires. Sa présence était dissuasive. » On comprend mieux. Une prestance renforcée par un gabarit plutôt généreux pour l’époque, puisque Guy Basquet dépassait le mètre quatre-vingts et le quintal sur la balance (1,81 m, 102 kg). Pas étonnant que ses adversaires réfléchissaient à deux fois avant de le défier… D’autant qu’il était toujours à la pointe du combat et que son exemplarité avait fait de lui le capitaine de ses équipes, tant au SU Agen qu’en équipe de France qu’il dirigea à 24 reprises, y compris lors du premier succès de la France à Twickenham en 1951. Fillol encore : « Quand on est capitaine sur le terrain, c’est parce qu’on l’est naturellement. On a des qualités de meneur, on montre souvent l’exemple. Un capitaine n’est pas toujours le plus talentueux, par contre c’est toujours le plus exemplaire. Il affrontait les choses, il ne se cachait pas, il protégeait ses joueurs. C’était un bouclier, il était toujours devant les autres. Les joueurs avaient envie de le suivre, d’aller à la guerre avec lui et de se fendre en deux pour lui. »

Doté d'un beau gabarit pour son poste à l'époque, Guy basquet insipirait la crainte chez ses adversaires mais s'avérait habille balle en main, notamment grâce à son passé de basketteur.
Doté d'un beau gabarit pour son poste à l'époque, Guy basquet insipirait la crainte chez ses adversaires mais s'avérait habille balle en main, notamment grâce à son passé de basketteur. Photo Archives Midol

Le jour où son petit-fils passa chez l’ennemi toulousain

Au SU Agen, il était le patron. La star du club. Même Albert Ferrasse, qui accédera plus tard au sommet du rugby français ne lui arrivait pas à la cheville en termes de popularité. Une fois sa carrière de joueur terminée, soit au début des années 50, il est resté proche du XV de France. En 1961, il fut même directeur de la première tournée du XV de France en Nouvelle-Zélande. En 1966, avec Albert Ferrasse et d’autres jeunes dirigeants, il prit le contrôle de la FFR. Basquet avait le profil pour devenir ce qu’on appelle un « gros pardessus ». Déjà à Agen, qu’il présida de 1985 à 1996 : « Quand les joueurs faisaient de mauvais matchs, il les convoquait dans son bureau. Ce dernier était à côté du portail du stade d’Armandie. Il arrêtait les joueurs d’un signe de la main et là… » L’ancien demi de mêlée du Stade français vous laisse imaginer la scène. Avant de reprendre : « Il avait aussi des gros coups de gueule. Beaucoup de gens ont cette image d’un homme qui tapait très fort sur la table quand les choses n’allaient pas droit. » Un jour, le petit Jérôme lui-même se retrouva dans son bureau, pour lui annoncer une mauvaise nouvelle : « Cela a été très dur pour lui de me voir partir chez l’ennemi toulousain en 1997. Il était encore coprésident du SUA avec Bernard Lavigne. J’avais 16 ou 17 ans, j’étais en sport études, j’ai dû faire un choix. Comme tous les jeunes joueurs du Sporting, je suis allé taper à sa porte pour lui annoncer. Je lui ai demandé si je pouvais aller jouer au Stade toulousain. Sa réponse n’a pas été longue. Avec lui, c’était toujours très bref. Il m’a juste dit : « Si tu penses que c’est bien pour toi, vas-y. » C’est tout. » Mais Basquet fit contre mauvaise fortune bon cœur : « Il a été obligé de venir voir des matchs du Stade toulousain et même quand il n’y avait pas le Sporting. C’était une image assez forte de voir Basquet dans les tribunes du Stade toulousain, à côté de Bouscatel, en train de supporter le Stade parce que son petit-fils y jouait. »

« C’est la dernière fois que tu dis bonjour à Ferrasse »

L’autre terrain où Basquet était très à l’aise, c’était la table de cartes : « Je l’ai côtoyé aussi quand il jouait aux cartes au Fair-Play à Agen avec toute la cour. J’ai assisté à des parties de belote organisées à son domicile avec d’autres dirigeants où les choses se dessinaient… Je ne comprenais pas tout, mais avec le temps j’ai compris plus tard que tout tournait autour de lui et de Ferrasse », poursuit Fillol. Le Fair-Play, bar d’Agen où il avait pour habitude de taper le carton avec son ami Ferrasse… enfin, jusqu’à leur brouille après la crise de 90-91 : « Ils avaient une relation forte et fusionnelle, une amitié de joueurs et de dirigeants. Puis il y a eu des histoires politiques, des petits coups bas qui ont fait que mon grand-père et Ferrasse se sont fâchés. Surtout mon grand-père d’ailleurs. Il ne voulait plus jouer à la table de Ferrasse. Toujours dans le même bistrot, mais plus à la même table. Ils étaient dos à dos. Un jour, je suis allé dire bonjour à Ferrasse, comme d’habitude. Sur le coup il ne m’a rien dit, puis quand je suis monté dans sa voiture pour qu’il m’amène à l’entraînement il m’a dit : « C’est la dernière fois que tu dis bonjour à Ferrasse. » Il ne m’a rien dit d’autre. Quand je vous dis qu’avec lui on ne pouvait pas tergiverser… Même avec ses proches, il pouvait être tranchant. »

« Si tu veux jouer ce week-end, tu as intérêt à te couper les cheveux »

Tranchant. Le mot est bien choisi. Car Guy Basquet avait une lubie : la longueur des cheveux des rugbymen. Il abhorrait les coupes longues à la Jo Maso. Il menait même une guerre permanente à ce dernier pour qu’il passe à la tondeuse. Basquet n’aura pas eu raison de la crinière de Maso. Mais il aura eu gain de cause avec nombre d’autres joueurs. Fillol encore : « C’est vrai qu’il avait un « TOC » (trouble obsessionnel compulsif, N.D.L.R.) sur les cheveux longs à cette époque… Il fallait les couper, et ce n’était pas mi-long ! Victor Boffelli (ancien flanker d’Aurillac et international de 71 à 75, N.D.L.R.), qui était mon entraîneur en équipe de France A m’avait raconté cette anecdote : un jour, dans une semaine avant un match de l’équipe de France, mon grand-père était allé le voir et lui avait dit : « Si tu veux jouer ce week-end, tu as intérêt à te couper les cheveux, sinon tu ne joueras pas. » Il avait dû trouver un coiffeur au Pays de Galles ou je ne sais où pour jouer le week-end ! » Encore une fois, il fallait aller dans son sens. Mais quand c’était le cas, il donnait sans compter. Et Jérôme Fillol de conclure : « Il invitait des joueurs sur sa propriété avec piscine et court de tennis. Ils y passaient des moments importants. J’étais impressionné parce que je sentais qu’il y avait quelque chose de fort entre lui et ses joueurs. Et il les a beaucoup aidés sur leurs reconversions. Il appelait son copain Moga à Bordeaux, et trouvait un boulot à la femme d’un joueur. Ce n’était jamais pour lui. Encore une fois avec lui c’était blanc ou noir. Mais quand on l’aimait… Ce n’est pas pour rien si les joueurs du grand chelem 1977 sont allés le chercher pour devenir président des Barbarians. » Et tant pis s’il a coupé quelques mèches… ou quelques têtes.

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