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Médard, l’increvable

Par Jérémy FADAT
  • Maxime Médard porte le maillot du Stade toulousain depuis l’âge de 15 ans.
    Maxime Médard porte le maillot du Stade toulousain depuis l’âge de 15 ans. Photos Patrick Derewiany et Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Triple champion d’Europe et quadruple champion de France, l’arrière international n’a plus joué depuis la finale de Champions Cup. La blessure de Romain Ntamack devrait lui offrir ce vendredi un nouveau défi à sa (dé)mesure. Lui qui, à 34 ans, a déjà connu de nombreux coups durs dans sa carrière et dont l’orgueil sera encore extrêmement précieux.

Maxime Médard est un affectif. Un vrai. Un jour de mars 2015, il s’était posé autour d’un café à la Brasserie du Stade toulousain pour s’ouvrir comme rarement et revenir sur les démons qui l’ont trop souvent rongé. « Je me pose beaucoup de questions, avait-il avoué. Ce sont elles qui me pèsent et m’empêchent de m’épanouir pleinement. En fait, j’ai l’impression de m’épanouir dans la difficulté. Quand je sens que c’est facile, j’ai tendance à me relâcher. J’ai essayé de gommer ça. J’avais trop de choses en tête et ça me polluait l’esprit. Je veux être un acteur du moment présent. […] Je suis un éternel insatisfait, qui cherche des explications. Quand ça ne marche pas, je recherche encore d’autres trucs. Et quand ça ne remarche pas derrière, je commence vraiment à douter. […] J’ai parfois trop pensé à mes objectifs personnels. »

Six ans plus tard, l’arrière international va se voir offrir un nouveau défi à sa (dé)mesure ce vendredi. Depuis cet entretien, l’homme a pourtant encore grandi. Dans son rugby, où le temps l’a obligé à devenir un joueur plus complet. Dans son attitude, où il s’est enfin mué en guide pour ses jeunes partenaires. Dans sa vie personnelle aussi, où la paternité lui a offert une forme de maturité nécessaire.

Médard et le Bouclier de Brennus, en 2008.
Médard et le Bouclier de Brennus, en 2008.

« Je pense vraiment qu’avec l’âge, les échecs que j’ai connus, mes réussites, ma fille, ma famille, j’ai vécu beaucoup de choses, assurait-il en janvier 2020. Je sais ce qui est bon pour moi aujourd’hui et ce qui l’est moins. Je relativise sûrement mieux. […] Ce qui m’a fait progresser ces dernières saisons, ce sont mon alimentation ou les moments durant lesquels je me suis posé. Ces instants m’ont permis d’être plus ancré sur ce qui est essentiel. Je râle toujours parfois, c’est dans ma personnalité. Mais j’essaye de davantage prendre sur moi. […] Puis j’ai senti ce côté leader germer en moi, cette volonté de discuter avec les jeunes pour qu’ils se transcendent et donnent tout pour l’équipe. »

"Le meilleur joueur" entraîné par Mola

Voilà également pourquoi son rôle a évolué à Ernest-Wallon. Maxime Médard demeure un talent unique et ce n’est pas Ugo Mola qui prétendra le contraire. Le manager toulousain, évoquant « sûrement le meilleur joueur de rugby [qu’il ait] eu la chance d’entraîner », lui rendait hommage après le sacre européen le 22 mai, son troisième personnel : « C’est un compétiteur hors norme. Quand on gagne, on se caractérise souvent par ce terme. Mais il a ça chevillé au corps. Il le démontre au quotidien, avec la jeune génération qu’il empêche parfois de vivre pleinement tant il est exigeant. C’est sa dix-septième saison au club en tant que professionnel, c’est monstrueux. En France, Maxime va certainement être une des légendes du rugby. C’est un garçon tellement différent. »

À Twickenham, Médard était titulaire. « Nous avons remis le club à sa place, en tête du rugby européen », clamait le lendemain l’enfant de Blagnac, qui n’a connu que le maillot rouge et noir depuis ses 15 ans. Mais après cette finale de Champions Cup, l’intéressé n’a plus disputé la moindre minute en compétition. Ménagé contre Clermont, il fut la victime de la (re)montée en puissance de Thomas Ramos, revenu de blessure et qui était remplaçant dans le temple du rugby. Sorte de logique, en guise de symbole d’une passation de pouvoir qui s’est opérée dans la Ville rose.

