Abonnés

Gardent (préparateur physique de la Rochelle) : « Je peux vous dire qu’on va performer »

Par Romain ASSELIN
  • Philippe Gardent, préparateur physique de La Rochelle.
    Philippe Gardent, préparateur physique de La Rochelle. Icon Sport
Publié le
Partager :

Au club depuis 2019, l’ancien sportif de haut niveau (football américain, bobsleigh, rugby à XIII) joue un rôle majeur dans l’impression de toute-puissance dégagée par les Rochelais. Ses datas du moment, dont il est féru, lui font dire que le vice-champion d’Europe est armé pour renverser l’ogre nommé Leinster.

De nombreux cadres se sont dits lessivés après la demi-finale, en raison notamment des fortes chaleurs. Les sentez-vous frais et dispos pour cette finale ?

Ce n’est même pas une interrogation, pour nous ! Nos mecs ont assez vite récupéré. Quand je vois comment les joueurs du Racing ont terminé, aussi… Tout le monde était très fatigué. Je mets ça plus sur le compte de la température très élevée – ce temps était très bizarre – plutôt qu’autre chose.

Comme l’intensité ? Relativement modérée, vu de l’extérieur…

Le combat dans les rucks était éprouvant mais le match s’est étalé sur plus de deux heures ! "Seulement" 35 minutes de temps de jeu effectif.

Ce n’est pas la fourchette haute, en effet…

On est montés jusqu’à 40 minutes sur d’autres rencontres. Là, pas une seule phase de plus de deux minutes. En termes de nombre d’impacts et de distance parcourue, rien d’extraordinaire. Mais j’ai bien envie de voir si le Leinster ne sera pas un peu "choqué" à Marseille, avec ce temps-là (30 °C attendus, N.D.L.R), alors qu’ils ont joué à 17 °C en demie (sourire).

L’aspect fraîcheur physique semble, sur le papier, un atout dans la manche des Irlandais, au calendrier bien moins infernal. Qu’en dites-vous, en tant que Rochelais ?

C’est un élément important. On sait très bien que quelqu’un qui joue moins a moins de bobos. Mais quelqu’un qui joue plus a plus d’automatismes ! C’est notre force, en ce moment. Évidemment que le côté fraîcheur va jouer un rôle. Maintenant, on a des joueurs avec beaucoup d’expérience et un staff qui travaille pour que l’ensemble de notre effectif soit sollicité et pour qu’on réponde présent le jour J.

On vous sait sensible aux datas. Sont-elles encourageantes, avant cette finale ?

Je suis optimiste. Voilà pourquoi. On a montré ces derniers mois qu’on était capables de disputer des matchs avec une très haute intensité. On est toujours capables de le faire, on saura répondre. Quand je vois l’intensité qu’on a mise dans les zones de ruck depuis la trilogie contre l’UBB, je ne vois pas ce qui nous manque dans les datas de déplacement, de capacité d’accélération, de capacité à aller vite, à répéter des tâches… Les mecs sont largement autant capables que l’année dernière. Voire plus. Donc je ne m’inquiète pas.

Un exemple chiffré, parlant ?

Prenez la vitesse maximum. Par rapport à l’année dernière, beaucoup plus de joueurs arrivent à dépasser 90 % de leur Vmax et à le répéter. Quatre, cinq, six fois dans un même match. Dans la littérature sportive, on dit que quand tu atteins 92 % de ta vitesse max, tu fais un sprint. En demi-finale, sur les 23 Rochelais engagés, 16 ont dépassé ce seuil. C’est énorme ! On en avait cinq, six, il n’y a encore pas si longtemps.

Le retour des Chelemards (Alldritt, Atonio, Danty) fin mars, semble avoir été une locomotive pour tout le groupe. Pouvez-vous le mesurez aussi ? Depuis, La Rochelle a gagné huit de ses neuf derniers matchs…

Oui et non. Je vais nuancer. Il ne faut pas oublier les 13 points pris, sur 15 possibles, lors de la trilogie Clermont-Pau-Brive (février/mars). Là, il n’y avait pas les internationaux. Par contre, ce qui est sûr, c’était qu’on était en phase de développement avec l’équipe. On a travaillé plus fort sur cette partie-là de la saison, pour rester en vie sur les deux tableaux. Après, oui, ils nous ont amenés ! Mais la réalité, c’est qu’on a récupéré sept Bleus, pas que trois. Donc la moitié des titulaires. Brice (Dulin), Paul (Boudehent), Jules (Favre), Thomas (Lavault) faisaient des allers-retours, ils étaient rincés.

Même si le constat peut paraître biaisé à l’instant T – avec les récentes blessures de Kerr-Barlow, Skelton et Dulin – votre infirmerie est restée relativement vide tout au long de la saison par rapport à une majorité d’autres clubs. Hasard ou coïncidence ?

