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Portrait - Alan Brazo vingt mille lieues sous les mers

Par Marc Duzan
  • Vingt mille lieues  sous les mers
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D’ici peu, le flanker de l’Usap Alan Brazo soutiendra une thèse en océanographie à l’université Via Domitia. Passionné, passionnant, il nous conduits aujourd’hui dans l’univers des grands fonds marins…

Jusqu’à ses 18 ans, Alan Brazo était le gardien de buts du club de foot de Castres. Avant de basculer son mètre quatre-vingt-dix vers le rugby, l’actuel flanker de l’Usap était fan du FC Nantes, des grands soirs de coupe d’Europe à La Beaujoire et par dessus tout, de Mickaël Landreau, le portier des Canaris. «Je n’ai jamais été un immense gardien mais à Castres, notre équipe avait à cette époque un bon petit niveau, nous confie-t-il à mi-voix. Un jour, on a même disputé un 32 ème de finale de coupe Gambardella contre les Girondins de Bordeaux».

Le monde ovale ? Il l’a réellement découvert au moment de passer le bac, par l’entremise de Jacques Cauquil, un prof de gym qui entraîna d’ailleurs les gros du Castres Olympique, lors du titre de 1993. «L’année où j’ai passé le bac, poursuit-il à présent, il n’y avait pas d’option foot. J’ai donc choisi le rugby et dans la foulée, lorsque j’ai rejoint l’université de Perpignan pour y faire des études de génie biologique, on m’a permis de faire un petit essai avec les Crabos de l’Usap. Mais j’étais loin d’avoir le niveau, à l’époque…» C’est à cet âge-là qu’Alan Brazo a néanmoins découvert les splendeurs de la Méditerrannée et fut, comme malgré lui, attiré par les grands fonds marins. Il enchaîne : «Si j’ai découvert l’univers marin assez tard, j’ai en revanche toujours été attiré par l’eau et les poissons. Mon grand-père était un dingue de pêche, ancien président de la fédération de l’Aude et il m’a beaucoup aidé à développer cet amour pour le milieu aquatique. Il avait une petite barque, on passait des heures sur l’eau… Ce sont pour moi des souvenirs inoubliables…»

Brazo : «J’ai dû passer plongeur professionnel»

Dans quelques mois, Alan Brazo (30 ans) achèvera son cursus Bac + 8 et présentera alors une thèse en océanographie, un pavé de près de trois cents pages sur lequel il planche dès que le rugby pro lui en laisse l’opportunité : «Ce sont des choses assez techniques, avoue-t-il maintenant. Il y a des études de sédiments marins, des analyses chiffrées des différentes populations de poissons… Je ne peux donc me permettre de décrocher quelques jours : j’y bosse après la journée d’entraînement, dans le bus ou à l’hôtel quand l’équipe est en déplacement… J’optimise le temps, quoi». Avant ça, il a aussi fallu au troisième ligne perpignanais (1,92 m et 105 kg) devenir homme-grenouille, histoire de scruter la Méditerrannée en son cœur, les cinq premiers mètres de la grande bleue étant à priori à la portée de n’importe quel ostrogoth : «lorsque j’ai réalisé mon stage à la réserve marine de Cerbères-Banyuls, j’ai dû passer plongeur professionnel et je peux aujourd’hui descendre à une cinquantaine de mètres, où la faune est plus riche». Le soir, lorsque les conditions sont favorables et la tramontane pas trop méchante, Alan Brazo met donc son bateau à l’eau et au grand large, plonge dans le monde du silence pour se «vider la tête», tourner la page et oublier qu’une heure plus tôt, il combattait à mains nues d’autres quintaux…

Le sujet de la thèse, lui, est consacré au «corb», un poisson noble des fonds méditerranéens mais dont les populations sont aujourd’hui menacées d’extinction : «C’est un concours de circonstances, explique-t-il à cet instant de la conversation. Au cours de mon stage à la réserve de Cerbères-Banyuls, je traitais des données de comptage. J’analysais les populations de mérou, de sar… Au fil de mes travaux, je me suis rendu compte qu’aucune recherche n’avait jamais été réalisée sur le corb, un poisson pourtant très important de la Méditerrannée, une espèce que l’on place même généralement en haut de la chaîne alimentaire. Tout est parti de là, en fait».

Alan Brazo, également enseignant à l’université de Perpignan, marque une pause et enchaîne ainsi : «Le corb est un poisson vraiment très beau à observer. Il a un côté majestueux. Son problème, c’est qu’il est aussi délicieux, que les chasseurs le considèrent souvent comme un «poisson-trophée» et qu’il est de nature peu farouche, voire très curieuse».

Le «docteur en poissons»

Passionné, envoûtant dès lors qu’il évoque son objet d’études et les grands fonds marins, le troisième ligne de l’Usap est évidemment un ovni dans le monde du rugby pro et s’en amuse volontiers : «Mes coéquipiers sont intrigués par ce que je fais mais je ne rentre jamais trop dans les détails, quand on me pose des questions. […] Pour eux, je suis «le docteur en poissons». Ça me va très bien, comme petit nom».

Naturophile sans être militant écolo, Alan Brazo partage les mêmes inquiétudes que nous tous, vis-à-vis de la santé des océans. Face à l’imminence et l’ampleur du danger, il se refuse néanmoins à rendre les armes : «Les messages alarmants qu’on nous distille dans les médias à longueur de journée ne sont pas des mensonges. Mais il existe aussi des raisons d’espérer : la multiplication des réserves marines montre ainsi que la vie peut rapidement reprendre ses droits et que lorsqu’on laisse au poisson le temps de reproduire, il le fait volontiers : dans les années 80, il y avait seulement une dizaine de mérous dans la réserve de Cerbères-Banyuls et ils sont aujourd’hui plus de 500. Les corbs sont également de retour là où ils avaient en partie disparu. L’équilibre revient, petit à petit». Et ce qui est chic, dans cette histoire, c’est de se dire que le troisième ligne de l’Usap y est un peu pour quelque chose…

DIGEST

Né le : 21 mai 1992 à Ploëmenel (Morbihan)

Mensurations : 1,92 m, 105 kg

Poste : troisième ligne

Clubs successifs : USA Perpignan (depuis 2010)

Palmarès : champion de France de Pro D2 (2018, 2021)

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