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Australie - Ce qu’on aime chez Taniela

Par Jacques BROQUET
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    Ce qu’on aime chez Taniela
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Le pilier de l’Australie Taniela Tupou est en train de devenir l’un des tous meilleurs piliers du monde avec un physique hors-norme qui lui permet de dominer ses adversaires. Un garçon attachant qui fournit énormément d’efforts pour arriver au plus haut niveau sous la houlette de mentors comme Brad Thorn ou Sekope Kepu.

Dans la grisaille du rugby australien, il y a, parfois, des lueurs d’espoir. Taniela Tupou, le joueur des Reds et des Wallabies, est cette lueur. À 25 ans, le solide pilier (135 kg pour 1,78 m) est en train de devenir un joueur de classe mondiale. Lors de ses deux sorties contre le XV de France, il a fait éclater sa classe, une fois comme remplaçant et une autre fois comme titulaire. On l’a vu briser le rideau défensif des Bleus, on l’a vu plier la mêlée française, on l’a vu défendre âprement et, on a aussi vu sa dextérité et sa vision sur l’essai de Jake Gordon quand, en position de demi de mêlée, il se permettait de faire une passe sautée pour son partenaire démarqué. L’Australie semble avoir trouvé sa perle rare. Pourtant, il aurait tout aussi bien pu porter le maillot des All Blacks.

Le poids de YouTube

Tupou est né au Tonga, neuvième enfant d’une fratrie de onze (quatre garçons et sept filles) dans une famille humble. Son père Malakai était charpentier, sa mère Loisi, une maman au foyer. Taniela (ou Nela, comme ses coéquipiers l’appellent) avait 9 ans quand son père décéda. Un père qui tient toujours une place à part, dans le cœur du joueur. Comme quand il lui rendit hommage en 2018, après avoir reçu les titres de meilleur joueur du Super Rugby et meilleur espoir. « J’étais le plus jeune des garçons, donc le bébé. Ils sont tous mariés, maintenant, avec des enfants. J’espère qu’un jour, on pourra tous se revoir au Tonga. Ça fait maintenant plusieurs années que l’on a pas été tous ensemble. »

Il grandit au Tonga jusqu’à l’âge de 14 ans, avant de recevoir une bourse pour aller étudier au College du Sacré Cœur d’Auckland à la suite d’une tournée des scolaires tonguiens. Il finit sa scolarité en Nouvelle-Zélande, entre 2011 et 2014. Un parcours relativement classique pour un jeune Tonguien car la Nouvelle-Zélande entretient des liens particuliers avec l’île du Pacifique. C’est au Sacred Heart College que Tupou acquit son surnom de Tongan Thor (le Thor tonguien) en tant que pilier solide. « Disons qu’il ne reculait pas souvent », disait son entraîneur de l’époque, suite à ses exploits sur les terrains de rugby scolaire et notamment deux "coups du chapeau» de suite, après des courses impressionnantes.

Même si, en privé, ses entraîneurs ne pouvaient pas passer sous silence ses insuffisances dans l’art de la mêlée. Ces exploits, diffusés sur YouTube, attirèrent l’attention des recruteurs du Super Rugby et des treizistes australiens de la NRL. à la surprise générale, Tupou signa avec le Queensland, en Australie : « J’ai toujours voulu jouer pour les Wallabies. Je n’ai rien contre les All Blacks mais mon désir était de jouer pour une équipe australienne et de porter un jour le maillot des Wallabies », justifiait Tupou.

Thorn le mentor

À Brisbane, Tupou rejoint le club de Brothers, dans la compétition des clubs et se voit promu dans le groupe de Queensland Country, en NRC. Grand espoir au poste de pilier, Tupou ne peut néanmoins pas représenter l’Australie chez les moins de 20 ans, du fait de sa récente arrivée sur l’île-continent (à l’époque, il fallait trois ans de présence sur le territoire australien pour devenir éligible).

À partir de 2016, "Nela » croise le chemin de Brad Thorn, alors entraîneur de Queensland Country et de l’Académie des Reds. Les deux ne vont plus se quitter. Sous la houlette de Brad Thorn, Tupou va progresser dans tous les aspects du jeu, mais surtout le jeu d’avants. C’est en 2016 que Tupou effectua ses débuts en Super Rugby, face aux Brumbies.

Taniela Tupou avec son équipe des Queensland Reds lors d'un match de Super Rugby.
Taniela Tupou avec son équipe des Queensland Reds lors d'un match de Super Rugby. Icon Sport - Icon Sport

Même non-sélectionable, il tapa dans l’œil de Michael Cheika qui l’emmena comme joueur espoir lors de la tournée européenne des Wallabies en 2016, pour faire ses débuts sous le maillot national un an plus tard face à l’Écosse et une défaite nette (24-53). Dans le groupe australien, il est alors très proche du pilier Sekope Kepu, lui aussi d’origine tonguienne et lui aussi passé par la filière du rugby scolaire néo-zélandais avant de venir en Australie.

