Les cinq étoiles du Stade Toulousain
Retour sur les cinq sacres continentaux du Stade Toulousain, dont quatre face à des équipes françaises. Des explications souvent âpres et serrées.
L'histoire de Toulouse en Coupe d'Europe est unique évidemment. Cinq titres c'est un record, même si ce palmarès est empreint d'un certain fatalisme. Sur ces cinq titres, quatre ont été obtenus face à des adversaires français, ce qui limite un peu le goût de la victoire. Il n'y eut pas de matchs flamboyants ou de course-poursuite échevelée. Plutôt des scores serrés, deux prolongations, deux victoires sans essai. Deux autres à un seul essai pour les rouge et noir. Ce parcours est celui de la maîtrise ou de l'expérience.
1996 - Toulouse-Cardiff : 21-18
Une première comme un ersatz
On n’imaginait pas encore quel serait le destin de cette nouvelle épreuve. En plus, les Anglais boycottaient cette première édition pour ne pas se soumettre aux desiderata des Celtes. La formule de cette première Coupe d'Europe fut assez minimaliste, avec douze équipes réparties en quatre poules de trois et des demi-finales directes. Mais on le sentait bien, cet objet sportif nouveau était destiné par avance au Stade Toulousain, si dominateur en France au point de rendre improbable l'idée même d'une défaite face à des Irlandais ou à des Gallois alors au plus bas sportivement. Le Toulouse de l'époque, c'était d'abord un surdoué de vingt ans, Thomas Castaignède, plein de culot, de malice, de maîtrise, immédiatement demandé et chouchouté par tous les médias. Un futur président aussi, Didier Lacroix, poussait en troisième ligne.
Toulouse se retrouva donc en finale un 7 janvier, face à Cardiff qui jouait à domicile. Mais l'Arms Park n'était pas rempli et ces Gallois semblaient bien inoffensifs, même si le brillant Jonathan Davies était sur la feuille, mais parmi les remplaçants. À 33 ans, de retour d'un long passage à treize, il n'avait plus les mêmes jambes . Toulouse marqua d'ailleurs deux essais dans les dix premières minutes par Castaignède et Cazalbou, courses, passes vers le large. Toulouse comme on se l'imagine toujours.
En fait, on a souvent repensé à cet affrontement si déséquilibré comme à une sorte de mise en scène pour justifier ce statut de finale. Comme si Cardiff avait été maintenu coûte que coûte dans la course pour offrir une opposition crédible. Cette équipe galloise avait surtout du talent pour offrir des pénalités à son buteur Adrian Davies, honnête tâcheron, qui aurait eu du mal à s'extraire de la réserve du Stade Toulousain s'il avait été français.
Que cette équipe si limitée puisse pousser le Stade Toulousain jusqu'aux prolongations était une curiosité en soi. Mais M. l'arbitre M. Mc Hugh ne pouvait pas aller davantage contre la nature. Un ultime coup de sifflet, en faveur des Toulousains cette fois, eut pour conséquence ce coup de pied décisif de Christophe Deylaud, non sans sa fameuse course d'élan, dos quasiment tourné aux poteaux. 21-18, la performance est appréciée, mais à relire les commentaires de l'époque, on se rend compte que pour les joueurs, ce nouveau trophée n'était qu'un ersatz.
Par sa nouveauté, et avec en sus l'absence des Anglais. Il était loin d'avoir le prestige du Brennus. Le deuxième ligne Franck Belot avait tout résumé « À mes yeux, le Brennus avait plus d'importance. Mais, en tant que leaders français, nous étions en quelque sorte « obligés » de gagner. » Toulouse put donc réussir un doublé, presque tranquillement. On crut longtemps que cet exploit ne se répéterait jamais.
Vingt-cinq ans avant son fils, Emile Ntamack capitaine avait pu brandir un trophée … éphémère, imposant et fragile. Il serait remplacé dès l'année suivante.
2003 : Toulouse — Perpignan : 22-17
Poussés par un vent divin
Premier affrontement franco-français entre Toulouse et Perpignan, à Dublin. Le Toulouse de Guy Novès et de Fabien Pelous était favori face à l’Usap, qui avait surpris en battant le Leinster chez lui en demie. Michalak était à la mêlée avec Delaigue à l’ouverture et l'Irlandais Brennan en troisième ligne. Cette première finale entre compatriotes manquait un peu de saveur, déjà parce que le stade n'était pas plein, même si les supporteurs catalans tentaient d'y mettre un maximum de couleurs. Le match aussi manqua de saveur car son issue ne fit guère de doutes. On se souvient d'une après-midi sans grande passion. Toulouse gagna cette finale (22-17) d’une façon plus facile que ne l’indique le score, facile au sens où les Rouge et Noir furent constamment en tête.
À la mi-temps,ils menaient déjà 19-0 grâce à l'appui d'un vent très vigoureux, une percée de Jauzion et un essai de Vincent Clerc. Une démonstration d'efficacité magistrale. Mais Toulouse passa un deuxième acte difficile, bien plus qu'on ne l'aurait cru sans revoir le match. Car après le repos, avec le soutien d'un vent qui n'avait pas faibli, les Catalans se lancèrent dans une course-poursuite désespérée. Les Toulousains furent bousculés en mêlée, dominés sur les impacts, menacés par une énorme pression catalane.
Quatre pénalités d'Edmonds concrétisèrent ce rapprochement, mais Toulouse plia sans rompre, forte d’une défense très bien organisée et rarement mise en danger. Delaigue assura le coup par une pénalité supplémentaire, sur l'une des rares incursions dans le camp adverse. Juste avant que Bomati n'inscrive le seul essai de l'USAP à la réception d'une passe au pied aveugle d'Edmonds (80+5). Deuxième Coupe d'Europe pour Toulouse, qui espérait le doublé, mais qui le manqua, trop fatigué, en finale face au Stade Français. De cette période naquit le mythe de l'impossible coup-double.
