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Fin du (Rob)show

  • Chris Robshaw aura fait toute sa carrière anglaise aux Quins. Chris Robshaw aura fait toute sa carrière anglaise aux Quins.
    Chris Robshaw aura fait toute sa carrière anglaise aux Quins. Actionplus / Icon Sport - Actionplus / Icon Sport
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Après seize saisons, le flanker, Chris Robshaw, a disputé son ultime rencontre avec les Harlequins dimanche à Leicester, cinq jours après de bien tristes adieux à domicile dans un Stoop complètement vide. Une sortie qui ne fut pas à la hauteur de l’homme, du joueur et du capitaine, qui a essuyé pas mal de coups durant sa riche carrière. Laquelle se poursuivra l’année prochaine du côté de San Diego, aux États-Unis.

Dire que Chris Robshaw n’a pas eu la sortie qu’il méritait avec son club des Harlequins tient du doux euphémisme. Ce véritable monument vivant du club de la banlieue de Londres a disputé dimanche, à Leicester, son 300e match avec les Quins, qui aura été son seul et unique club en Angleterre. Mais il n’aura même pas eu droit à de vrais adieux, mardi dernier, au Stoop de Twickenham, pour la venue des Wasps. Crise sanitaire oblige, le stade était complètement vide. Et pour ne rien arranger, son équipe a perdu face au rouleau compresseur de Coventry (32-23). Bref, une sale soirée pour l’enfant du club qui, au terme de la rencontre, ne cachait pas son émotion : "Je suis ému, oui. Jouer mon dernier match au Stoop sans avoir la possibilité de partager ce moment avec les supporters me rend triste. Dans le sport, on ne vit pas toujours les contes de fées dont on rêve. J’ai adoré toutes ces années mais Dieu sait qu’elles ont passé vite. En un clin d’œil, vous passez d’être un môme de 17 ans qui porte un maillot trop grand pour lui à… plus rien, dix-sept ans après."

Pour un gamin qui a toujours supporté ce club et qui en est devenu le capitaine, il n’y a rien de plus précieux que d’avoir soulevé son seul et unique titre national

Voilà pour la façade. Mais l’histoire cachée de la fin de son histoire avec les Quins est tout aussi douloureuse. À 33 ans et avec la concurrence montante des jeunes flankers du club, Robshaw savait que, malgré son statut de leader et son pedigree, il n’était plus la priorité du nouveau manager Paul Gustard. Ce dernier avait prolongé, en décembre dernier, la nouvelle pépite anglaise, le troisième ligne Alex Dombrandt (23 ans et auteur d’un doublé face aux Wasps), ainsi que le puissant centre sud-africain André Esterhuizen (26 ans). Après avoir cassé sa tirelire pour ces deux joueurs, Gustard a proposé un accord sans concession à Robshaw : soit il acceptait une baisse conséquente de son salaire - estimé à 360 000 € par an - et prolongeait d’un an, soit il allait voir ailleurs. Après de longs mois d’hésitation, le flanker a fini par trancher. "Il est temps d’ouvrir un nouveau chapitre du livre", a-t-il commenté. Un livre qui compte pourtant de nombreux passages glorieux, comme la victoire en Challenge européen en 2011, la Coupe anglo-galloise en 2013 ou deux élections de meilleur joueur du Premiership en 2009 et 2012. Mais ce que Robshaw n’oubliera jamais, c’est le titre de Premiership remporté en 2012 : "Pour un gamin qui a toujours supporté ce club et qui en est devenu le capitaine, il n’y a rien de plus précieux que d’avoir soulevé le seul et unique titre national des Harlequins. Cela restera à jamais gravé dans ma mémoire."

