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"Un Ange passe" : portrait de Capuozzo, meilleur marqueur du Pro D2

Par Nicolas ZANARDI
  • Un Ange passe...
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Publié le Mis à jour
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Actuel meilleur marqueur du Pro D2, le "peter pan" du FCG n’en finit plus d’étonner les observateurs, ses qualités d’adresse et de vélocité incroyables compensant à merveille ses apparences bien frêles… À tel point que le jeune homme dont "le premier doudou était un ballon de rugby" rêve désormais ouvertement d’exposer ses 72 kg tout mouillé au plus haut niveau, après avoir goûté presque par hasard, voilà deux ans, à la sélection U20 italienne.

C’est peu dire d’Ange Capuozzo qu’il fleure l’Italie par tous les pores. De par son patronyme, d’abord, qui respire à plein poumons l’air doux et chaud de la Campanie, transmis par des grands-parents napolitains. De par son apparence, ensuite, ses cheveux d’un noir de jais surmontant un angélique visage au teint légèrement hâlé, hérité d’un grand-père maternel malgache. Mais surtout de par son ton toujours enjoué et son sourire perpétuellement accroché au visage, apanage presque universel de ces gens venus du Sud de la péninsule pour s’offrir une vie meilleure de l’autre côté des Alpes, loin du régime fasciste et de ses chemises noires…

Des racines fortes, puissantes, qu’il demeure illusoire de chercher à définitivement couper. "C’est vrai qu’au contraire de mes cousins qui supportent la France, j’ai toujours eu un faible pour la Squadra. En 2006 par exemple, j’étais sur les quais de Grenoble pour fêter la victoire… L’Italie, c’est une partie de moi, j’ai toujours été élevé dans cette culture, même si les seules expressions que je connais sont plus du patois napolitain que du vrai italien. D’ailleurs, comme c’est mon grand-père qui me les a transmises, je ne suis même pas sûr qu’ils les utilisent encore là-bas..."

"l’Italie, c’est une partie de moi"

Mais comment diantre, avec une ascendance pareille, le petit Ange Capuozzo se retrouva-t-il à tâter de la balle ovale plutôt que du ballon rond ? Lui-même, à vrai dire, se pose encore la question, après être passé par d’autres sports de contact comme le judo ou la boxe birmane… "Ma famille est plutôt foot, c’est vrai, mon père y jouait d’ailleurs en club à petit niveau. Moi, je suis un grand fan du Napoli et même si je ne l’ai jamais vu jouer, mon idole absolue, c’est Maradona. Je le connais par toutes les histoires que ma famille m’a racontées à son sujet, et je trouve ça assez fabuleux la manière dont un simple joueur de foot a pu marquer une ville, un pays, une région. Donc, ma culture de base est plutôt foot. Mais allez savoir pourquoi, mon premier doudou, ça a été un ballon de rugby. Il faut croire que j’étais prédestiné…"

International U20 italien "par chance et persévérance"

Une théorie à laquelle on souscrit pleinement, tant Ange Capuozzo brille de par sa facilité sur tous les terrains du Pro D2 cette saison, au point de caracoler en tête du classement des meilleurs marqueurs (10 réalisations). Mais n’allez toutefois pas croire que ce destin de chasseur d’essai était tout tracé, au contraire… "Quand je suis arrivé à Grenoble en U13, j’étais plutôt sur les postes de la charnière, puis Corentin Glénat est arrivé en cadets et j’ai été décalé sur le triangle arrière, se souvient Capuozzo. D’abord en numéro 15, puis à l’aile en Crabos parce que je n’étais pas vraiment prêt physiquement. Cela se passait plutôt bien mais en Crabos deuxième année puis en Espoirs, on m’a repassé sur le poste de 9. C’est d’ailleurs en temps que demi de mêlée que j’ai fait ma première feuille de match en pro, lors d’un déplacement du FCG à Pau, en Top 14."

