Artru : « Je n’ai jamais été un serial marqueur »

Par Pablo Ordas
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Publié le Mis à jour
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Au club depuis 2017, Yohann Artru fait partie des joueurs importants de l’effectif rouge et blanc. Alors que le BO occupe la troisième place du Pro D2, il nous livre son point de vue sur la première partie de saison de son équipe, évoque la double confrontation à venir contre Colomiers et parle de son poste d’ailier…

 

Selon vous, le match contre Montauban est-il le plus abouti du BO cette saison ?

Oui. Nous avons tenu la cadence sur 80 minutes, c’est une première cette année. Les conditions n’étaient vraiment pas faciles, mais nous avons maîtrisé notre sujet de bout en bout. Nous étions contre le vent en première mi-temps et nous l’avons bien géré puisque nous tournons à 14-3 à la pause. La charnière a été incroyable. Nous avons gagné le match de l’occupation que ce soit en première ou en deuxième mi-temps. Devant, ils ont été ultra-dominants notamment sur les ballons portés. Nous n’avons jamais paniqué, même lorsque le score était de 0-0 à la 25ème minute. Nous étions hyper sereins, une chose à laquelle nous n’étions plus trop habitués à domicile. C’est ultra positif pour la suite et c’est clairement notre match le plus abouti que ce soit à domicile ou à l’extérieur.

Est-ce que quelque chose a changé dans l’équipe, permettant d’expliquer ce succès sans trembler ? Les autres matchs à domicile, disputés dans des conditions climatiques similaires, avaient été sacrément laborieux…

C’est sûr que nous avions peut-être un petit blocage par rapport aux conditions. Samedi, nous avons changé un peu l’approche. Le staff a voulu qu’on arrive 4 heures avant le match. Par le passé, nous arrivions au stade 2 heures avant le coup d’envoi. On s’est détendu, on a regardé un peu le Top 14, on était entre nous… C’est peut-être cette approche qui a changé quelque chose. Montauban, c’est une équipe très accrocheuse, comme le Stade Montois. Nous avons su sortir du piège, donc nous sommes très contents. 

Peut-être que votre équipe grandit aussi, tout simplement ?

Oui, c’est aussi une explication. J’espère que c’est la bonne. On va déjà voir jeudi soir ce que ça donne. On essaye de montrer le même visage que ce soit à domicile ou en déplacement. On maîtrise un peu plus nos rencontres à l'extérieur. C’est peut-être aussi dû à notre terrain qui est assez lourd. Notre équipe est plus mobile que costaud. Ce détail peut faire la différence. Désormais, nous allons essayer de garder la même dynamique pour aller batailler à Colomiers afin de ramener quelque chose. 

Vous êtes troisième de Pro D2 à la mi-saison. Jamais le BO, depuis qu’il est descendu de Top 14, n’avait occupé cette place à un moment aussi avancé du championnat. Quel bilan faites-vous de la phase aller ? 

C’est vrai que d’habitude, nous étions plutôt entre la sixième et la septième place. Je pense que dans la continuité de l’an dernier, nous avons eu des renforts de poids, enfin, des renforts énormes à la mi-saison. Notre plan de jeu n’a pas trop changé. L’équipe prend confiance en ses capacités. J’ai l’impression que nous avons franchi un cap à l’extérieur. C’est dommage qu’on ait lâché pas mal de points à domicile, sinon, on serait un tout petit peu plus haut. Nous avons encore beaucoup de choses à travailler pour être au niveau de Perpignan ou Vannes. Là, on s’est hissé au niveau d’Oyonnax ou de Colomiers, qui sortait d’une saison incroyable. Maintenant, c’est à nous de ne pas lâcher, de continuer comme ça. On grandit et c’est de très bon augure pour la suite. 

Le BO a (enfin) trouvé le déclic à l’extérieur. Pourquoi ?

Sincèrement, j’ai du mal à l’expliquer. Quand je suis arrivé au BO en 2017, nous faisions des coups, mais nous n’étions pas réguliers. Là, à part Nevers où nous avons pris une raclée, nous sommes capables de batailler partout. C’est ultra-positif pour un groupe. Nous avons un peu changé notre façon de jouer en déplacement. On essaye de moins s’exposer, on est peut-être un peu plus dominant en défense. L’équipe progresse et on ne va pas bouder notre plaisir. 