Les critiques de Neil Back et l’affaire des "6 et demi"

à ce moment-là, cela faisait déjà trois ans qu’il évoluait avec le XV de la Rose. Quelques mois plus tôt, le sélectionneur Stuart Lancaster en avait même fait son capitaine. Outre son immense capacité de travail sur le terrain, ses qualités de plaqueur-gratteur, Robshaw avait aussi les qualités humaines adéquates pour porter le brassard : intelligence, lucidité, sang-froid, capacité à fédérer et à communiquer habilement avec les arbitres… Robshaw était indiscutable, point barre.

Ancien capitaine du XV de la Rose, il aura connu des hauts mais aussi des bas, notamment lors du Mondial 2015, où il fut désavoué publiquement par son sélectionneur Stuart Lancaster.
Ancien capitaine du XV de la Rose, il aura connu des hauts mais aussi des bas, notamment lors du Mondial 2015, où il fut désavoué publiquement par son sélectionneur Stuart Lancaster. PA Images / Icon Sport - PA Images / Icon Sport

Sauf que l’immunité ne dure jamais. En 2015, des voix s’élèvent contre lui. Notamment une qui pèse dans le rugby anglais : celle de Neil Back, le flanker de légende du XV de la Rose. Et quand un pur numéro 7, qui a glané 71 sélections avec l’Angleterre et remporté une Coupe du monde en 2003, parle, on l’écoute. Dans une interview réalisée en 2015, Back ne remet pas en question son leadership mais son niveau à l’échelle internationale : "Chris a progressé et il est un très bon joueur. Mais il ne fait pas partie des cinq meilleurs numéros 7 au monde. Vous ne le mettriez pas dans le XV mondial. En tant que flanker côté ouvert, il ne fait pas assez jouer derrière lui. C’est un bon porteur de balle mais il défie trop les défenses et cela n’aide pas à assurer la continuité du jeu." Back s’en prend aussi à son alter ego de l’époque, James Haskell, qui a lui aussi un problème de profil. Les deux hommes se ressemblent et ne sont donc pas vraiment complémentaires. Ils ont la mobilité pour évoluer sur le côté ouvert mais n’ont pas la technique des autres références mondiales au poste comme les Richie McCaw en Nouvelle-Zélande ou Justin Tipuric au pays de Galles. C’est ainsi que la presse anglaise vient à les qualifier de "6 et demi" ("six-and-a-half"). Jusqu’à ce Tournoi 2016, où Robshaw en 6 et James Haskell en 7 aident l’Angleterre à réaliser le grand chelem. Pour l’occasion, le facétieux Haskell demande à l’intendant du XV de la Rose de floquer deux maillots avec l’inscription "6 1/2" dans le dos, que les deux amis porteront fièrement dans les vestiaires d’après-match. "Nous voulions marquer le truc parce que nous nous sommes tout les deux fait assassiner pour ne pas être de purs numéros 7", se souvient Haskell.

Chris en a bavé, vraiment. Il a même pris énormément de coups immérités à mon sens.

Eddie Jones fut l’un de ceux-là. Après le désastre du Mondial 2015, il délesta Robshaw de son statut de capitaine, au profit du talonneur Dylan Hartley. Pour le préserver, sans doute. Mais aussi pour lui permettre de progresser en tant que joueur et devenir indiscutable sur l’un des deux côtés de la mêlée anglaise. Mais le côté fermé, cette fois. "Chris est déçu de perdre le capitanat mais ce qui arrive va être la meilleure partie de sa carrière, promettait Jones. Il est déjà le meilleur numéro 6 d’Angleterre. Je veux maintenant qu’il devienne le meilleur d’Europe. C’est l’objectif que je lui ai fixé. Il me fait penser à Richard Hill. Il brille rarement mais abat un sale boulot énorme."

