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La Rochelle : Baby Boks pour l'éternité

Par Romain Asselin
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    La Rochelle : Baby Boks pour l'éternité
Publié le
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Bientôt dix ans après leur sacre mondial avec l’Afrique du Sud moins de 20 ans, Dillyn Leyds, Wiaan Liebenberg et Raymond Rhule font les beaux jours du Stade rochelais. Ils ouvrent la boîte à souvenirs dans les colonnes de Midi Olympique. Croustillant flashback.

Ils ont maintes fois ri aux éclats, pendant une heure. Parfois jusqu’aux larmes. Mine de rien, cela faisait un bon moment qu’ils n’avaient pas pris le temps de se replonger dans l’une des plus belles pages de l’histoire du rugby sud-africain. À savoir l’unique titre mondial des Baby Boks, en 2012. Et pour cause, avant leurs inattendues retrouvailles sous le maillot rochelais, ils s’étaient souvent perdus de vue, au gré de leurs parcours respectifs. Cette page, Dillyn Leyds, Wiaan Liebenberg et Raymond Rhule l’ont écrite ensemble. C’était il y a presque neuf ans. Les trois s’en souviennent forcément comme si c’était hier. Et leurs anecdotes sont savoureuses.

Nous sommes le 21 juin 2012. Soir de finale du championnat du monde junior, au Cape Town Stadium. Plus de 33 000 personnes en tribunes. L’Afrique du Sud, chez elle, affronte la Nouvelle-Zélande. Redoutables Baby Blacks, vainqueurs des cinq précédentes éditions. « Finale de rêve », salivent les observateurs. Encore inconnus au bataillon à l’époque, certains des 46 acteurs deviendront d’ailleurs des stars du ballon ovale, par la suite. Pita Ahki et Ofa Tu’ungafasi, par exemple, côté kiwi. Handré Pollard, Pieter-Steph du Toit, Jan Serfontein, Steven Kitshoff ou encore un certain Paul Willemse, en face. Côté Boks, trois futurs Rochelais sont aussi titulaires au coup d’envoi. À 19 ans, le duo de trois-quarts Leyds-Rhule est guidé, comme le reste de la meute, par le capitaine Liebenberg, alors flanker de la franchise des Blue Bulls. « Wiaan est Afrikaner. Il ne parlait pas anglais, se remémore Dillyn Leyds. Mais il n’avait pas besoin de beaucoup parler tant il montrait l’exemple sur le terrain. » Ce soir-là, le XV sud-af’créé la sensation. Victoire historique 22-16. Premier - et seul - titre mondial des Baby Boks. La liesse, au pays. Et, forcément, un destin lié à jamais. Pour les joueurs, cette campagne a lancé de la plus belle des manières leur carrière professionnelle.

Le miracle Raymond Rhule

« On ne se connaissait pas avant les moins de 20 ans, pose en préambule Wiaan Liebenberg, en rembobinant le fil des événements. On a commencé par jouer trois matchs amicaux face à l’Argentine de Cordero et Matera. On s’entendait bien. Tu ne me détestais pas, Dillyn, n’est-ce pas ? (rires). Depuis que l’on s’est retrouvés, on ne parle pas forcément des matchs. Moi, j’ai davantage de souvenirs des coulisses. On était gamins, on a passé beaucoup de temps ensemble, ça nous avait soudés. Je me souviens qu’à la base, Raymond n’était même pas censé être dans l’équipe ! » Rhule, à ses côtés, acquiesce. Neuf ans avant son récent match stratosphérique face à Sale en quarts de finale de Champions Cup, il ne doit sa participation de dernière minute au mondial junior 2012 qu’à un concours de circonstances. « Juste avant le tournoi, un ailier des Cheetahs m’avait invité à jouer contre une province, en Varsity Cup (compétition universitaire, N.D.L.R.) se souvient le Ghanéen d’origine, qui n’en revient toujours pas. J’avais fait un bon match et quand je suis rentré à la maison, des recruteurs des moins de 20 ans m’ont appelé. Ils étaient au stade et m’ont juste demandé de venir voir l’équipe. Le groupe final était déjà sélectionné. J’arrive là-bas et je pensais quand même, au moins, repartir avec un tee-shirt. Même pas (rires). Ils ne m’ont rien donné parce que je n’étais pas dans le groupe. Et là, Dean Hammond, un ailier-centre, se blesse. » Le figurant Raymond va alors bénéficier, contre toute attente, d’un bon coup de piston. « J’avais déjà eu quelques contacts avec des mecs des lignes arrières, comme William Small-Smith. Un mec très respecté dans l’équipe, poursuit Rhule. On avait déjà joué ensemble. Le sélectionneur ne savait pas trop comment faire, il a appelé William qui lui a dit : « Donne une chance à Raymond. » C’est comme ça que je suis passé de hors groupe à titulaire au premier match, contre l’Irlande. Incroyable ! » Leyds saisit la balle au bond : « Je me souviens que William était un grand fan de toi. Mais, franchement, c’était une surprise. On ne savait pas qui était ce type sorti de nulle part. D’ailleurs, Raymond, tu es tout de suite ressorti du groupe ! » Fou rire général.

