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Montpellier, le mal-aimé devenu mâles aimés

Par Marc DUZAN
  • À l’image de certains autres de ses partenaires, le talonneur Brandon Paenga-Amosa, plaqué ici par le Castrais Tom Staniforth et entré en jeu dès la première période pour pallier la sortie de Guilhem Guirado (K.-O.), n’a pas eu un parcours de vie rectiligne. Il y a encore sept ans, l’Australo-néo-zélandais travaillait comme éboueur pour payer ses études de théologie.
    À l’image de certains autres de ses partenaires, le talonneur Brandon Paenga-Amosa, plaqué ici par le Castrais Tom Staniforth et entré en jeu dès la première période pour pallier la sortie de Guilhem Guirado (K.-O.), n’a pas eu un parcours de vie rectiligne. Il y a encore sept ans, l’Australo-néo-zélandais travaillait comme éboueur pour payer ses études de théologie. Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany - Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany
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Jusqu’en finale, le MHR a, cette saison, été porté par une bande de mecs en qui nul ne croyait guère, dans le rugby français. Mais de mal-aimés en mâles aimés, ces Montpelliérains ont ces derniers mois vécu un sacré voyage…

C’est au moment où Anthony Bouthier, après une passe aveugle d’Arthur Vincent, a marqué le troisième essai montpelliérain que Philippe Saint-André, positionné non loin de nous en tribunes, a hurlé : «Alors ? C’est pas du beau rugby, ça ?» ça l’était, «Goret». Et d’aussi loin qu’on s’en souvienne, on n’avait en ces colonnes jamais douté du fait que votre équipe puisse en être capable. Vendredi soir, à l’instant où le manager du MHR extériorisait sa rage, on comprenait néanmoins comment ses hommes s’étaient servis du «seuls contre tous» vieux comme Hérode pour préparer cette finale, comment les coéquipiers de Yacouba Camara s’étaient nourris des diverses prophéties d’anciens internationaux, qu’ils se nomment Imanol Harinordoquy, Denis Charvet et beaucoup d’autres, que l’on oublie, pour submerger le Castres olympique. «Nous avons donné tort à tous les spécialistes, disait Guilhem Guirado en fin de rencontre. Trois essais en dix minutes, était-ce déjà arrivé en finale ?» Pas depuis les années 30, en fait. «Tous les grands pronostiqueurs du pays nous faisaient passer pour des truffes, appuyait Geoffrey Doumayrou dans les entrailles du Stade de France. Évidemment qu’on s’en est servi.» Allez, avouons-le désormais : si on n’a jamais douté du fait que Montpellier puisse pratiquer le «beau rugby» dont parlait Saint-André vendredi soir, on était en revanche très peu nombreux à croire aux chances montpelliéraines depuis que le MHR avait perdu, coup sur coup, Paul Willemse et Cobus Reinach. Ici et là, on pensait même que tôt ou tard, la "loose" qui avait si longtemps pourchassé Guirado et Saint-André à l’époque où ils étaient les généraux du XV de France les rattraperait…

Altrad : «Nos garçons ont été marqués par la vie»

