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Amateurs : licenciés, finances... Peur sur la saison prochaine

  • Le rugby amateur est toujours à l’arrêt depuis le mois d’octobre. Une fuite des licenciés est à craindre...
    Le rugby amateur est toujours à l’arrêt depuis le mois d’octobre. Une fuite des licenciés est à craindre... Jean-Michel Mazet - Jean-Michel Mazet
Publié le Mis à jour
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Toujours placé dans l’interminable attente d’une reprise, le rugby amateur français est quasiment à l’arrêt, à l’exception des écoles de rugby et des équipes jeunes. Mais les dirigeants redoutent une fuite des licenciés séniors et des problèmes financiers pour la saison prochaine...

À l’heure où de nombreux départements ont été encore reconfinés, le rugby amateur français continue de vivoter par l’intermédiaire de sa jeune garde : les écoles de rugby et les équipes jeunes continuent de s’entraîner, au contraire des séniors qui, eux, sont toujours dans l’attente d’une éventuelle reprise des compétitions encadrées par les Ligues régionales. L’encéphalogramme du rugby amateur français n’est donc pas complètement plat : "Les clubs mènent un travail fantastique pour continuer les entraînements, pour entretenir le lien avec les jeunes licenciés. Les écoles de rugby et les équipes de jeunes vivent encore, et les éducateurs font beaucoup d’efforts alors qu’ils n’ont aucune visibilité sur la suite, ni comment cela redémarrera", explique Patrick Buisson, vice-président de la FFR en charge du rugby amateur.

Il semblerait même que l’on assiste à un léger afflux de jeunes pratiquants : "La chance du rugby, c’est qu’il soit un sport d’extérieur. Et selon plusieurs retours de clubs, il semblerait que des enfants venant de sports de salles arrivent dans nos clubs de rugby, positive Buisson. Bien sûr, on ne cherche pas à piller les autres fédérations qui sont en difficultés, mais les associations sportives se tendent la main : celles qui ne sont plus en mesure d’accueillir les enfants les renvoient vers les autres, et le rugby en profite."

Réunion mardi avec les Ligues régionales

Voilà pour les bonnes nouvelles. Pour le reste, l’horizon paraît plus sombre. En effet, la crainte d’une fuite des licenciés séniors est grande, et est évoquée jusque dans les hautes sphères de la FFR : "Bien sûr que l’on redoute une perte des licenciés séniors. Ici et là, on entend que faute de compétitions, nombre de trentenaires vont prendre leur retraite anticipée. C’est possible. Mais il est aussi possible que les joueurs soient tout simplement en manque, et qu’ils retrouvent le chemin de l’entraînement parce que leurs amis et la convivialité du rugby leur manque, comme à nous tous." Une fuite des joueurs des équipes réserves, qui sont encore plus "amateurs" que leurs partenaires de l’équipe fanion est aussi redoutée. Mais là encore, la FFR se veut optimiste : "à mon sens, les joueurs des équipes réserves sont les plus grands fidèles dont nous disposions : ce sont les futurs éducateurs, les futurs dirigeants des clubs. Ils sont "vaccinés" au rugby. Si la pratique reprend, ils reviendront."

Pour en avoir le cœur net, la Fédération a sollicité ses Ligues régionales pour que ces dernières demandent à leurs clubs leurs préférences de pratique en cas d’éventuelle reprise : rugby à VII, à cinq ou à XV, ou encore challenges. "Une réunion avec les Ligues est prévue pour ce mardi", dévoile Buisson. "Le nombre de clubs qui vont répondre à ce sondage donnera déjà un bon indicateur." En revanche, il est indiscutable que les finances des clubs amateurs risquent d’être mises à rude épreuve la saison prochaine : "Cette saison, les clubs amateurs n’ont pas de dépenses et ils ont encaissé leurs licences donc tout va bien. Mais l’année prochaine, il est possible qu’ils éprouvent des difficultés à renouveler leurs partenariats, ou à en trouver de nouveaux en raison du contexte économique." À chaque jour suffit sa peine…

