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Masoe : « Virimi Vakatawa est le meilleur centre du monde »

  • Chris Masoe avant une rencontre de Champions Cup
    Chris Masoe avant une rencontre de Champions Cup Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Écarté par le Racing fin mai, après trois années comme joueur et deux comme entraîneur, il intervient actuellement du côté de Carcassonne, comme consultant. L’occasion d’évoquer avec lui son actualité mais aussi les finales de Toulon et du Racing, deux de ses anciens clubs.

Que devenez-vous, Chris ?
Après mon départ du Racing, au printemps, j’ai connu une période difficile. Je ne m’y attendais pas forcément et c’était un peu brutal, qui plus est dans une période particulière où les staffs étaient déjà constitués et avec la covid-19 qui chamboulait tous les équilibres. Et puis, j’ai reçu un coup de fil de mon ami Christian Labit…

Pour vous proposer de venir entraîner à Carcassonne ?
Non, je ne suis pas entraîneur. Je n’ai rien signé avec l’USC, je ne suis pas formellement engagé avec le club. C’était plutôt la main tendue d’un ami. Il savait que je n’étais plus sous contrat avec le Racing, que j’étais à la recherche d’un nouveau défi et il m’a contacté pour que je vienne lui filer un coup de main. J’interviens simplement comme consultant extérieur.

Dans quel secteur ?
Je travaille sur tout ce qui touche aux zones de rucks, que ce soit défensivement ou offensivement. Tout ce qui concerne la circulation des joueurs, pour l’aspect collectif, et ce qui concerne les attitudes au contact pour le volet individuel. On touche beaucoup à la technique du joueur, c’est très intéressant. Même si le contexte sanitaire complique tout.

Pourquoi ?
On travaille sans cesse dans l’adaptation. On planifie des séances qui n’ont pas lieu. Pas plus tard que ce matin (entretien réalisé mercredi, N.D.L.R.), notre entraînement a été annulé. À l’inverse, parfois, des créneaux s’ouvrent et il faut vite être opérationnel, sans trop de programmation. C’est à la fois déstabilisant mais aussi riche d’enseignements, sur les mentalités des joueurs.

C’est à dire ?
C’est toujours le cas dans les périodes de difficultés et, plus globalement, de changement. Quand tout roule, que tout est facile, les caractères ne se révèlent pas forcément. En revanche, quand vous êtes bousculé dans vos habitudes ou vos certitudes, c’est alors que le caractère s’exprime. Pour le management, c’est très instructif. Vous voyez les forces et les faiblesses mentales des joueurs. Vous voyez des leaders émerger, d’autres profils plus suiveurs. Il y a plein de choses à en tirer.

Pourquoi ne pas être renté en Nouvelle-Zélande, quand le Racing vous a écarté de son staff ?
C’est une logique de prendre et de donner. Sur les deux aspects, je n’avais pas fini mon aventure en Europe et en France. J’ai joué dix ans ici et je considère que j’ai encore des choses à rendre à ce pays qui m’a tant apporté. De l’autre côté, je suis encore un jeune entraîneur et mon apprentissage ne fait que débuter. Je l’ai commencé au Racing, où je n’ai pas pu le poursuivre. Mais j’ai envie de continuer le processus ailleurs. Sur le rugby en Europe, la manière de faire ici, sa structuration, son approche, sur les méthodes d’entraînement, j’ai encore à apprendre. Et donc à prendre.

Regrettez-vous la fin de votre aventure au Racing ?
Non, il n’y a pas de regrets à avoir. Je n’ai pas tout compris mais je ne suis pas quelqu’un qui vit dans le regret. C’est comme ça, je l’accepte et j’avance. J’ai beaucoup appris au Racing. J’espère que ce club aura aussi un peu appris de moi…

Concrètement : le Racing vous a-t-il écarté pour faire de la place à Dimitri Szarzewski dans le staff ?
(rires) Je ne sais pas et je ne veux pas le savoir. Mais je ne crois pas. Je pense qu’il s’agissait surtout d’une question financière, avec la période troublée par le contexte sanitaire et le besoin pour le club de faire des économies. C’est tombé sur moi, voilà tout. Il n’y a pas de rancœur à avoir. Je continue de regarder leurs matchs avec plaisir. Ils jouent ce week-end en finale de Coupe d’Europe et je serai leur premier supporter.