Haskell : "Il en a pris plein la gueule…"

Vous l’aurez compris, Robshaw n’a jamais vraiment fait l’unanimité dans le rugby anglais, si ce n’est chez ses partenaires qui l’ont toujours défendu contre vents et marées. C’est d’ailleurs l’essentiel, soit dit en passant. Seulement, ce ne fut jamais vraiment le cas de la vox populi, qui le crucifia avec le sélectionneur Stuart Lancaster après la déroute du XV de la Rose lors de la Coupe du monde 2015 organisée sur son sol. Le problème, c’est que même Lancaster se retourna contre son capitaine. Notamment après la défaite face au pays de Galles lors du deuxième match de poule, qui condamna l’Angleterre à réaliser un exploit face à l’Australie pour se qualifier. Lancaster critiqua ouvertement le choix de Robshaw d’aller en touche dans les dernières secondes pour obtenir le gain du match plutôt que d’opter pour les trois points qui auraient assuré un match nul. Les Anglais commirent un en-avant et les Gallois l’emportèrent (28-25).

Ce qui n’aura pas empêché son ami de toujours, James Haskell, de toujours le défendre...
Ce qui n’aura pas empêché son ami de toujours, James Haskell, de toujours le défendre... Allstar / Icon Sport - Allstar / Icon Sport

Un sélectionneur désavouant son capitaine après une défaite… Imaginez la solitude du flanker des Quins. Mais là encore, ses partenaires sont montés au créneau. à commencer par James Haskell, qui déclara récemment dans une interview : "Le jour où tout le monde aura pris sa retraite, je raconterai ce qu’il s’est réellement passé ce jour-là. Mais je peux vous jurer sur mon cœur que ce n’était pas la faute de notre capitaine Chris Robshaw. D’ailleurs, il n’est jamais revenu sur cet épisode, même en privé. Cela montre la classe de ce mec." Robshaw a simplement admis avoir traversé une période sombre après la compétition. "Cela m’a pris des mois pour digérer ce Mondial et notamment ce choix d’aller en touche plutôt que de prendre la pénalité contre le pays de Galles", refusant d’en dire davantage. Là encore, ses partenaires l’ont épaulé : "Chris en a bavé, vraiment, pestait l’ouvreur George Ford. Il a même pris énormément de coups immérités à mon sens." Même écho du côté de Danny Care, son partenaire de toujours aux Harlequins : "C’est un joueur incroyable et surtout un mec incroyable, qui a traversé six derniers mois post-Mondial particulièrement difficiles." Haskell encore : ""Robbo" en a pris plein la gueule. Beaucoup de gens ont dit pas mal de saloperies à son égard mais ce mec a toujours eu le cœur sur la main.""

Si la carrière de Robshaw est aujourd’hui terminée en Angleterre, elle va se poursuivre de l’autre côté de l’Atlantique, où il s’est engagé pour les deux prochaines saisons en faveur de la franchise de San Diego en Major League : "J’avais d’autres options dans ce championnat (notamment avec l’équipe de New York, N.D.L.R.), mais ce fut un choix facile : en très peu de temps, San Diego s’est bâti une solide réputation d’équipe de haut niveau." Et pour cause : au moment où le championnat s’est arrêté en mars dernier, les San Diego Legion dominaient outrageusement la MLR en étant la dernière équipe invaincue. Une formation digne du standing du joueur, qui aura toujours encaissé les coups sans mot dire et surtout sans jamais rompre…

Digest

  • Né le : 4 juin 1986 à Redhill (Surrey, Angleterre)
  • Mensurations : 1,88 m, 108 kg
  • Surnom : "Robbo"
  • Poste : troisième ligne
  • Clubs successifs : Harlequins (2006-2020), San Diego Legion (à partir de 2021)
  • Sélections nationales : 66, dont 43 en tant que capitaine depuis le 4 février 2012
  • 1er match en sélection : à Salta (Argentine), le 13 juin 2009, Argentine -Angleterre (24-22)
  • Points en sélection : 10 (2 essais)
  • Palmarès en club : vainqueur du Challenge européen (2011), champion d’Angleterre (2012), vainqueur de la Coupe anglo-galloise (2013)
  • Palmarès en sélection : vainqueur du Tournoi des 6 Nations et du grand chelem (2016)

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