La petite fenêtre d’exposition qui lui avait manqué jusqu’alors pour intégrer les sélections de jeunes italiennes ? Même pas… "En fait, cette saison-là, le hasard a fait que nous avons joué un match contre la sélection U20 italienne avec les Espoirs du FCG, se marre Capuozzo. Après la rencontre, j’avais discuté avec les dirigeants pour savoir comment on pouvait postuler à la sélection. Ensuite, j’ai gardé le contact… Ils ont eu beaucoup de blessures et sont revenus vers moi avant la Coupe du monde, en me demandant si je pouvais jouer à l’arrière. Quelques jours après, je préparais mes bagages…" Moralité ? "C’est juste le fruit d’un énorme concours de circonstances, d’un peu de chance et pas mal de persévérance. Parce que je peux vous dire que dès que nous avons commencé à échanger par mail, je ne les ai pas lâchés…"

Tout sauf anodin, à dire vrai… Car si l’anecdote se veut révélatrice d’un caractère bien trempé, elle fut surtout le point de départ de la "vraie" carrière professionnelle d’Ange Capuzzo, immédiatement rétintégré au groupe pro à son retour, mais plus forcément au poste de numéro 9. "Lorsque nous sommes redescendus en Pro D2, le FCG n’avait plus que Gaëtan Germain comme spécialiste à l’arrière. On m’a donc demandé de m’y entraîner à la suite de ma Coupe du monde, et quand il s’est blessé, c’est à moi que Stéphane Glas a fait appel. Mon histoire avec les pros est partie comme ça…"

Gio Aplon, le modèle

Sur un coup de dés ou presque, et s’inscrivant surtout dans la tradition récente des arrières de poche du FCG, à l’image de Gervais Cordin ou de Gio Aplon… "C’est vrai qu’il commence à s’installer dans le club une petite tradition d’arrières de petit gabarit, même s’il y a aussi eu entre-temps Gaëtan Germain qui était aussi très bon dans un autre style, s’amuse Capuozzo. Mais Gio Aplon, c’est vrai que c’était mon modèle, probablement un des meilleurs joueurs du Top 14 et peut-être du monde à l’époque… Je l’idolâtrais tellement qu’à la fin de ma première saison à l’arrière en cadets, j’avais acheté un casque, juste pour lui ressembler..."

Une ressemblance que le nouveau "Peter Pan" du FCG a poussé jusqu’à endosser le costume de meilleur atout offensif de son club, dont la stratosphérique pointe de vitesse si redoutable en débordement sonne comme une promesse de lendemains enchantés au plus haut niveau. Le rêve ultime d’Ange Capuozzo n’étant ouvertement plus un secret… "Quand j’étais plus jeune, je me battais pour avoir ma place en club donc je n’étais pas du tout dans l’optique de penser aux sélections. Mais quand on y a goûté, on a forcément envie d’y revenir. Cette Coupe du monde en Argentine, c’était fabuleux, de très loin ma plus belle expérience de rugbyman, même si la barrière de la langue n’a pas tout rendu facile au départ. Les premiers soirs, je me couchais tous les soirs à 20 heures tellement j’avais la tête pleine ! Mais à la fin de la Coupe du monde, par contre, je me débrouillais beaucoup mieux. Chanter l’hymne, c’était juste splendide, même si le crois que j’ai plus baragouiné qu’autre chose les paroles la première fois. Vraiment J’ai noué de super relations dans cette équipe, avec les Garbisi, Mori, qui m’ont accueilli à bras ouverts. Les retrouver un jour, ça reste dans un coin de ma tête, forcément. Et si j’ai pas mal perdu de mon niveau d’italien depuis deux ans, je ne suis pas inquiet. S’il y a besoin un jour, ça reviendra vite…"

Passionné de dévelopement personnel

Reste qu’avant de franchir cette étape, le jeune Isérois se devra de faire tomber une nouvelle barrière, au FCG avec lequel il demeure sous contrat espoir pro jusqu’à la fin de la saison prochaine)ou ailleurs. Celle du plus haut niveau et du Top 14, où la légèreté de son gabarit n’entre pas exactement dans les canons du rugby d’élite… "Je suis de très près le rugby depuis que je suis tout petit et honnêtement, je n’ai jamais trouvé de joueur à 72 kg au plus haut niveau, avoue Capuozzo. Il y a quelques demis de mêlée à 74kg, 75 kg mais en tout cas, aucun d’entre eux ne mesure 1,77 m !"