Vous n’avez perdu que deux matchs à l’extérieur cette saison. Sentez-vous un changement dans le comportement des équipes qui vous reçoivent ?

Je ne dirais pas ça, mais je pense que nous sommes plus craints et attendus. À une époque, on bataillait pendant 60, 65 minutes et on s’écroulait à la fin. Là, nous sommes capables de rivaliser sur tout un match. Le contexte Covid y joue aussi. Quand nous allons à La Rabine et que ça sonne creux, ça nous permet d’arriver en étant plus détendus, moins stressés. Au-delà de ça, nous sommes plus consistants à l’extérieur et c’est quelque chose qu’on va essayer de continuer à cultiver.

Le hasard du calendrier et les reports font que vous allez affronter à deux reprises Colomiers. Est-ce particulier ?

Ce n’est pas facile, c’est une chose qui n’arrive jamais ! On s’attend à un très gros combat. Colomiers est un concurrent direct à la 3e ou 4e place. On sait que c’est très compliqué de gagner à Bendichou. On a quelques blessés, on va y aller pour batailler et on verra bien ce qu’il en ressort. Il ne faut pas revenir sans rien, sinon, ce sera clairement un échec. 

Vous êtes sur une semaine de préparation très courte. Vous avez joué samedi, vous rejouez jeudi. Est-ce un handicap ?

Là, nous sommes surtout dans la récupération (NDLR : l’entretien a été réalisé mardi). Eux ont joué jeudi dernier, physiquement, j’espère qu’on tiendra le coup. Si on veut assurer notre place au classement et voir un peu plus haut, il faut gagner au moins un des deux matchs. Aujourd’hui, nous avons six points d’avance sur Colomiers. C’est à nous de faire le boulot pour ne pas se faire rattraper. Après Vannes, on nous disait : “Vous avez frappé un grand coup”. Mais regardez, Vannes a gagné avec le bonus offensif à Béziers. Ce championnat n’est jamais fini. 

Artru : « Je n’ai jamais été un serial marqueur »
Artru : « Je n’ai jamais été un serial marqueur » Hugo Pfeiffer / Icon Sport

Une place dans le top 4 est l’objectif annoncé en début de saison. Avez-vous revu vos ambitions à la hausse, dernièrement ?

Non, on aimerait offrir un quart de finale à domicile à nos supporters, à la ville et au club. Ça fait quelques années, qu’on joue la sixième place. Quand on est dans le top 4 ou top 6, l’objectif ultime, c’est la montée. Personne ne le cache. La concurrence est rude, mais c’est excitant. On arrive sur les dix derniers matchs et on va rentrer dans les choses très sérieuses. 

Pensez-vous le BO capable d’accrocher une des deux premières places du championnat ?

Ce n’est plus entre nos mains. On va s’accrocher, on va essayer de gratter des points un peu partout. Ce n’est pas de la langue de bois, mais on ne se projette pas plus que ça. Tout peut aller tellement vite dans ce championnat encore long, qu’il faut faire preuve d’humilité. 

Quand le club a officialisé l'arrivée d’Henry Speight, l’été dernier, avez-vous craint pour votre temps de jeu ?

Je vais répondre sincèrement à votre question. Je n’ai pas trop pensé à ça. Je me suis dit que c’était une superbe opportunité de progresser avec un mec qui a joué une Coupe du Monde et qu’on regardait au Super Rugby à la télé. Je me suis dit que j’allais beaucoup apprendre de lui. Ce qui est bien, c’est que les mecs ne sont pas venus en vacances. Ils sont là pour transmettre, partager, aider. Le staff l’a mis à l’arrière au début, j’ai pu évoluer à ses côtés. Il va bientôt revenir de blessure, on verra alors pour mon temps de jeu. Pour l’instant, ça se passe plutôt bien, mais je ne me prends pas la tête pour ça. Le meilleur jouera et il n’y aura jamais de soucis avec ces choix-là. 

Vous avez disputé tous les matchs en début de saison, puis on ne vous a plus vu pendant un mois et demi, entre octobre et novembre. Pourquoi ?

