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Jean-Baptiste Aldigé : « On envoie les clubs de Pro D2 à la boucherie »

  • Jean-Baptiste Aldigé (Président du Biarritz olympique).
    Jean-Baptiste Aldigé (Président du Biarritz olympique). Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Jean-Baptiste Aldigé (Président du Biarritz olympique), qui s’apprête à connaître la relégation quelques mois après avoir connu l’extase de la promotion en Top 14, explique pourquoi le rugby professionnel français doit faire sa mûe…

Il y a un peu moins d’un an, votre club disputait l’« access match » face à l’Aviron bayonnais. Que vous reste-t-il de cette rencontre ?

C’était un moment hors du temps, un moment qu’on ne contrôle absolument pas. Sur ce genre de truc, que tu aies toute l’expérience du monde ou pas la moindre, c’est la même chose. L’« access match », il apparaît soudainement dans ta saison ; il sort de nulle part et là, tu as six jours pour te mettre dedans. Mais tu n’y parviens pas, hein…

On vous suit.

C’est bizarre. C’est comme un rugby à toucher que tu organiserais avant de partir en vacances, pour dire au revoir à tes potes et boucler la saison. Sauf que là, tu joues ton avenir à court terme, tout ce que tu as tenté de construire, au fil des mois passés… C’est assez dingue, quand on y pense…

Aviez-vous déjà vécu, dans votre vie, un moment d’une telle intensité émotionnelle ?

Non. J’avais bien vécu un titre de champion de France avec les Espoirs agenais, en 2004 et au fil d’une finale que nous avions dû rejouer quinze jours plus tard… Mais un truc pareil, un truc comme le derby basque en barrage, n’a probablement pas d’équivalent dans une vie.

Des images vous reviennent-elles en tête ?

Au moment où ont été sifflées les prolongations, on s’est regardé, ne sachant pas vraiment quelles étaient les règles ; j’ai aussi compris, plus tard et en regardant le « body language » des joueurs, que si Steffon Armitage passait son coup de pied, on était en Top 14… Qui ce jour-là connaissait la règle, franchement ? Qui, mis à part Alexandre Ruiz (l’arbitre du match) ? Personne… c’était irréel, je vous dis…

Vous parliez de Steffon Armitage, héros de toute une ville après ce match. A-t-il eu du mal à redécoller, derrière ça ? Il quittera d’ailleurs le club dans quelques semaines…

On a vécu quelque chose d’exceptionnel, l’an passé. Après la demi-finale gagnée à Vannes, déjà, on se disait entre nous que cela faisait partie du top 3 de nos plus beaux moments de vie : ça avait autant de poids qu’un mariage, une naissance et on se disait qu’on ne revivrait plus jamais ça… Puis quinze jours plus tard, on connaissait pourtant le derby basque à Aguilera. Que va-t-il pouvoir nous arriver d’aussi fou dans nos vies, désormais ?

Mais Steffon Armitage, alors ?

Comme tous les autres et comme moi, il a connu un pic d’émotion et maintenant, il court derrière le prochain. Ce n’est pas facile…

Il semble que l’équipe de Top 14 arrive à « l’access match » au bout du rouleau, souvent épuisée nerveusement et physiquement après une saison de galères diverses. Le club de Pro D2 est-il en ce sens toujours avantagé ?

Non. Les joueurs du club de Top 14 arrivent dans ce match comme ceux de Pro D2 : avec deux bras et deux jambes. Le physique ne joue pas sur un match comme ça. Mais je vous rejoins sur le fait que la dynamique est, à cette époque-là de l’année, du côté du club de Pro D2.

L’an passé, vous avez appris votre montée mi-juin. Comment vous êtes-vous renforcés, à partir de là ? Et qui restait-il sur le marché ?