Renage-Rives, un cas d’école

Bastion du rugby isérois constitué autour d’un socle de vieux grognards, l’US Renage-Rives (Fédérale 3) cristallise des difficultés que de nombreux clubs de l’Hexagone s’apprêtent à traverser… C’est une histoire comme la Fédération craint d’en voir reproduire des dizaines. Celle d’un club à qui les deux saisons successivement tronquées par la Covid-19 risquent de coûter très cher, dans un dégât moins financier que social et sportif. Bastion historique du rugby isérois, championne des Alpes Honneur en 2016 puis qualifiée les trois saisons suivantes en phases finales de Fédérale 3, la vénérable US Renage-Rives se trouve désormais en plein cœur d’une tourmente démarrée avec l’apparition du coronavirus.

"L’impact financier n’est pas énorme, je le redoute surtout pour la saison 2022-2023, explique le président Philippe Niogret. Mais l’impact est réel sur nos bénévoles qu’on n’a pas revus depuis un an et qu’on ne souhaite pas mettre en danger, et surtout sur notre effectif." Les deux saisons tronquées successives ayant eu raison de bien des motivations… "Comme nous n’avions plus d’équipe junior quand je suis devenu président, nous avions construit notre équipe autour de jeunes expérimentés, afin d’accompagner les jeunes que nous voulions former et lancer, souligne Niogret. Sauf que cela prend du temps de recréer un projet de formation, qui passait dans notre cas par une entente avec les clubs voisins de Tullins et Moirans. Entre-temps, tous ces joueurs expérimentés ont pris de l’âge et n’ont plus envie de repartir après deux saisons tronquées. À l’heure qu’il est, au moins 12 joueurs de notre effectif vont arrêter. Cela tandis que les juniors qui vont monter n’ont pas eu le temps de s’aguerrir ces dernières années et de ne pas être prêts à jouer en Fédérale 3. Je ne suis pas certain qu’aujourd’hui nous soyons en moyen d’aligner une réserve digne de ce nom."

Le deuxième étage d’une fusée dont le début du crash sportif remonte à l’été précédent, pour des raisons plus matérielles. "Voyant venir la crise économique, on avait proposé à nos joueurs une diminution des défraiements, soupire Niogret. Mais un d’entre eux ne l’a pas accepté, ce qui a créé des dissensions et une première vague de départs. Résultat, la saison dernière, il y a eu une nette baisse de nos résultats puisque nous n’avons pas remporté un seul de nos cinq matchs, certes parfois de très peu."

"Plus de président, plus de bureau, plus de staff et une fuite des joueurs"

Un enchaînement qui s’est avéré un facteur malheureusement incontournable d’amplification de la morosité ambiante, qui s’est propagée en profondeur. "La conséquence ? Elle est que notre staff arrête tout comme moi, puisque je l’avais annoncé au début de la saison dernière, révèle Philippe Niogret. Voyant venir les difficultés, j’ai proposé de faire une saison de plus, à condition que le rassemblement que nous effectuons au niveau des jeunes soit prolongé aux équipes seniors, comme la FFR le permet désormais. Les présidents des trois clubs étaient d’accord, mais certains de nos dirigeants ne l’ont pas voulu. La situation est donc qu’à la fin mars, l’USRR n’a plus de président, plus de bureau, plus de staff et plus vraiment d’effectif, puisque les derniers restants vont probablement s’envoler comme une volée de moineaux. Autant dire que je crains le pire pour l’avenir de l’USRR et que cela m’emmerde profondément, après sept saisons passées à la tête de ce club."

Le pire ? Il est que "pour discuter avec pas mal de mes congénères, je sais que beaucoup de clubs sont dans des situations comparables à la nôtre", jure Niogret. Pas de quoi inciter à l’optimisme pour le rugby régional et national, donc…

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