Justement, cette finale : les Racingmen sont-ils favoris ?
J’imagine, oui. Ne serait-ce que par leur vécu. C’est une équipe qui va jouer sa troisième finale en cinq ans. Ils ont cette expérience, ils sont préparés pour être présents à ce rendez-vous capital. Ils ont aussi un effectif taillé pour aller au bout. À l’inverse, Exeter ne connaît pas ce contexte et cette pression. Oui, le Racing est favori. Il ne peut pas y avoir d’autre analyse. Ce qui ne garantit toutefois pas la victoire.

Laurent Travers et Chris Masoe durant un échauffement.
Laurent Travers et Chris Masoe durant un échauffement. Icon Sport

Que pouvez-vous nous dire d’Exeter ?
Une équipe construite avec justesse et patience vers un objectif pourtant ambitieux. Mais ils ont pris le temps de l’atteindre. Ils arrivent de loin, de la seconde division anglaise et ils se sont construits de façon régulière, pierre après pierre. Cette construction lente et réfléchie leur permet de disposer d’un collectif très fort. Il y a des joueurs majeurs dans leur équipe, bien sûr, mais c’est cette confiance collective qui m’impressionne chez eux. Ils dégagent une croyance immense en leur rugby. Mais dans les temps faibles, ils maintiennent le cap et ne remettent pas tout en cause. Ils seront de très sérieux adversaires pour le Racing. Quoiqu’il arrive, le vainqueur fera un beau champion.

Vous étiez au Racing pour les deux premières finales, joueur puis entraîneur : qu’avait-il manqué, à l’époque ?
De la constance. Lors de la première finale, nous découvrions ce niveau de pression et nous sommes tombés sur une grande équipe des Saracens, dont on connaît désormais l’hégémonie qui débutait alors. De notre côté, plusieurs joueurs clés manquaient dont Dan Carter, qui s’était blessé à l’échauffement et qui n’a pu jouer qu’une mi-temps, diminué. Une finale se joue sur des détails. C’est bête à dire mais c’est vrai. La perte de Dan, c’était un gros détail. Ensuite, en finale, il faut être très fort sur les choses les plus simples. Ce jour-là, les Saracens avaient été excellents sur les choses basiques (victoire 21-9). Bravo à eux. De notre côté, nous avions perdu mais nous avions aussi beaucoup appris.

Votre retour en finale, deux ans plus tard (2018) n’a pas non plus été couronné de succès avec une défaite face au Leinster (15-12)…
Nous étions tout de même plus proches. De notre première défaite, nous avions appris. Nous avions gommé pas mal d’erreurs mais il en restait encore trop. En finale, une erreur, c’est toujours une de trop. En France, vous dites souvent que les finales ne se jouent pas mais qu’elles se gagnent. Je crois personnellement qu’elles se prennent. Il faut les prendre, aller les chercher, saisir les opportunités qui se présentent et ne pas en laisser à l’adversaire. En 2018, tout bascule sur une erreur de notre part, peut-être deux. C’est peu mais c’est crucial. Le Leinster a su saisir ces opportunités, il a pris sa finale et son titre.

Quel joueur actuel du Racing vous impressionne le plus ?
Question difficile. Il y a plein de jeunes joueurs qui émergent dans cette équipe et qui me plaisent. Mais je retiendrai tout de même Virimi Vakatawa et Finn Russell.

Deux trois-quarts ? C’est étonnant pour un avant…
Ce sont des joueurs fabuleux et centraux dans le jeu du Racing. Finn a du génie en lui. À tout instant, il peut débloquer un match seul, sur une inspiration individuelle dont il a le secret. Quant à Virimi, c’est tout de même un sacré phénomène. Le meilleur centre du monde, je pense, actuellement.

À ce point ?
Qui d’autre ? Quand il joue bien, l’équipe joue bien. Les joueurs capables de changer seuls la face d’une équipe et d’un match sont rares. Il est aussi irréprochable en dehors du terrain : il est calme, humble, travailleur. Il est tout en haut, il a tout. Oui, je pense que Virimi est actuellement le meilleur centre au monde.

