Réseau (a)social

  • Austin Healey et Ben Kay
    Austin Healey et Ben Kay Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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L'édito du vendredi par Léo Faure... Voilà un sujet qui colle au temps présent. La Covid ? Mon Dieu, non, on en a bien assez parlé. On a aussi beaucoup parlé des réseaux sociaux, leurs joies et leurs abus, leurs finesses et leurs lourdeurs qui, au comble de la toute-puissance anonyme, versent parfois dans la vulgarité. Voire la menace. Voici le sujet.

S’il vient ici, dans ces colonnes, c’est que nos amis britanniques ont lancé, le week-end dernier, un boycott de la chose, pendant deux jours. Clubs et joueurs, à l’unisson, voulaient dénoncer par cette action symbolique les dérives de l’interaction directe, sans filtre avec leur communauté et qui sombrait trop souvent dans l’injure, le racisme ou l’homophobie.

On se dit d’abord que tout ce cirque est un brin inutile, qu’il n’amputera rien à la racine du mal. D’ailleurs, rien n’oblige ces bonshommes à créer un compte Twitter, à jouer le jeu de la photo filtrée sur Instagram ou à alimenter leur fil Facebook des dernières actualités, de la séance de musculation herculéenne au fascinant plat de pâtes carbonara « garanties sans crème fraîche ».

S’ils y vont, et prennent le risque d’en subir les dérives, c’est aussi que les sportifs y trouvent leur compte, souvent bancaire. Les rugbymen n’échappent pas à la règle. Sur les réseaux sociaux, on ne fait pas qu’amuser la galerie d’une vidéo potache, ou débattre de l’œuvre philosophique tardive d’Emmanuel Kant.

Dès lors qu’on dispose d’une communauté suffisamment gonflée, on fait aussi du placement produit, de la promotion assumée pour une marque et de la communication balourde pour une autre, tweetée façon candide : « Trop bien le dernier rasoir 15 lames de Ginette ! » Tout cela, évidemment, contre rémunération.

Tout ça pour vous dire quoi ? Que le réseau social, quel qu’il soit, n’est ni le Satan que dénonce l’ancienne génération, ni le prophète que vénère la nouvelle. C’est un outil de communication comme un autre, dont il faut maîtriser les codes et se méfier des pièges.

Là où le danger guette, c’est quand la blague devient menace, quand la courtoisie d’usage dans la vie courante s’arrête aux frontières d’un compte anonyme et soudain menaçant. Cette semaine, l’ancien ailier du XV de la Rose Austin Healey, pourtant peu connu pour la tiédeur de sa langue, racontait ainsi avoir déjà enduré de braves anonymes souhaitant la mort de ses filles, ou un cancer à sa femme. Healey, s’efforçant pourtant de ne pas y prêter de valeur, s’était finalement laissé submerger par une anxiété vénéneuse et dévorante.

Personne n’y échappe : la critique qui n’affecte pas n’existe pas. Les joueurs, qui jurent pourtant le contraire, lisent chaque article qui les concerne, en épluchent les commentaires et scrutent toutes les attaques qui leurs sont adressées justement par le prisme des réseaux sociaux. On y revient forcément. Qu’ils le sachent, s’ils jouent ce jeu socio-digital, ils en auront l’or et l’étron. Il faudra tout assumer. Ou ne pas jouer.

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