Il y a eu l’épisode Covid et j’ai chopé le virus. J’ai un peu chargé, j’ai perdu pas mal de kilos et j’étais assez faible. J’ai vécu trois jours compliqués. Il m’a fallu un peu de temps pour me retaper. J’ai eu besoin d’un gros mois pour me remettre au niveau. J’ai eu du mal, quand même. Mon retour a ensuite concordé avec les blessures de Gavin Stark et Henry Speight. J’ai donc pu enchaîner derrière.

Vous n’avez pas encore marqué d’essai cette saison. Est-ce que cela vous tracasse ? 

Je savais que vous alliez me poser la question (rires). Oui et non. C’est vrai que ce n’est pas une situation idéale, pour un ailier, de jouer autant et de marquer si peu. Maintenant, je ne me prends pas la tête. Je suis plus groupe, qu’individuel. Si je peux être impliqué sur des essais comme ce week-end, ce n’est pas grave. Samedi, Jalagonia a marqué et ça me va ! Après, c’est sûr que j’aimerais bien marquer quelques essais. À Grenoble, on m’en a refusé un. J’espère que ça viendra. Je ne perds pas la confiance de mes entraîneurs, donc tant que ça ne rentre pas en jeu, ça va ! 

Est-ce que c’est dur pour un ailier de ne pas marquer ? 

On peut faire la comparaison avec un attaquant qui n’inscrit pas de but. J’aimerais marquer plus. Ce fut le cas lors de ma première saison ici. Là, ça fait deux ans que je marque moins, voire pas beaucoup. C’est comme ça, je me dis que ça va peut-être un peu tourner, ou alors il faut que je provoque un peu plus, tout en restant dans le cadre qu’on nous fixe. Il reste dix matchs, je me doute que je ne les jouerai pas tous, mais il va falloir que je trie plus les ballons pour essayer que ça vienne. 

Un ailier qui ne marque pas perd-il confiance ?

J’ai l’impression que je suis un peu la preuve que non. L’an dernier, je n’ai inscrit que trois essais et j’avais pourtant de très bonnes statistiques au niveau des franchissements et des défenseurs battus. Certains peuvent perdre confiance, ce n’est pas mon cas. Que ce soit à Montpellier ou Perpignan, je n’ai jamais été un serial marqueur. Pour l’instant, on me fait confiance. On ne me met pas la pression sur ça et tant que l’équipe gagne, c’est le plus important. 

Aviez-vous des modèles, plus jeune ?

J’ai commencé le rugby avec Dominici et l’époque de la Coupe du Monde 1999. Mais ma vraie idole rugbystique, c’était Christian Cullen. Je me suis carrément inspiré de lui. C’est un joueur que j’adorais, il m’a fait rêver.

On vous voit souvent repiquer vers le centre du terrain, pour trouver des brèches. Auriez-vous pu jouer second centre, dans une autre vie ?

Dans une autre vie, oui, j’aurais aimé jouer deuxième centre. Je peux dépanner à ce poste, mais physiquement si tu tombes sur un mec comme Francis Saili, ça me paraît un peu compliqué pour moi de rivaliser. Sinon, j’adore jouer à l’arrière parce que je suis très relanceur. Ce sont les deux seuls postes qui m'attirent. La charnière ? Il y a trop de pression. 

Perpignan, votre ancien club, occupe la tête du championnat. Est-ce à vos yeux le gros favori pour la montée ? 

Oui. Ils ont un groupe qui a connu la montée il y a deux ans. Ils ont su prendre des mecs qui apportent clairement une plus-value comme Faasalele, de la Fuente, Volavola. Je pense qu’ils ont un petit avantage, car ils sont partis pour recevoir une demi-finale et ils sont quasi imprenables à domicile. Mais avec la formule de maintenant, être premier en fin de saison n’assure pas la montée.  

Montpellier, où vous avez été formé, est avant-dernier de Top 14. Pensez-vous le MHR capable de s’en sortir ?

Je l’espère pour ce club que j’ai adoré. Ils sont dans une situation compliquée. Sur des matchs couperets, quand la confiance fuit, ça ne se joue pas à grand-chose. Ils vont devoir trouver des solutions et avec l’équipe qu’ils ont, je pense qu’ils en sont capables.

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