Rugby et société
L'édito du vendredi 02/10/2020... Le grand jour est donc là. Ce vendredi, dès 8 heures, les présidents des structures amateurs du rugby français auront le loisir de faire valoir leurs convictions pour l’avenir immédiat de leur sport. Un exercice démocratique qu’avait développé le président Laporte en place. Il est bienvenu, rare dans ces proportions à l’échelle du sport français et le rugby doit s’enorgueillir de cette exemplarité.
La démarche reçoit d’ailleurs un accueil favorable dans les clubs : au soir de la clôture des inscriptions, 80 % des présidents avaient fait le nécessaire pour disposer du matériel électoral. 92,71 % des voix pourront s’exprimer. Un marqueur de bonne santé intellectuelle, même s’il ne présage en rien des risques d’abstention. Samedi à 12h15, le rugby français aura donc un nouveau président. Oui, il sera forcément nouveau.
C’est une évidence si Florian Grill l’emporte au terme d’une campagne longue et tenace, sur le terrain, où le Francilien est allé chercher kilomètre après kilomètre, club par club, la notoriété qui lui manquait sur la ligne de départ. Il l’a trouvée, chez les plus petits clubs comme les plus grands décideurs. Le voir dans le match, au coude à coude au matin de l’élection, est déjà un succès qui appellera des lendemains. Quel que soit le résultat de samedi.
Ce sera aussi un nouveau président qui officiera si Laporte est reconduit. Ses succès et ses échecs, les affaires et les tours de force, le rayonnement international nouveau et les avancées locales qu’a consommés « Bernie » au long de son premier mandat devront receler des leçons : appuyer sur ses points forts, lisser ses points faibles et lancer la France du rugby vers 2023, le plus grand rendez-vous de son histoire. Celui qu’il est allé personnellement arracher des mains de World Rugby. Oui, en cas de réélection, Laporte gouvernera avec de l’antériorité et, forcément, une appréhension différente de son écosystème. Il aura, lui aussi, son lendemain.
Les hommes sont différents, leurs promesses et leur méthode tout autant. Attention, toutefois, à ne pas attendre de messie. L’évolution du rugby français, sa grandeur ou son effondrement, ce seront les présidents de club, sur le terrain, qui la porteront. Un exemple : au long de cette campagne, les candidats ont fait pleuvoir les promesses de millions. À ce jeu du « qui peut le mieux », il faudrait surtout s’inquiéter de ce que feront les clubs de cette manne nouvelle.
C’est le rôle sociétal de ce sport qui interroge. On déplore ici ces clubs de Fédérale 2 ou 3, nombreux, qui préfèrent recruter à l’étranger plutôt que de faire jouer les jeunes de leur cité. On se désole de cet argent investi dans des salaires fixes de joueurs nullement professionnels, mais rémunérés à temps plein pour faire d’un club le champion du canton.
Le rôle de ce sport doit être ailleurs. Si le rugby est désormais une entreprise mondiale, il ne survivra pas à un déracinement. Il doit demeurer un acteur des vies locales, la fierté d’un village, le lien entre ses générations, le rendez-vous du dimanche pour partager une identité commune. C’est ici que le rugby est grand, au coin d’une main courante et loin de ses institutions capitales. Si les présidents, qui votent aujourd’hui, oublient cela, ils auront tout faux.
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