C’est dans le Super Rugby que Tupou s’est fait un nom, remportant le titre de meilleur espoir en 2018 avant d’être sacré meilleur joueur du Super Rugby AU en 2020. Avec les Reds, il a pu continuer à s’épanouir, conservant son explosivité, sa pointe de vitesse mais en travaillant énormément sa tenue en mêlée, sous la houlette de Cameron Lillicrap et de Brad Thorn. « Il est costaud, puissant comme pilier droit et il a appris à aimer la mêlée. Vu sa masse, vous vous attendez à ce qu’il soit en position dominante et il travaille dur pour y arriver. Il a maintenant 25 ans et une Coupe du monde derrière lui, il arrive à maturité », dit de lui Brad Thorn.

Costaud, il l’est. En salle de musculation, il bat des records, comme en juin 2019 où, sous l’encouragement de ses partenaires, il souleva 200 kilos en développé couchée. Ses performances en squat sont également impressionnantes.

Quand on lui demande ce qu’il fait quand il ne joue pas ou ne s’entraîne pas, il répond avec un grand sourire : « Je dors. J’aime bien dormir. Après je vais faire du shopping et je renter dormir. Si je veux vraiment m’occuper, je vais à la sale de gym. » Un accro de la musculation !

Taniela Tupou en action lors de la dernière Coupe du monde.
Taniela Tupou en action lors de la dernière Coupe du monde. Icon Sport - Icon Sport

Joueur d’impact ou titulaire ?

Il reste que Tupou cherche toujours sa place au sein de l’équipe d’Australie. Sur ses vingt-sept tests, vingt l’ont vu entrer en cours de match. Il a montré à maintes occasions qu’il est un joueur d’impact énorme, comme contre la Nouvelle-Zélande en 2020, lors du quatrième test victorieux. Il produisit trente minutes exceptionnelles, qui firent basculer le match. Contre le France, lors du premier test, son entrée fut une des raisons de la remontée australienne, dominant en mêlée et franchissant le rideau défensif.

Lors du deuxième test, qu’il débuta, son apport fut aussi très important, autant en défense qu’en attaque. Alors quelle est la solution ? En Super Rugby, Tupou joue souvent 80 minutes : « Après le départ de Ruan Smith et parce que nos jeunes piliers étaient un peu trop tendres, Brad Thorn me laissait jouer tout le match. Le plus drôle c’est que, lors d’un match à Wellington où il me fit sortir à la 68e minute, je me suis demandé ce que j’avais fait de mal sur le terrain. »

Pour Dave Rennie, l’entraîneur des Wallabies, la question ne se pose pas comme ça : « Il a encore une sérieuse marge de progression. C’est un athlète exceptionnel balle en main. Mais vous voulez une répétition des efforts, vous voulez qu’il soit plus rapidement sur ses pieds afin de porter le ballon plus souvent et de se replacer tout de suite en défense. Taniela a joué ses meilleurs matchs avec nous en entrant en cours de match, pour éprouver des défenses qui fatiguent et sur mêlée, pour gagner des pénalités. » Rennie a mis en place des plans pour utiliser Tupou pour créer des brèches dans les défenses adverses, souvent en premier ou deuxième joueur près des mauls.

Taniela Tupou > Aaron Smith pic.twitter.com/5E4qfWtq2w

— Periodismo Rugby (@Perrugby) July 13, 2021

Un rôle de leader

Un autre signe que Tupou grandit et prend de plus en plus d’importance au sein du groupe australien : son élévation dans le groupe de leaders de l’équipe. Même si c’est contre nature pour lui : « Dave (Rennie, N.D.L.R.) m’encourage à prendre la parole mais je ne suis pas du genre à m’exprimer lors des réunions. Je peux être drôle, notamment avec les journalistes, mais je ne suis pas un grand fan quand les discussions deviennent sérieuses et que l’on doit s’exprimer. Mais Dave m’a encouragé, en me disant que mes paroles pouvaient servir à guider les plus jeunes joueurs. J’oublie que je suis maintenant un « vieux » dans le groupe. J’avais 18 ans quand j’ai commence, j’ai vieilli (rires)»

Il est évident que Tupou est devenu un centre d’intérêt. Il est vu comme une des rares armes efficaces des Wallabies en ce début de saison poussif. Le grand danger est que son exposition médiatique attire l’attention des grands clubs étrangers. Il est lié avec Rugby Australia et les Reds jusqu’à la Coupe du monde 2023. Ensuite, il faudra s’attendre à le voir accepter un gros contrat au Japon ou en Top 14, comme l’a fait Brendan Paenga-Amosa qui n’a pas caché que son départ pour Montpellier était uniquement motivé par l’argent mis sur la table. La seule chance du rugby australien est que Tupou est déjà sur un gros contrat, avoisinant les 600 000 € par saison.

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