L'édito : chair à ballons

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    L'édito : chair à ballons.
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L'édito du lundi par Emmanuel Massicard... C’est un postulat devenu élément de notre culture « maison ». Midol ne traite pas de politique. Du moins : malgré ses convictions - et forcément celles de ses journalistes- il n’a pas vocation à militer et laisse donc le rugby voguer selon ses clochers, les époques, réputations et autres traits caricaturaux.

Ce sport peut bien être de droite. Ou alors de gauche. En fait, tout dépend pour qui, pourquoi… Bref, il n’y a pas de vérités quitte à sombrer dans la caricature. N’empêche, au cœur du jeu préside un principe fondateur et inaliénable qui ne supporte à nos yeux aucune entorse, faiblesse ou compromission : la fraternité. Autour, chacun est libre de composer avec ses opinions. Et même de les défendre.

Jessy Trémoulière, Antoine Dupont, Fred Michalak, Cameron Woki ou Raphaël Ibanez n’ont pas fait autre chose la semaine dernière en rejoignant un collectif de sportifs français qui se sont levés face à des idées qui ne sont pas les leurs. Courageux et fidèles aux personnages, qui n’ont pas l’habitude de se cacher. Ils ont pourtant reçu un joli flot de critiques dès la parution de cette tribune, certains donneurs de leçons estimant que nos amis sportifs outrepassaient leur rôle en prenant position sur le terrain politique. Ainsi, ils n’auraient pas le droit d’avoir une opinion, encore moins de l’exprimer et de s’engager. Trop cons pour penser. De la chair à ballons, donc.

Silence et jouez ! Cette idée selon laquelle les sportifs sont tout juste bons à se passer la balle et à divertir le plus grand nombre est une aberration qui renvoie directement à la place du sport dans notre société française : absent des débats (dont celui de la présidentielle) et totalement déconsidéré en dehors des grands événements et des grandes victoires, lorsque tout le pays s’approprie la gloire de ses sportifs. Oui, absent alors qu’il a tant d’atouts à faire valoir sur les terrains de l’éducation, du vivre-ensemble, de la santé ou même de l’esprit de conquête et d’entreprise.

Franchement, quelle ineptie, ironie et stupidité de voir un tel phénomène d’ampleur planétaire boudé par les intellos et déconsidéré par tant d’autres. Au nom de quels principes, les joueurs et joueuses devraient donc se taire quand autour d’eux, sur les réseaux sociaux comme au bistrot, chacun y va de ses leçons, défend avec force ses idées et déverse parfois de véritables relents de haine sur celui d’en face. Au nom de quoi peut-on interdire aux joueurs leur part de liberté et d’engagement quand par ailleurs, sur tant d’autres sujets, la société attend de les voir se mobiliser, qu’elle utilise même à bon compte leur image et qu’elle se nourrit quasi quotidiennement de leurs résultats.

Il est franchement temps de revoir la copie, de cesser l’hypocrisie et, plus que tout, de considérer les sportifs comme les gentils amuseurs publics souvent écervelés, « dealers » de cet opium du peuple qu’est aujourd’hui le sport. Sans quoi, nous attendrons une prochaine élection pour que certains s’étonnent encore de voir quelques sportifs se lever contre cette extrême-droite qu’ils jugent aux antipodes de leurs principes fondamentaux.

Pour notre part, et quelles que soient les convictions qu’ils aient à défendre, nous les jugerons toujours parfaitement légitimes à la prise de parole et au débat d’idées autour d’une société qui, demain, ne laisserait plus tomber l’un des nôtres sur un bout de trottoir du boulevard Saint-Germain.

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Les commentaires (1)
MC3612 Il y a 2 années Le 18/04/2022 à 12:19

Bravo, j'applaudis des deux mains, les valeurs du sport et notamment du rugby devraient bien au contraire présider aux décisions que prennent les dirigeants planétaires.