L’aventure européenne appartenait à Médard, celle domestique à Ramos. Surtout, le choix de placer six avants et deux trois-quarts sur la feuille de match pour la demi-finale contre Bordeaux-Bègles avait amené le staff à privilégier la polyvalence de Juan Cruz Mallia au vécu de Maxime Médard. Comme lors de la demie de Champions Cup à Exeter en septembre dernier, celui-ci n’était pas dans les vingt-trois. « Il est en train de vivre ce que nous avons tous vécu quand commence ce qui va être une fin de carrière », glissait mardi, à son propos, son président Didier Lacroix, qui le connaît depuis toujours ou presque, puisqu’il était son entraîneur en espoir.

Lacroix : "Max sera au rendez-vous"

Médard a appris lors du stage de préparation à Saint-Lary-Soulan (Hautes-Pyrénées), voilà deux semaines, que sa fonction serait surtout d’accompagner les troupes à Lille. Insuffisant, forcément, pour un champion de sa trempe. à défaut d’accepter, il a entendu. « Quand il joue, il râle beaucoup, alors imaginez quand il ne joue pas, souligne Lacroix. C’est un garçon de caractère et on l’aime comme ça. » Parce que ce tempérament est indispensable à la bonne marche du groupe. « Je sais le compétiteur qu’il est, donc la déception qui est la sienne de ne pas jouer ce genre de matchs, illustrait Clément Poitrenaud en marge de la fameuse demi-finale à Exeter. Mais il est dans son rôle de mec archi-titré et expérimenté qui apporte son soutien à ceux qui en ont un peu moins. » Costume dans lequel il fut encore précieux au stade Pierre-Mauroy. Mais voilà, s’il est un homme, un seul qu’il ne faut jamais enterrer dans ce sport, c’est bien lui.

Médard lors de finale européenne face à La Rochelle (2021).
Médard lors de finale européenne face à La Rochelle (2021).

Maxime Médard a traversé des zones d’ombre, des périodes creuses, des graves blessures et des coups durs, comme lorsqu’il ne fut pas retenu avec le XV de France pour la Coupe du monde 2015. Comprenez qu’à chaque fois, il a souffert dans sa chair, plus que n’importe quel autre joueur. Mais lui s’est toujours relevé, a constamment su braver les tempêtes pour revenir là où son génie ne peut que le conduire : en haut de l’affiche. Cela ressemble à la définition de son club de cœur, dont il est indissociable… « Je suis tellement fier de son parcours ici et il n’est pas fini, soupire Lacroix. Il y a quelques semaines, on célébrait son 350e match sous le maillot toulousain, ce qui est un incroyable record. » Médard simplement : « J’ai la chance d’être dans un club à part, dans une famille. »

Ce vendredi, le terrible K.-O. de Romain Ntamack, rendant l’ouvreur international indisponible, devrait entraîner le repositionnement de Thomas Ramos en 10, donc son retour avec le numéro 15 dans le dos. Pour un nouveau rendez-vous majeur. « La remise en cause, que l’on cherche en tant que dirigeant ou entraîneur, est là, témoigne encore son président. C’est que les jeunes poussent les anciens dans leurs derniers retranchements. Max a suffisamment de malice et surtout de talent pour ne pas laisser sa place aussi facilement. Bien sûr qu’il trépigne, qu’il a envie de saisir cette opportunité, le malheur des uns faisant le bonheur des autres…»

Et de promettre, avec un aplomb qui n’offre aucune place à l’incertitude : « Max sera au rendez-vous, sans nul doute. » Parce que l’orgueil de ce garçon n’a pas d’égal. Autant que le CV. Déjà quadruple champion de France (2008, 2011, 2012 et 2019), il a l’occasion d’accrocher un cinquième Bouclier - sur le terrain - à son armure. Celle qui chassera ses ultimes démons.

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