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Portrait de Grégory Alldritt, élevé en plein Gers

  • Gregory ALLDRITT.
    Gregory ALLDRITT. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Le rochelais a été élu à trois reprises homme du match lors du tournoi des 6 Nations et il était en lice pour être désigné meilleur joueur de la compétition. Les entraîneurs qui l’ont formé évoquent le parcours exceptionnel de l’actuel rochelais. 

Il les a tous bluffés. Grégory Alldritt s’est imposé comme un cadre de l’équipe de France. Le troisième ligne centre, qui compte seulement dix-sept sélections, a enchaîné les prestations de très haut niveau, s’adjugeant à trois reprises le titre honorifique d’homme du match. Une ascension qui n’a pas échappé à ses premiers coachs, ceux qui l’ont entraîné à Auch, notamment, car l’actuel Rochelais n’a jamais coupé les ponts avec son Gers natal et le club du FCAG, devenu, depuis, RCA.
C’est tout simplement impossible pour le Rochelais qui croise tous les jours Grégory Patat, l’entraîneur des avants maritimes.

Aujourd’hui, installé sur un banc de Top 14, l’ancien numéro huit auscitain avait déjà entraîné Grégory Alldritt avant de se retrouver à La Rochelle. C’était en benjamin à Auch. « En moins de 13 ans, il était déjà dominant rugbystiquement, physiquement mais aussi en termes de leadership, se souvient Patat. « Il parlait beaucoup, donnait des conseils aux autres. Il était très altruiste, et pas seulement centré sur son jeu. »

Jean-Marc Bédèrede l’a ensuite accueilli chez les Crabos du FCA et quelques années plus tard en équipe de France. Il était là aussi difficile d’oublier ses jeunes années gersoises : « Quand il arrive en Crabos, je ne peux pas savoir qu’il sera international. Ça serait mentir de dire que l’on voyait tout son potentiel. À l’époque, on a un garçon avec des grosses qualités pour rester debout et avancer aux contacts. Il est très puissant. Il est déjà déterminé mais il a surtout plaisir à jouer à ce jeu avec les copains. Ça se sent qu’il aime ce sport. Il est donc très investi aux entraînements et lors des matchs. Mais j’étais déjà impliqué dans les équipes de haut niveau chez les jeunes et par rapport à ce niveau-là, il avait beaucoup de travail à faire sur sa mobilité et son explosivité. »

L’ancien entraîneur de la défense du XV de France avoue que le jeune Grégory Alldritt l’avait impressionné pendant ses années Crabos : « Il a pu jouer au meilleur niveau de sa catégorie. Il s’est aperçu qu’il pouvait rivaliser. Il n’a cessé de progresser tout au long de l’année. Avec le recul, sa puissance était un énorme point fort, en plus de sa détermination et de son environnement familial très équilibré. »

« Il a besoin de sentir autour de lui des fortes relations humaines pour s’exprimer pleinement. » Grégory PATAT
Son entraîneur à La Rochelle

Il a aussi la chance d’évoluer dans un club où les talents sont nombreux chez les jeunes à cette époque-là. La saison d’avant, les Crabos, emmenés par Antoine Dupont et Anthony Jelonch se sont hissés en finale du championnat de France. La génération de Grégory Alldritt et Pierre Bourgarit, pour ne citer qu’eux, terminera son épopée en demi-finale. « L’effervescence entre tous ces garçons a été bénéfique. C’est un environnement qui leur a permis de se révéler. »

Une pépinière de futurs internationaux qui était alors orchestrée par Julien Sarraute, alors directeur du centre de formation auscitain avant de devenir l’actuel manager de Colomiers : « Nous leur avons seulement mis en place un écosystème favorable mais ce sont eux qui se sont donné les moyens de jouer au plus haut niveau. Il y avait surtout une atmosphère, une détermination commune qui a permis à ceux qui présentaient le plus de compétences d’évoluer au plus haut niveau. Ce sont des joueurs qui se sont donné les moyens de réussir. On ne leur a rien donné mais ils ont tout prix. C’est ça qui est beau dans leur histoire. Ils n’étaient pas destinés à ça et ils se sont battus pour atteindre leurs rêves. »

