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Salamon : « Nous rendrons un rapport le plus rigoureux possible »

Par Pierre-Laurent GOU
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    Salamon : « Nous rendrons un rapport le plus rigoureux possible »
Publié le Mis à jour
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Roger Salamon, épidémiologiste et président de la commission médicale de la FFR, nous a accordé une interview sur le « cluster » qui a touché le XV de France.

Que pense le médecin du « cluster » qui a touché le XV de France et entraîné le report de la rencontre face à l’Écosse ?

La première des choses qui me vient à l’esprit, c’est que l’équipe de France a joué de malchance. Je n’ai personne à protéger et je peux vous assurer que le protocole mis en place était rigoureux, il l’est toujours. D’ailleurs, les médecins des autres nations du Tournoi avaient pris pour modèle notre protocole et l’instauration d’une bulle sanitaire, en exemple. Seulement, avec ce virus et particulièrement son variant dit anglais, le risque zéro n’existe pas. À partir d’une infection qui concernait un joueur de rugby à VII, le virus a circulé au travers des équipes de France et notamment la grande et aboutie à la catastrophe de cette semaine. Et quand je parle de malchance, c’est qu’après pourtant sept jours d’isolement, il y a eu des cas, le huitième, le neuvième et même à J + 10 !

Le report était-il inévitable ? Et ne fallait-il pas prendre la décision plus tôt ?

Mercredi, le Comité des 6 Nations avait validé sa tenue, mais après deux jours sans nouveau test positif, le fait d’avoir un nouveau joueur en l’occurrence Uini Atonio, qui s’était entraîné la veille de manière collective avec ses partenaires, il n’y avait pas d’autres solutions que de reporter la rencontre.

Est-ce que compte tenu de l’ampleur des cas, selon vous, le protocole a été respecté ? On sait aujourd’hui notamment que certains joueurs sont sortis de leur hôtel en Italie pour aller manger une gaufre ou une glace, que le sélectionneur est allé voir jouer son fils au retour d’Italie ?

Je vais préciser les choses, car je lis pas mal d’erreurs ou d’inexactitudes dans cette affaire. Quand on parle de bulle, ce n’est pas une bulle physique. C’est un protocole à respecter. Si les joueurs se protègent et respectent les gestes barrières, ils ont parfaitement le droit de se déplacer. Ils doivent être masqués, distanciés du public, mais ont parfaitement le droit de s’aérer ou d’aller dans un hôpital pour passer une IRM par exemple. Je comprends que cela soit difficile à comprendre et à percevoir, mais dire qu’ils sont dans la bulle, cela veut dire qu’ils sont les trois-quarts de leur temps dans un endroit isolé du monde où tous ont été testés négatifs, mais selon des règles strictes de protection ils peuvent sortir. Et croyez-moi, on l’a rabâché aux joueurs et à leurs entraîneurs. Alors quand je lis que Fabien Galthié est sorti voir un match de son fils, s’il était masqué, seul, et qu’il a voyagé dans un véhicule particulier, il n’y a pas de problème. On pense que l’entrée du virus au sein du groupe France s’est passée avec une opposition avec l’équipe de rugby à VII ; ce qui a entraîné d’ailleurs le forfait de celle-ci au tournoi de Madrid. Or, avec ce variant et son temps d’incubation d’une quinzaine de jours, on se retrouve dans la situation que l’on connaît aujourd’hui. Après, pour le moment, on ne sait pas qui est la poule ou qui est l’œuf de la contamination. L’enquête que nous allons diligenter, et commandée par la ministre nous permettra de faire la lumière.

Alors pourquoi ne pas avoir déclaré les joueurs et l’encadrement du XV de France, cas contacts quand ils étaient en Irlande ?

On a appris le premier cas, celui du joueur de rugby à VII, lorsque l’équipe de France est arrivée à Dublin. Or quand vous êtes cas contacts d’un possible contaminé, vous n’êtes pas contagieux dans les deux ou trois jours qui suivent. D’ailleurs, plus de quinze jours après la rencontre, les Irlandais qui ont affronté la France ne comptent aucun cas, preuve que les Bleus n’étaient pas contaminants lors de leur séjour en Irlande. Je comprends les questions qu’ils se posent en ce moment, vu l’ampleur des cas positifs. Mais croyez-moi, la commission médicale de la FFR et Éric Caumes, l’infectiologue qui nous secondent, sont extrêmement soucieux de ce qui se passe. On pose pas mal de questions et, pour le moment, il n’y a rien de tangible et suspect.