Son match d’ouverture, l’Afrique du Sud le perd (19-23) face aux coéquipiers celtes du futur clermontois JJ Hanrahan. « Notre demi de mêlée avait eu une commotion très tôt dans le match, raconte Wiaan Liebenberg. Les protocoles, ça n’existait pas à l’époque. Du coup, il est resté sur le terrain mais il faisait vraiment de la merde (rires). Il était perdu. Plus sérieusement, les supporters ont mal vécu cette défaite, ils avaient beaucoup d’attente. C’était la première fois qu’ils venaient nous voir et ils ne pensaient pas que l’on perdrait contre l’Irlande. » Rhule va même jusqu’à employer le mot de « désastre ». Lui, d’ailleurs, est écarté. « Dernier arrivé, premier sorti », plaisante-t-il aujourd’hui. « On s’est réuni dans une pièce avec d’autres leaders, se souvient son capitaine. Entre nous, on a trouvé les solutions. Ça a été un déclic. » Derrière, les Baby Boks passent leurs nerfs sur l’Italie (52-13), puis quatre essais aux Anglais de Billy Vunipola (28-15) pour finalement rallier le dernier carré.
En demie, l’Argentine, invaincue en poules, sera mise à genoux par… Vous l’avez ? Raymond Rhule, évidemment ! « C’est vraiment une drôle histoire, insiste-t-il, toujours étonné par la tournure des événements. Patrick Howard s’était blessé. Mais Paul Jordaan, Tshotsho Mbovane et Travis Ismaiel ont tourné toute la semaine à l’entraînement. Normalement, si tu joues à l’aile et que tu n’es pas dans les titulaires, tu n’as pas de place sur le banc. Je me disais : « Oh merde, c’est fini… » Et là, quand le staff annonce l’équipe, je suis remplaçant ! OK (rires) ! Au bout de 10 minutes, Paul (Jordaan) se blesse. Donc j’ai joué. Et j’ai marqué deux essais. » Ironie de l’histoire, Jordaan portera aussi le maillot rochelais. De 2016 à 2019. Mais lui ne disputera pas la finale.

À La Rochelle, West en entend parler tous les jours

« J’ai revu ton doublé Raymond, enchaîne Leyds. Pendant le premier confinement, la télévision sud-africaine a rediffusé tous les matchs. C’était bon de revoir ça. Tous les mecs sont toujours professionnels maintenant. Nous avions donc une très bonne équipe. Se retrouver à La Rochelle neuf ans après, avec Wiaan et Raymond, c’est marrant. Une pure coïncidence, d’ailleurs. Jamais on n’aurait imaginé ça. » Pas plus que le fait d’évoluer, désormais, aux côtés d’Ihaia West, titulaire en 10 sous le maillot black en finale de ce Mondial junior. Sur les bords de l’Atlantique, ses bourreaux boks lui mettent une pièce « tous les jours  » se marre Rhule. « On lui rappelle comment on l’a battu. L’histoire, il la connaît. Comment il réagit ? Il s’avoue vaincu. Il sait qu’il ne peut rien y faire. Il aimerait bien avoir une montre, lui aussi. » Ah, la montre ! Toute une histoire, aussi. « Un des sponsors disait que si l’on remportait la compétition, on gagnerait beaucoup d’argent. 20 ou 30 000, ou quelque chose comme ça. Il nous a bien eus. Au final, on a pris des miettes. Il ne voulait plus payer… rit en chœur le trio. À la place, on a tous eu une jolie montre gravée « champions du monde 2012 ».

Liebenberg, lui, ne l’a plus autour du poignet. Souvenir envolé suite à un cambriolage. « Vous vous rappelez aussi des bandes de couleurs au poignet, les gars ? », lance Raymond. « Ah mais oui ! On devait faire ça avant tous les matchs, reprend son capitaine chez les Baby Boks. Chaque couleur représentait une attitude. Rouge si tu voulais dire que tu allais être physique. Noir si tu allais beaucoup travailler. Raymond, Dillyn, vous n’avez jamais mis le rouge ! » « Pas le rouge, pas le rouge ! », pouffe Leyds, dix sélections avec les Springboks. Son baptême du feu, il l’a d’ailleurs honoré le 10 juin 2017, face au XV de France, en même temps que… Rhule ! Ce dernier, seul champion du monde moins de 20 ans retenu chez les grands par Heyneke Meyer dans la foulée du sacre junior, a dû attendre cinq ans pour vivre la première de ses sept sélections. « J’étais à l’école l’année d’avant et je ne prenais pas assez le rugby au sérieux. Je suis revenu en 2017 plus mature, plus méritant », résume le blagueur de la bande. « Blagueur, moi ? Non ! Tout le temps sérieux. » Son ricanement le trahit. « Parfois, il est bruyant, embrayent ses deux compères. Raymond met tout le temps de la musique à fond dans son enceinte, alors tu l’entends arriver. On veut s’éloigner de lui mais on l’a tout le temps avec nous, pas le choix. » Taquineries, bien sûr. Ils sont copains comme cochons. « Le simple fait de parler de ce sacre mondial nous rappelle de bons souvenirs et de bons moments. Ce serait vraiment cool de regagner un trophée ensemble, ce serait quelque chose de très spécial et, prévient Leyds, vous ne me verriez probablement pas avant deux semaines de congé. » Bon, et le dixième anniversaire du premier titre commun, en 2022, ça se fête, non ? « Vous venez de nous donner une bonne idée, rebondit Liebenberg. On prendra une bière ensemble et on regardera les matchs en entier. Comme ça, en plus, on reverra les cheveux de Raymond. » Sacré trio.

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