Quand Grégory Alldritt débarque au centre de formation, Julien Sarraute n’est pas non plus très surpris : « Il a eu une progression exceptionnelle, exponentielle. C’était un joueur majeur au sein de ses équipes mais il avait beaucoup de choses à travailler. Son expérience de judoka lui a toujours permis d’être performant dans le jeu au contact, et dans sa capacité à gagner tous ses duels. Il était surtout passionné de rugby et présentait des compétences en matière de leadership. C’est une tête bien faite. J’avais déjà eu les grands frères, dont Scott au centre de formation. Il avait aussi des super caractéristiques mais il est parti sur le métier d’ingénieur car les études sont très importantes chez les Alldritt. Scott avait aussi ce leadership donc je pense que c’est un trait de caractère familial. » Grégory Alldritt est en école d’ingénieur à Toulouse quand il se retrouve chez les seniors à Auch.

Il trouve alors Grégory Menkarska, qui effectue ses premiers pas d’entraîneurs avec l’équipe B : « On m’avait dit qu’il était capitaine l’année d’avant. Je vois un mec intelligent mais pas très volubile. Après les quatre-vingts premières minutes, il m’avait bluffé. Il arrive sur la pointe des pieds, mais après deux mois, tu te rends compte que c’est le leader de ton équipe. Et pourtant, ce n’est pas le mec qui attire le regard par sa personnalité ou son gabarit. C’était ma première expérience d’entraîneur. Maintenant, avec le recul, tu comprends qu’avoir des mecs intelligents ça fait 50 % du boulot. J’ai eu la chance de commencer avec Grégory et sa génération. Ils m’ont fait aimer l’entraînement car c’était loin d’être une vocation. Après je n’ai jamais dit qu’il serait un jour international ou même un des meilleurs huit du monde mais je ne suis pas plus surpris que ça au regard de son parcours, de sa philosophie et de comment il s’est construit. »
 

« à 19 ans il gagnait déjà des collisions  »


La mort du FC Auch-Gers à l’été 2017 a précipité alors la fin de l’histoire gersoise. Le Stade toulousain avait bien essayé d’attirer le troisième ligne alors étudiant dans la ville rose. Il a finalement retrouvé Grégory Patat à La Rochelle : « Je gardais un œil sur lui depuis toujours et sur d’autres joueurs de sa génération. Quand le club d’Auch s’est effondré, je l’ai alors présenté à Patrice Collazo car le projet rochelais, tourné vers les jeunes, me paraissait intéressant pour lui. Il venait pour être numéro trois dans la hiérarchie et il y avait encore à faire un travail technique au niveau de la passe et du plaquage aux jambes mais, ballon en main, il avait des prédispositions pour le haut niveau. À seulement 19 ans, il avait déjà affronté des seniors en Fédérale 1 et il gagnait déjà les collisions. »

C’est pourtant son compère auscitain Pierre Bourgarit qui se révèle en premier sous le maillot rochelais : « Il a fallu lui dire qu’il manquait des choses au niveau des courses car même en Espoir, il sortait à la 60e minute. Il faisait d’excellentes prestations dans son registre mais il ne finissait pas un match. Il a fallu qu’il comprenne que ça passait par un gros travail physique car le reste il savait faire. Au début à La Rochelle, il faisait 60 minutes, puis à ses débuts en équipe de France, il faisait 50 ou 60 minutes. À partir du moment où il a pu encaisser les 80 minutes, c’est devenu un joueur cadre, de par son poste, sa personnalité et ses performances, il a acquis ce statut. Il ne parle pas beaucoup mais à l’intérieur d’un groupe, quand ça parle rugby, il donne son avis et c’est un bon relais pour les coachs. Il a une vraie sensibilité managériale je trouve. Il connaît les mecs, sait sur quoi s’appuyer, il a une vraie réflexion sur la stratégie d’équipe, sur son rugby. C’est quelqu’un de brillant et d’intelligent, il s’interroge et met du sens à ce qu’il fait. »
 