Pourtant le ministère des Sports a demandé des explications et même une enquête ?

Et nous rendrons un rapport le plus rigoureux possible, s’il y a eu faute ou erreur de notre part ou d’un autre, ce sera écrit noir sur blanc.

N’y a-t-il pas eu si ce n’est une erreur mais une forme d’imprudence, notamment par le fait que les joueurs sont testés presque tous les jours donc rassurés d’une certaine manière ? Après la victoire à Dublin, les joueurs ont fêté la victoire par une vraie troisième mi-temps…

Pour ce qui est de cette troisième mi-temps, ils étaient à l’époque tous négatifs et sont restés entre eux. On peut penser que ce n’était peut-être pas forcément la meilleure des choses à faire, mais ils venaient de faire 80 minutes ensemble sur le terrain, bref, ce serait trop facile d’incriminer ce moment-là. Ssur ce que je sais, le protocole qui était solide a été respecté mais n’a pas empêché la vague d’infection et surtout la circulation du virus une fois celui-ci entré dans le groupe. C’est pour cela que nous sommes embêtés pour la suite. Et que nous réfléchissons à le durcir encore s’il peut l’être. On le voit dans le civil, le virus s’est introduit dans toutes les strates des populations. Le président de la République Emmanuel Macron qui a été infecté, est une preuve que, malgré toutes les protections, le risque zéro n’existe pas. Ce n’est pas un problème d’imprudence !

Alors ne fallait-il pas rester à 31 aux entraînements et ne pas inviter les joueurs du VII ou les moins de 20 ans, afin de minimiser les risques ?

Excellente remarque. C’est la question qui se pose pour la suite. Le protocole permettait de passer de 31 à 42 pour les entraînements, sous certaines conditions qui étaient drastiques. Mais ce qui s’est passé, et que nous sommes en train d’analyser, pose clairement la question de nouvelles barrières ; notamment celle de laisser le groupe France s’entraîner seulement dans l’intimité si je puis dire. Il faut regarder dans ce protocole s’il n’y a pas des petits trous dans lesquels le virus s’est introduit et qu’il nous faut combler. L’enquête permettra aussi de le révéler.

Fallait-il s’entraîner collectivement mercredi dernier ? Pourquoi ne pas attendre 24 heures de plus ? Les partenaires d’Atonio n’auraient pas été cas contacts, et le match aurait pu se dérouler ?

Sanitairement, votre remarque peut s’entendre mais je crois que sportivement, ce n’était pas possible. Surtout que l’on sortait d’un huitième et neuvième jour post-premier test positif, sans cas. Donc les organisateurs avaient donné le feu vert pour s’entraîner et même jouer. Vous savez, tout avait été fait convenablement.

Existe-t-il une incertitude sur Angleterre - France ?

Non, il existe une petite incertitude parmi les joueurs qui ont été libérés pour la prochaine journée de championnat mais pour l’Angleterre - France, si les joueurs respectent le protocole, il n’y aura plus de problème.

L’équipe aura-t-elle une petite faiblesse sportive du fait de cette préparation ajournée ?

Ce n’est pas de mon ressort.

Antoine Dupont peut-il postuler pour ce match ?

A priori oui, mais avec ce variant il faut vraiment attendre quatorze jours après les premiers symptômes ou tests positifs pour se dire sorti d’affaire. Dupont est, à mon avis, partant mais le début de semaine sera déterminant.

Quelle est la règle pour qu’un joueur puisse reprendre l’activité ?

Si un joueur a été infecté, il doit être isolé pendant dix jours. à l’issue, il subit un examen cardiaque de contrôle et si celui-ci est satisfaisant, il peut reprendre l’entraînement. Dans le cas où il n’a pas de symptôme, je précise. Et pour ceux véritablement malades, la période passe à quinze jours.

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