Alors ? On s’est lourdement trompé et d’évidence, le MHR contemporain dégage une impression de solidité, de virilité et d’autorité dont il était dépourvu sous Jake White ou Vern Cotter, à l’époque où Montpellier était un minotaure doté d’un cœur artificiel. «Ces derniers temps, nous confiait le président Mohed Altrad, dimanche matin, on s’est en quelque sorte inspiré de l’exemple castrais. Nous avons retrouvé les valeurs du rugby, coupé avec les erreurs du passé : j’ai fait partir les Sud-Africains, francisé l’effectif, arrêté de bâtir sur des stars et derrière ça, Philippe (Saint-André, N.D.L.R.) a posé les dernières retouches.» Dans l’Hérault, la greffe a prise, la vie s’est frayée un chemin dans le vestiaire et au fil du temps, cette entité qu’on jugeait jusque-là comme un "caprice de milliardaire" a soudainement pris un visage humain. Altrad poursuit : «Nous avons bâti cette équipe autour de garçons de caractère, des mecs qui ont, un jour ou l’autre, tous été marqués par la vie : notre deuxième ligne Bastien Chalureau a échappé à une amputation d’une jambe quand il était plus jeune, a été viré de Toulouse, puis a été condamné à six mois de prison avec sursis… Notre talonneur Brandon Paenga-Amosa a, comme moi, une histoire personnelle assez rocambolesque pour ne pas dire douloureuse : il y a encore quelques années, il était éboueur à Sydney, s’est cherché, s’est paumé mais excelle aujourd’hui sous nos couleurs. Et puis, vous savez à quel point Guihem Guirado ou Philippe Saint-André ont souffert à l’époque où le XV de France perdait tous ses matchs ou presque. Ces hommes-là, entre autres, nous ont donné une force, une solidarité et une détermination extraordinaires.» Ironie du sort, c’est aussi l’année où Montpellier a réalisé le recrutement le plus timide de ces dix dernières saisons, l’année où le MHR n’a ni pété la banque ni racheté de contrats qu’il a enfin touché au but…

Ce qu’a dit Macron à Altrad

Il y a donc, dans cette réussite, tout ce que l’on vient d’évoquer. Il y a aussi, en filigrane, l’abnégation d’un homme d’affaires qui, après s’être maintes fois trompé dans ses castings et s’être longtemps heurté à la défiance du milieu, semble avoir vécu vendredi soir le plus beau jour de sa vie d’homme : «Le Bouclier, explique à présent Mohed Altrad, ce n’est pas le prix Nobel. On a le droit d’en gagner d’autres. J’espère de mon côté que ce sera le cas parce que le degré d’émotion qu’il procure est puissant, immense, unique. Pour tout dire, j’ai dormi une heure dans la nuit de vendredi à samedi. Je ne voulais plus quitter ces mecs. Et pour parvenir à fermer l’œil, j’ai finalement dû prendre un somnifère qui aurait assommé un cheval !»

Altrad ? Considéré comme le grand Satan du rugby pro à l’époque où Paul Goze était le président de la Ligue nationale, il jure aujourd’hui ne pas considérer le triomphe du MHR comme «une revanche personnelle». Et à l’entendre reprendre à rebours le cheminement de la soirée du 24 juin 2022, on est enclin à le croire. «Quand ils ont gravi les marches du Stade de France, enchaîne-t-il maintenant, Fufu (Ouedraogo) et Guilhem (Guirado) m’ont demandé de les rejoindre sur l’estrade pour soulever le Bouclier. À mes côtés, Emmanuel Macron me disait : «Vas-y, Mohed ! Rejoins-les !» Mais j’étais bloqué par la foule. Alors, ils s’y sont mis à plusieurs, avec Bernard Laporte notamment, pour me soulever et me hisser jusqu’aux joueurs. Je leur disais : «Faites attention les mecs, je vais me casser la gueule !» J’en rigole aujourd’hui mais le geste des joueurs m’a vraiment beaucoup touché. C’était fort." Au Stade de France, Mohed Altrad a également rappelé au président de la République l’augure que celui-ci lui avait fait en 2018, au soir où le Castres olympique avait croqué le colosse aux pieds d’argile. L’entrepreneur héritais conclut : «J’ai rencontré Emmanuel Macron à l’époque où il était le ministre de l’économie de François Hollande. Nous avions travaillé sur certains projets ensemble et avions noué de très bonnes relations. En 2018, alors qu’il venait d’être élu, on s’était retrouvé au Stade de France et, voyant dans quel état de détresse je me trouvais après la finale (13-29), m’avait dit : «Mohed, la prochaine sera pour toi.» Je le lui ai rappelé vendredi soir…

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