« Il a constamment progressé  »


Une évolution que Jean-Marc Bédèréde a pu constater chez les Bleus où son ancien protégé chez les Crabos d’Auch est devenu titulaire lors de la dernière Coupe du monde au Japon, avant de s’imposer comme incontestable depuis la prise de fonction de Fabien Galthié :

« Je suis impressionné par sa progression entre le moment où il est arrivé chez les Bleus et maintenant. Il a aujourd’hui une grosse présence et une réelle capacité à bonifier tous les ballons qu’il touche. Certainement que la connexion avec Antoine Dupont l’a aidé sur la confiance qu’ils ont entre eux. Ils avaient déjà un vécu, une expérience et un socle commun depuis Auch. La connexion avait déjà existé et elle s’est donc fait plus vite à ce niveau-là. Sa progression, bien que linéaire jusqu’à son explosion, a été frappante et fulgurante. Il s’est fait un corps qui lui permet d’exister à ce niveau-là, pour supporter les impacts et étendre son rayon d’action. Son nombre de plaquages démontre qu’il s’est donné les moyens. Il n’a pas un physique monstrueux mais il a des qualités physiques hors norme. C’est ça qui lui permet d’être aussi performant. Il a su devenir encore plus fort sur ses points forts, c’est exceptionnel. Maintenant l’enjeu est de faire encore mieux car et je n’imagine pas de limite pour lui. Maintenant, son statut va changer, il va être considéré différemment par les médias et son environnement va changer. Il faudra voir quel impact cela aura sur lui mais s’il reste dans le même état d’esprit et tel qu’il est, il peut encore faire des grandes choses. Jusqu’à maintenant, sans faire trop de bruit, sans être tape à l’œil, il a constamment progressé. »

Un changement de statut qui ne devrait pas faire tourner la tête de Grégory Alldritt pour ses anciens entraîneurs. « Faire des études d’ingénieurs et un centre de formation en parallèle, ce n’est pas à la portée de n’importe qui, assure Julien Sarraute. Il faut avoir la tête sur les épaules et être super organisé. » Même sentiment chez Grégory Patat qui n’a pas vu de changement chez lui : « On sent que le club France s’est ouvert. Il y a de la joie et des affinités sont en train de se créer. Le rugby est avant tout une histoire d’hommes, et grâce à sa famille qui a beaucoup voyagé, il a cette capacité à s’adapter dans tous les groupes. C’est un Gersois, et cette identité ressort, il a besoin de sentir autour de lui des fortes relations humaines pour s’exprimer pleinement. »

Le danger de se prendre pour quelqu’un d’autre n’existe pas pour Grégory Menkarska : « Après la victoire contre l’Irlande j’avais un appel manqué à 5 heures 12. Il a gardé cette simplicité et il me réconcilie avec l’image du rugby pro. Je suis fier de cette génération que nous avons eue à Auch. Ils me font aimer un rugby où je ne me suis pas trop identifié. Cette génération a été faite dans le même moule, avec le même sens du respect, la même humilité. Maintenant, ça me fait quand même bizarre de voir sa tête sur le fond d’écran de téléphone de mon fils. »

Digest...

Né le : 23 mars 1997 à Toulouse
Mensurations : 1,91m , 115 kg. Poste : troisième ligne
Clubs successifs : Condom, Auch, La Rochelle
Sélections nationales : 17, en équipe de France
1er match en sélection  : à Saint-Denis, le 1er février 2009, France - Pays de Galles (19-24). Points en sélection : 20  (4 essais). 

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