Toulon joue aussi une finale. Vos deux « ex » sontsurla piste de danse ce week-end !
Oui, ça fait deux clubs pour moi ! (rires) En vrai, ce n’est pas très important. Je suis heureux d’avoir pu jouer pour ces deuxgrands clubs mais le plus important, c’est la dynamique que cela donne au rugby français. Deux équipes en finale européenne, cela doit participer à intéresser des enfants, à les faire regarder ce sport et peut-être, demain, venir le pratiquer. La finalité d’un titre est là. Ce n’est pas une ligne au palmarès. En Nouvelle-Zélande, tous les enfants veulent devenir des All Blacks parce qu’ils les voient presque toujours gagner. Cela crée une attraction. C’est pour cela que le rugby français doit être fier de voir deux de ses clubs en finale. Ce n’est pas l’excitation de Chris Masoe qui comptera ce week-end, ce sont les vocations que cela va engendrer chez les plus jeunes.

C’est un RCT nouveau, moins axé sur les stars, plus tourné vers les jeunes du centre de formation. Fallait-il absolument « tuer » la méthode Mourad Boudjellal et partir sur un projet totalement différent ?
Les deux sont liés, c’est l’illustration de ce que je viens de vous dire. Oui, on voit désormais des jeunes issus de l’académie toulonnaise qui prennent la main sur cette équipe et s’épanouissent dans ce club. Des jeunes plein de talents. Mais s’ils sont là, à ce niveau de compétition, c’est aussi parce que Mourad a remis Toulon au centre de la carte du rugby en Europe. Ces jeunes ont grandi avec le Toulon de l’époque de Mourad et tous ces grands joueurs, à tous les postes. C’est ce qui les a fait rêver et ce qui les a poussés à vouloir porter ce maillot. La finalité de ce que nous avons construit à notre époque, à Toulon, elle est là. Ça et les amitiés qu’on a créées entre nous. Pas les lignes au CV.

Au quotidien, Mourad était-il facile à vivre pour un joueur ?
C’était un personnage, souvent excessif mais auquel je ne reprocherai jamais rien. Il mettait de son argent, de son temps et de son énergie personnels. Bien sûr que sa passion était parfois débordante, dans les deux sens. Il pouvait être très froid un jour, très chaleureux le lendemain. Cela a pu lui faire commettre des erreurs mais qui n’en fait pas, à part ceux qui ne font rien ? Lui, il a beaucoup fait. Il y avait des bons et des mauvais côtés, des bonnes et des mauvaises décisions. Mais il l’a toujours fait avec tout son cœur et toute son énergie.

Au final, vous aurez passé quatre ans à Castres, trois ans à Toulon et cinq ans au Racing : quel club français vous aura le plus marqué ?
Vous ne pouvez pas me faire ça ! C’est horrible comme question ! Je dois vraiment y répondre ?

Si possible…
Ce sont trois clubs vraiment différents. Trois mentalités, trois identités opposées. Mais je n’oublierai jamais que tout a commencé à Castres. C’est un club si spécial pour moi… J’ai débarqué au CO directement de Nouvelle-Zélande. J’étais un All black, très exposé et j’ai découvert un club très accueillant, chaleureux, familial et humble. Ce sont des valeurs qu’il cultive. Si le rugby est bien un jeu de solidarité et d’amitiés, comme je le pense, alors j’ai vécu à Castres mes plus belles années de rugby. Toulon, c’était merveilleux aussi mais c’était autre chose.

Chris Masoe avec Castres face à Toulon.
Chris Masoe avec Castres face à Toulon.

Dans quel sens ?
J’ai eu l’honneur d’y côtoyer tant de légendes de ce sport ! Quand j’y repense, cette équipe, c’était dingue. C’était un peu les Barbarians : des stars partout, à tous les postes et d’un seul coup, une histoire qui se crée. Nous étions en mission : amasser le plus de titres possible. Mais ce n’est pas en empilant des stars que vous y parvenez. Cette mission, nous nous la sommes appropriée. Nous avons créé une histoire unique, entre nous. Au final, il en reste des souvenirs merveilleux et des amitiés à vie.

Et le Racing ?
L’aventure sportive était belle mais je retiendrai surtout le sens d’une carrière. Ce club m’a permis de boucler la boucle de mon voyage sur les terrains de rugby. J’ai débuté en Nouvelle-Zélande en affrontant des mecs comme Dan Carter, Joe Rokocoko ou Casey Laulala. Ensuite, nous avons partagé le maillot des All Blacks puis nous nous sommes perdus de vue, pendant plusieurs années. Et nous nous sommes retrouvés sous les couleurs du Racing. Nous avons conclu ensemble ce long voyage. L’histoire est belle, avec un titre à la clé. Cette fin heureuse, aux côtés de mes amis, c’est au Racing que je la dois.
 

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