La gestion des joueurs est comme une pyramide. Le hasard, la chance, c’est le petit triangle tout en haut. Tout le reste, en dessous, c’est tout ce qu’on fait. Tout part de l’évaluation de la charge de travail, dans tous les domaines de ta performance, en fonction des uns et des autres et de chaque profil. Plus tu connais tes athlètes, moins tu es censé te tromper. Souvent, les blessures arrivent quand un gars, soit ne t’a pas tout dit, soit parce qu’un truc ne va pas et on n’en a pas parlé.

Comme quoi ?

"Je ne t’ai pas dit mais mon petit frère s’est fait arrêter par la police." "OK, ben dis-le-moi. On se voit demain, va régler tes problèmes." Connaître en détail les uns et des autres, c’est très difficile. Il y a le corps mais aussi la situation familiale. C’est bien beau de savoir que le mec a moins bien dormi mais s’il ne veut pas dire que c’est parce qu’il mange moins bien ou qu’il a fait 30 kilomètres de vélo la veille en famille… Ça s’appelle la confiance. Tu mets du temps à l’acquérir.

Votre troisième saison marque-t-elle un tournant, à ce titre ?

Franchement, je commence à bien connaître les caractères, les réactions, des alarmes qui me permettent de couper tout le reste, d’aller voir un seul gars et de lui dire "on discute !"

Votre mission va bien au-delà de la simple préparation physique, en réalité…

Effectivement, si la perception des gens, c’est faire des programmes de musculation et ça s’arrête là… Ça, c’est fini.

Quelle est la patte Gardent ?

Ma philosophie, c’est d’être juste. Je n’ai pas de problème à dire "merde" quand c’est le moment. Par contre, j’ai envie de récompenser et d’accompagner la performance. Pour ça, il faut taper au bon endroit au bon moment, en ayant toutes les informations. On fait minimum deux points individualisés par semaine. Il faut que le joueur sache que je suis là pour lui. Quand je lui parle, c’est pour sa performance à lui. Comment tu peux demander un 100 % à quelqu’un sans savoir si le mec va bien ?

Quand un joueur se blesse, vous sentez-vous… Disons "coupable", quelque part ?

Tawera, par exemple, c’est un os cassé dans la main, je n’aurais rien pu faire. Les blessures musculaires sont toujours à regarder pour voir ce qu’on aurait pu faire mieux. Est-ce qu’on peut toutes les éviter ? Non. Est-ce qu’on en a eu beaucoup cette année ? Non. Mais si tu n’essayes pas de comprendre pourquoi les choses se sont passées comme ça et comment faire pour que ça n’arrive plus, tu te trompes de métier. Je ne suis pas du genre à me flageller. Me remettre en question, si.

Procédez-vous à des ajustements particuliers, la semaine de la préparation d’une finale ?

Je me retire, moi (rires). On fait moins de tout, on fait intelligent. On garde l’intensité en diminuant le volume. Et plus de récupération, de temps libre, de fraîcheur mentale. Mais pour enlever du travail, il faut en avoir eu une dose suffisante avant.

Vous appuyez-vous sur l’exploit réalisé l’an passé face au Leinster, à Deflandre ?

Évidemment ! J’ai même revu le match, après la demie face au Racing. Il y a des matchs clés, dans ta vie, qui te marquent. L’année dernière, il y en avait deux. Le premier ? Celui contre Toulouse, là-bas (septembre 2020). À la 72e minute, La Rochelle est menée de trois points (26-23). Et on se fait casser la bouche sur les huit dernières minutes (39-23). C’est resté dans ma tête. Que faut-il que je fasse pour que ça n’arrive plus ? Toute l’année, je me suis alimenté avec ça.

Et le deuxième ? Cette demie, donc ?

Le Leinster ! Il se passe l’inverse. Les vingt-cinq dernières minutes sont pour nous. Qu’est-ce qu’on doit apprendre et garder de ça, et quelle direction on doit prendre ? Je travaille là-dessus depuis l’intersaison.

Le Leinster annoncé favori, si ce n’est imbattable, ça vous inspire quoi ?

Une finale, vous savez, il y en a d’autres qui en ont perdu alors qu’ils étaient favoris. Je ne sais pas si on va gagner, mais je peux vous dire qu’on va performer. Et on se doit de performer. Tout est basé autour de ce genre de matchs. On n’a pas le choix, en fait. Les mecs le savent. On a perdu deux finales la saison dernière. Mon sentiment, c’est qu’on va tout faire pour la gagner. Il y a un an, on disait qu’on voulait la gagner mais, en fait, on était contents d’y aller. Cette année, on a bu quatre bières après la demie et on est passés à autre chose.

Ce qui n’était pas du tout le cas, en effet, l’an passé, après cet exploit historique…

On était tous allongés dans la rue, à faire les fous (rires). Aujourd’hui, je ne vais pas faire le mec qui dit "on va jouer l’équipe d’Irlande". Non. L’année dernière, c’était la même équipe. Et nous, on a quasiment la même équipe.

En étant mieux armés, si l’on vous suit, dans l’approche d’une finale…

C’est exactement ça. Je ne suis pas le seul à le dire, c’est un sentiment général. C’est notre ressenti commun.

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?