De quoi envisager un changement de morphologie, pas forcément en phase avec les convictions de ce passionné de développement personnel ? Pas forcément,… " Je ne veux pas avoir de position arrêtée à ce sujet, mais je préfère avant tout me fier à mes ressentis de match, tout simplement. Aujourd’hui en Pro D2, ça se passe plutôt bien parce que j’arrive à anticiper les coups, à jouer sur ma vitesse. Je n’arrêterai jamais Deon Fourie lancé à 5 mètres de la ligne mais je crois avoir d’autres qualités. Après, si je vois en montant de niveau qu’il faut que je prenne un peu de poids parce que je subis trop, j’y réfléchirai. Mais je ne veux pas prendre du poids pour prendre du poids, parce que je ne veux pas perdre de ma vitesse. Pour l’instant, mon poids est de 72 kg, et je veux voir jusqu’où je peux aller comme ça." Quand un ange passe, inutile de songer à l’arrêter...

Photos DR

"Depuis que je suis le rugby, je n’ai jamais trouvé de joueur de 72 kg au plus haut niveau. [...] Mais je me fie avant tout à mes ressentis de match, et je veux voir jusqu’où je peux aller comme ça..."

Ange CAPUOZZO

Né le : 30 avril 1999 à Grenoble. Mensurations : 1,72m, 77 kg

Poste : Arrière, ailier, demi de mêlée. Clubs successifs : US Deux-Ponts (2005-2011), FC Grenoble (2011-). Sélections nationales : Italie U20

"Je suis un grand fan du Napoli et mon idole absolue, c’est Maradona, même si je ne l’ai jamais vu jouer. Donc, ma culture de base est plutôt foot. Mais allez savoir pourquoi, mon premier doudou a été un ballon de rugby..."

Ange CAPUOZZO

Si Ange Capuozzo a bien touché ses premiers ballons du côté de l’US Deux-Ponts dans les catégories de jeunes, son destin bascula finalement très vite du côté du FCG, dont il porte "officiellement" les couleurs depuis la catégorie U13. Tout sauf un hasard, qui doit beaucoup à Marc Ginies, qui le convainquit très jeune de remonter les quelques kilomètres du cours Jean-Jaurès pour aller salir son short du côté de Lesdiguières. "À l’origine, j’étais éducateur au club de Vizille et j’avais repéré depuis longtemps ce petit gabarit qui nous faisait des misères avec Pont-de-Claix et qui était très copain avec mon petit-fils, se souvient Marc Ginies. Mais dans son équipe, il était un peu tout seul à jouer... Du coup, quand je suis devenu éducateur des U11 au FCG, je me suis permis d’aller le voir, en lui expliquant qu’il s’amuserait probablement beaucoup plus dans un collectif plus fort. Son papa était très embêté vis-à-vis du club de Pont-de-Claix, alors je lui ai proposé de venir faire un essai sans rien dire à personne dans les deux grands tournois qu’il nous restait à disputer, à Bourgoin puis à Montpellier. Et là, il s’est effectivement éclaté…" Une "fausse licence" pour la bonne cause, rapidement suivie d’une mutation précoce, qui fit forcément grincer quelques dents. "Lorsque Ange et ses parents ont pris la décision de l’emmener au FCG, ça ne s’est pas très bien passé avec les dirigeants de l’US Deux-Ponts, pour les raisons que vous imaginez, sourit Marc Ginies… Mais en fait, je n’ai jamais fait de manière informelle que ce que tous les prétendus "gros clubs" de France faisaient depuis longtemps, tandis que le FCG s’y refusait. Je suis notamment allé chercher Kilian Geraci qui jouait à Seyssins et qui était aussi un copain de mon petit-fils. J’ai rapidement arrêté l’école de rugby par la suite, mais j’ai toujours gardé un contact avec eux, et c’est un plaisir de les voir réussir aujourd’hui." Un bonheur évidemment décuplé en ce qui concerne le petit Ange, à qui tous prédisaient un avenir limité par son gabarit. "Il a toujours été, de très loin le plus petit sur le terrain, se souvient Ginies. On se demandait toujours comment il allait s’en sortir mais il avait tellement de qualités en termes d’adresse, de vitesse et d’appuis qu’il créait toujours des différences. Et jusqu’à présent, il a toujours repoussé les limites que les autres lui fixaient." Lesquelles n’ont toujours pas été trouvées... N.Z.

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