2005 : Toulouse — Stade Français : 18-12
Affrontement au sommet entre les deux grandes écuries Toulouse et le Stade français, alors au sommet de leur rivalité parfois malsaine. Un vrai bras de fer, très austère et très éprouvant pour les nerfs à Édimbourg et qui se solda par un « petit » 12 -12 au bout de 80 minutes. Il fallut partir en prolongations et Toulouse réussit à s’arracher par une pénalité, puis un drop de Frédéric Michalak qui souffrait pourtant d’une cheville.
Les Toulousains avaient en plus perdu leur capitaine Fabien Pelous obligé de sortir dès la 44e, genou en vrac. De ce match on conserve l'idée qu'il fut le sommet de la jeunesse sportive de Frédéric Michalak, 22 ans et six mois. Il vait commencé à l'ouverture, servi par Jean-Baptiste Elissalde il le termina à la mêlée pour servir Jean-Fédéric Dubois. Après, ce ne fut plus tout à fait la même chose. Ceci dit, à revoir la partie, on se rend compte que sa cheville douloureuse avait pesé de tout son poids sur la physionomie du match, l'ouvreur toulousain n'avait pu jouer convenablement au pied, jusqu'à offrir des réceptions aisées à Juan-Martin Hernandez.
Les Toulousains n'avaient pas marqué d'essai, mais ils avaient fini avec l'idée qu'ils avaient été envers et contre tout récompensés d'un incontestable esprit offensif. Il fut incontestable par comparaison au plan de jeu du Stade Français, clairement minimaliste. Les Parisiens firent longtemps la course en tête, forts d'une touche dominatrice, face à un alignement toulousain en perdition (Pelous se blessa même en bataillant pour sauver une conquête).
Ils avaient tous les augures en leur faveur, ils faisaient la course en tête et puis, insensiblement, leur emprise se desserra, avant de les voir mettre un genou à terre. Le « pif » de Guy Novès eut aussi son influence car les entrées de Jean Bouilhou (pour Brennan) et du surpuissant Isitolo Maka (pour Labit) eurent leur petite influence sur le rétablissement toulousain. Le succès dut beaucoup à la classe naturelle d'un Jauzion monumental, de bout en bout. Une autre image,, très sidérante reste associée à cette finale irrespirable, Guy Novès saisi après le match par des policiers pour avoir enfreint telle ou telle règle de sécurité. Scène unique dans l’histoire comme inventée pour exprimer l'atmosphère pleine de nervosité de cette rencontre.
2010 : Toulouse — Biarritz : 21-19
Merci la mêlée
Jusqu'à samedi, ce fut le dernier titre continental du Stade Toulousain.. Encore un sacre sans essai... Pour les historiens du club, ce fut le premier acte d'une trilogie de finales victorieuses forgées uniquement au pied (avec les finales 2011 et 2012 du championnat). Le Toulouse des années 2010 n'avait plus les mêmes atouts que celui de la renaissance des années 80. Le rugby dans son ensemble avait évolué aussi. Le Stade Toulousain commandé par Thierry Dusautoir retrouvait une autre grosse écurie, Biarritz légèrement sur le déclin.
Guy Novès et ses hommes s'étaient présentés vexés au Stade de France. Car ils avaient été éliminés en demi-finale du championnat par Perpignan. Au-dessus de sa trajectoire, planait la malédiction de l'impossible doublé. Face à l'USAP, la mêlée stadiste avait souffert, face à Biarritz, ce fut exactement le contraire. La fiche technique brute de ce match ne signifie pas grand-chose. Elle montre que le match fut un long duel de buteurs, Toulouse fut même mené 6-0 avant de se retrouver nettement en avance, 21-12, à l’heure de jeu. Florian Fritz et David Skrela s'étaient partagés quatre pénalités et trois drops. Puis l’Australien de Biarritz Hunt avait marqué le seul essai de la partie à la 73e. 21-19, le score final fut étroit, mais la victoire toulousaine ne souffrait d'aucune contestation. Elle fut juste obtenue par des moyens à l'opposé des images d'Epinal.
La mêlée toulousaine avait mis sa vis-à-vis au supplice. Le trio Poux-Servat-Lecouls avait jeté les bases avec Human, Johnson et Vernet-Basualdo en réserve. Six hommes de devoir au cœur de la victoire, six hommes membres d'un pack assez fort pour surmonter un carton jaune attribué à Patricio Albacete. En infériorité numérique, il offrit à David Skrela l'occasion de passer deux drops. Biarritz après l'essai de Hunt, fut pourtant en position de revenir, Skrela envoya le renvoi directement en touche. Mais deux ultimes contres en touche préservèrent l'issue de cette finale. L'adage, « Jeude mains jeu de Toulousains » n'avait jamais été autant démenti. Les attaquants toulousains au contraire s'étaient appliqués à gâcher par maladresse de précieuses munitions.
2021 : Toulouse-La Rochelle : 22-17
Le destin d'un joker
Pour la première fois de son histoire, Toulouse gagne un titre continental, sans Guy Novès à sa tête. Ugo Mola le remplace pour un succès assez difficile. Que se serait-il passé si le Fidjien de La Rochelle Levani Botia n'avait pas reçu un carton rouge précoce ? On retiendra le destin particulier de l'auteur du seul essai, Juan Cruz Mallia. Un joker médical argentin, débarqué en janvier dans un certain anonymat.
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