Avant d’accéder au Top 14, nous avions toujours dit qu’il fallait constituer un « bloc équipe », c’est-à-dire 80 % de l’effectif qui, en cas de montée, ne bougerait pas : Lucas Peyresblanques, Mathieu Hirigoyen ou Johnny Dyer faisaient tous partie de ce bloc-là. Cet étage de la fusée constitué, on a alors bataillé pour le maintien. Mais…

Quoi ?

Les problèmes avec la mairie sont venus bouleverser nos plans. Avec un projet sportif ambitieux, on aurait insufflé une nouvelle dynamique à ce groupe en cours de saison ; on lui aurait permis de se projeter sur la durée à Biarritz. Là, nous n’avons eu d’autres choix que de perdre nos meilleurs joueurs les uns après les autres. Le message envoyé au groupe n’était pas bon. Les joueurs n’ont pas la reconnaissance qu’ils méritaient.

On revient à notre question initiale. Quels joueurs restaient-ils sur le marché des transferts, au moment où vous avez appris votre montée en Top 14 ?

Mais vous croyez quoi ? Il n’y a plus personne sur le marché, en juin… Les Jiff qui restent, personne ne les a pris, soit parce qu’ils n’ont plus le niveau, soit parce qu’ils sont blessés…

Et les étrangers, alors ?

Mais on ne recrute pas les joueurs sur catalogue et en l’espace de trois jours ! Pour étudier et analyser le profil d’un joueur, notre cellule recrutement y passe parfois trois mois. Dire comme tout le monde que Maro Itoje et Dan Carter sont bons, c’est une chose. Dénicher quelqu’un que personne ou presque ne connaît, c’est autre chose. Avec Vincent Martin, Elliott Dixon et James Cronin, on ne s’en est d’ailleurs pas trop mal tiré, au final.
Matthew Clarkin, le manager du BOPB, dit pourtant que votre équipe joue en surrégime depuis plus de six mois. Faut-il changer la formule du Pro D2

Afin de permettre aux promus de s’armer et de recruter, plusieurs mois avant d’accéder au Top 14 ?

Bien sûr. C’est quelque chose pour lequel je milite d’ailleurs depuis quatre ans. J’ai souvenir d’une époque où le premier montait directement ; ça avait permis au Lou ou au Racing de recruter en fonction et d’aborder le Top 14 dans de bonnes conditions.

Un tel système ferait disparaître les phases finales comme on les connaît aujourd’hui…

Les phases finales de Pro D2, ce sont des larmes et du sang. C’est du business réalisé sur la misère humaine. En l’état, on envoie les clubs de Pro D2 à la boucherie. Si Biarritz s’était maintenu cette année, il aurait été relégué la saison suivante. C’est inéluctable. […] Plus que les phases finales, le rugby a besoin d’un maillage territorial fort, plus fort qu’il ne l’est aujourd’hui, où huit clubs se battent pour le titre.

Comment ça ?

Il faut permettre à de nouveaux clubs d’atteindre le plafond de masse salariale touché depuis fort longtemps par les huit gros et ainsi incarner de nouvelles forces. Aujourd’hui, avec le système actuel, le seul espoir de voir un nouveau club émerger, c’est qu’un milliardaire débarque et fasse des chèques…

Êtes-vous confiant sur la question d’un éventuel changement de formule ?

Je ne sais pas… Le changement de formule du Pro D2 faisait partie du programme de campagne de René Bouscatel (l’actuel président de la LNR). Pourquoi cela prend-il autant de temps ? Pourquoi n’y va-t-on pas dès demain ? Il suffirait pourtant d’une seule réunion du comité directeur pour faire passer la loi… Ça prendrait une heure, quoi… Et si vous voulez voir, demain, des clubs comme Biarritz, Aix-en-Provence, Oyonnax ou Bayonne se donner le droit de franchir un jour le fossé et de s’installer durablement en Top 14, comme l’a fait La Rochelle après de nombreuses tentatives, il faut accélérer la manœuvre.

Que répondez-vous à ceux militant pour le Top 12 ?

Vous finirez par mourir de consanguinité, dans une triste ligue fermée…

Vous êtes hors-jeu !

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