L'édito : Le culte et la tradition

Par Emmanuel MASSICARD
  • Les Toulousains à la fête après avoir remporté leur 21ème Brennus.
    Les Toulousains à la fête après avoir remporté leur 21ème Brennus. Patrick Derewiany - Midi Olympique
Publié le Mis à jour
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L'édito d'Emmanuel Massicard... Le rugby est un théâtre de l’extraordinaire qui malmène nos certitudes et nous projette sans cesse vers l’inattendu. Question d’habitude : en 2023, on fêtera le bicentenaire de la naissance de ce sport. 200 ans que l’on goûte à l’oracle et que les acteurs prennent un malin plaisir à tirer sur la corde des sentiments. On voudrait notre sport mature, professionnel, logique et construit ; il termine souvent à l’envers, parfois brindezingue et chaotique, mais toujours porté par le moteur de l’émotion.

Voilà donc pourquoi nous l’aimons tant. « Ce sport, entendez-moi bien, est unique » nous confia Lucien Simon, l’ancien président aixois aujourd’hui vice-président de Ligue, à la mi-temps de la finale Toulouse - La Rochelle. « Il ne nous ménage jamais et parfois nous bouleverse. »

Vendredi soir, la finale du Top 14 n’a pas atteint des sommets en termes de qualité de jeu. Et elle-même fut loin de l’intensité de son homologue anglaise jouée le lendemain, entre Exeter et les Harlequins. Pour autant, notre finale n’a rien manqué à la tradition… Quasi sacré sans jouer après sa démonstration de force en demi-finale, le favori rochelais s’est consumé à feu lent, cuit par l’émotion et la tension.

L’affaire, ne vous y trompez pas, doit beaucoup au Stade toulousain, champion d’Europe et leader quasi incontesté de la saison régulière, qui a ainsi tout fait pour arriver au Stade de France dans la peau d’un challenger décati, fané. Rien ne change, on vous dit. Si les acteurs du doublé toulousain sont entrés dans la légende, ils l’ont fait avec des recettes qui nous paraissaient trop identifiées. Erreur.

Souvenez-vous, entre autres, du discours de prudence signé Ugo Mola. Il contribua à placer La Rochelle sur son piédestal, pour mieux qu’elle n’en tombe. En suivant, son « personne ne nous aime » termina de réveiller l’orgueil de ses troupes. Pour les droits d’auteur, prière d’adresser votre règlement à l’ordre de Guy Novès.
Si Mola a « tué le père », il ne peut se départir de la méthode Novès, voire de son héritage. Vendredi, les Rouge et Noir avaient tout de leurs glorieux prédécesseurs quand les Rochelais, eux, semblaient trop vite emprunter aux légendes dacquoises ou clermontoises… En finale, ce n’est donc pas toujours le meilleur qui triomphe. Et au pays de Poulidor, le perdant devient souvent magnifique.

Au nom du sacro-saint principe du succès à tout prix, les Toulousains n’ont franchement rien à envier à leurs glorieux prédécesseurs. Le talent immense des Dupont, Ntamack, Baille ou Marchand est digne de ceux des Charvet, Jauzion, Rives et autres Califano. Tous ont forgé un palmarès inégalé. Mais la culture et l’expérience accumulées font surtout du Stade une équipe à part, dès lors qu’elle aperçoit les trophées. Une équipe capable de renier son plus fier slogan (« Jeu de main, jeu de Toulousains ») pour s’imposer à la justesse d’un rugby sous contrôle ; avec Kolbe et Ramos pour témoigner qu’un drop peut valoir de l’or et porter l’héritage des Deylaud (6), Delaigue (3), Michalak ou Castaignède, tous marqueurs en finale ces trente dernières années.

Bref, vous l’aurez compris, les apparences sont parfois trompeuses. Et si le Stade toulousain de Didier Lacroix parvient enfin à assumer le doux rêve de doublé qui l’a animé tout au long de la saison, il le doit à ce savoir-gagner que son président a su réinventer et transmettre à tous les étages. Reste désormais à durer. C’est donc le plus dur qui commence face à une concurrence décuplée. Plus forte que jamais.

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