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Béziers, un été de tourments pour Dominici

Par Léo FAURE (avec Marc DUZAN)
  • Christophe Dominici.
    Christophe Dominici. Anthony Dibon / Icon Sport
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Christophe Dominici avait fait l’actualité du rugby français, tout l’été, en première ligne d’un rachat de l’AS Béziers par des investisseurs prétendument émiratis et qu’il représentait. Le feuilleton, d’abord romanesque, avait viré au fiasco. Et "Domi", qui s’y était engagé en toute sa sincérité, avait accusé le coup.

Cela faisait quelques semaines, déjà, qu’un bruit printanier courrait sur la chaude côte héraultaise : des investisseurs, des Emiratis même, s’intéresseraient à la reprise du club de Béziers. Et le nom de Dominici, déjà, gravitait autour de ce projet. On l’avait appelé. Il avait nié. Quelques jours plus tard, quand la rumeur ne désenflait pas et qu’elle se transformait doucement en information, au gré des éléments factuels recoupés, "Domi" avait rappelé. "Bon, OK, je vais tout vous expliquer. Passez chez moi, on fait une interview." C’est ainsi que, le vendredi 14 mai de cette année, trois jours après la levée du premier confinement, Midi Olympique ouvrait ce qui allait devenir le "feuilleton Béziers".

Enthousiaste à l’excès, puisqu’il ne savait pas faire autrement, Dominici présentait alors un projet ambitieux, pharaonique. Un peu fou, avec le recul. "Je peux comprendre que tout ça fasse peur", admettait l’ancien ailier, devant la masse des questions qui restaient en suspens et jetaient autant de doutes sur le dossier. "Mais j’ai confiance. Si Docteur Wild (propriétaire du Stade français, N.D.L.R.) peut faire vivre dix générations derrière lui, mon ami peut faire vivre cent générations derrière lui. Mais il veut vibrer, s’engager, faire plaisir et donner du rêve…".

Du Scorsese à Béziers

La liste des noms qui s’agrégeaient au "projet Dominici" ne finirait plus de grossir, tous plus prestigieux les uns que les autres. Juan Hernandez, Rodrigo Roncero, Michael Cheika, Dan Biggar, Courtney Lawes, Ma’a Nonu, Lima Sopoaga, Marika Koroibete, Semesa Rokoduguni, Matias Alemanno… Du trop lourd ? Face à l’incrédulité générale, Dominici affirmait encore : "nous voulons faire de Béziers le plus grand club d’Europe." Un projet qui n’a finalement jamais abouti.

Pour quelles raisons ? Elles sont sûrement multiples, dans un feuilleton passionnément romanesque où ont été évoqués tour à tour un contre-projet toulousain, des tractations en mairie, des factures et des audits douteux, des réunions entre avocats et ancien ministre dans des palaces parisiens, un informateur anonyme, des entreprises écran en Allemagne et la suspicion de faux bancaires en Chine.

C’était du grand Scorsese à Béziers et au gré des rebonds, Christophe Dominici prenait des coups. Ses interventions dans les médias, parfois mal maîtrisées, lui ont valu des retours de bâtons. Fallait-il encore lui tendre le micro ? Il était au cœur du dossier, après tout. Avant d’en être écarté. "Christophe a besoin de repos et ce dossier a besoin de calme. Pour l’instant, il est écarté des négociations. C’est pour le bien de tous" jurait son entourage. "Il reviendra aux affaires quand tout sera réglé, entre avocats." L’affaire ne s’est jamais réglée et Dominici n’est jamais réapparu.

L’inquiétude avait alors gagné son entourage. "Il faut qu’il se protège. Christophe est un passionné et un impulsif, il est parti à fond dans ce projet, tête baissée. J’espère qu’il n’est pas manipulé…" Éprouvé par cette affaire, en laquelle il croyait de toute sa sincérité et qui avait fini par virer à la farce, l’ancien ailier du XV de France avait dû en passer par un séjour au calme, dans une maison de repos des Yvelines, mi-août.

"Prévenez Monsieur Dominici : il pourrait se faire dépouiller"

Un peu plus tard dans le mois d’août, un informateur secret et qui ne déclina pas plus d’identité que "John Doe" (nom attribué par défaut aux personnes non-identifiées, dans l’administration anglo-saxonne), donnait l’alerte dans les rédactions, documents officiels à l’appui et transmis par mail. L’objet : Samir Ben Romdhane et ses sociétés.

Au bout du fil, un accent anglais prononcé malgré l’utilisation impeccable de la langue française : "Comme d’autres qui travaillent dans le pétrole, j’ai croisé la route de Monsieur Ben Romdhane. Je peux vous dire que toute cette histoire autour du rachat de Béziers nous fait bien rire, depuis deux mois." Le mal nommé John Doe affirmait alors que "l’homme dont vous parlez n’est pas Émirati. C’est un Franco-Tunisien." Il mettait surtout en garde, le concernant. "Ce qui l’intéresse, c’est de racheter le club pour un euro symbolique en promettant qu’il vient pour le sauver. Il vend du rêve mais le risque, c’est qu’il vide les comptes bancaires sur lesquels il reste de l’argent. Et prévenez Monsieur Dominici, si vous êtes en contact avec lui : il va investir de son argent personnel et pourrait se faire dépouiller." L’informateur secret avait raccroché et Christophe Dominici n’avait plus jamais répondu à nos appels. Même ceux amicaux, pour prendre des nouvelles.

Par son entourage, il s’était su qu’il avait d’abord rebondi, début septembre, pour repartir au combat et faire aboutir ce projet biterrois dont il ne voulait pas voir la chimère. Puis, comprenant qu’il avait sûrement été dupé, il avait accusé le coup. Reclus dans la chic banlieue du sud-ouest parisien, Dominici mettait soudain son téléphone en silencieux. Trop seul, lui qui souhaitait plus que tout retrouver l’adrénaline d’une aventure collective.

Seuls ses amis les plus proches, ceux du premier cercle mi-RCT, mi-Stade français, avaient encore les faveurs de ses nouvelles. Cette discrétion s’est finalement rompue de la plus triste des manières, ce mardi.

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