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Toutes les questions que soulèvent les gardes à vue de l'état major du rugby français

  • Atcher, Laporte et Simon ont été placés en garde à vue.
    Atcher, Laporte et Simon ont été placés en garde à vue. PA Images / Icon Sport - PA Images / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Cinq personnalités majeures du rugby français étaient auditionnées, ce mardi par la BRDE dans le cadre d'une enquête ouverte en janvier 2018 : Bernard Laporte (président de la FFR), Serge Simon (vice-président de la FFR), Nicolas Hourquet (Responsable du Pôle International à la FFR), Claude Atcher (directeur général du comité d'organisation de la Coupe du monde 2023) et Mohed Altrad (partenaire maillot du XV de France, de la Coupe du monde 2023 et président de Montpellier). Au terme de ces auditions, toutes ont été placées en garde à vue. Dès lors, de nombreuses questions se posent.

Que signifie leur placement en garde à vue ?

A ce stade, rien n'indique que le placement en garde à vue de Bernard Laporte et les quatre autres protagonistes débouchera sur une mise en examen. Plusieurs issues sont possibles : le classement sans suite de l'affaire, dans le cas où aucune charge ne serait finalement retenue au terme de cette nouvelle étape judiciaire ; une citation à comparaître devant un tribunal correctionnel pour une ou plusieurs personnes, dans le cas où l'enquête serait conclue sur ces ultimes gardes à vue ; l'ouverture d'une information judiciaire, dans le cas où l'enquête serait considérée inaboutie, malgré les rebondissements de ce mardi.

Difficile, donc, de connaître la teneur exacte du débouché de cet épisode à fort retentissement dans le monde du rugby. D'autant que, selon l'option judiciaire privilégiée parmi les trois-précitées, les calendriers seront très différents : une issue trouvée d'ici quelques jours (ou semaines) dans les deux premiers cas ; une issue longue, plusieurs années, dans le cas de l'ouverture d'une instruction. Maître Versini-Campinchi résume, dans les colonnes du Figaro : « L’affaire peut être classée, mais ça m’étonnerait car ils n’aiment pas classer. On peut les renvoyer devant le tribunal, mais ça me semble difficile car il faudrait qu’il y ait un dossier. On peut enfin demander à un juge d’instruction de faire une enquête… qui va durer cinq ans. »

L'attribution à la France de l'organisation du Mondial 2023 est-elle visée ?

Rien ne l'indique clairement, à ce stade. Ouverte en janvier 2018, l'enquête confiée par le PNF (parquet national financier) à la BRDE (brigade de répression de la délinquance économique) devait faire la lumière sur les relations d'affaire qui liaient, dans le privé, Bernard Laporte à Mohed Altrad. Parallèlement, le président de la FFR était soupçonné d'être intervenu auprès de la commission de discipline pour faire réduire une sanction prononcée contre le MHR (dont Altrad est le président).

Toutefois, un faisceau d'éléments ramène vers l'attribution à la France de l'organisation du Mondial 2023. Le 12 août dernier, le Canard Enchaîné indiquait que les investigations de la BRDE s'étendaient désormais aux conditions d'obtention du Mondial 2023 et plus spécifiquement Le Cercle des soutiens France 2023, une association où figurent « certains proches de Bernard Laporte », selon l'hebdomadaire satirique.

Ensuite, les convocations de Serge Simon, Claude Atcher et Nicolas Hourquet interpellent : jusqu'ici, leur nom n'était jamais apparu dans l'enquête sur les relations Laporte-Altrad. En revanche, ils comptaient parmi les principaux protagonistes de la campagne qui avait permis à la direction de la FFR d'arracher l'organisation de France 2023.

L'élection à la présidence de la FFR, prévue le 3 octobre prochain, est-elle menacée ?

A ce stade, absolument pas. Et il serait étonnant qu'elle le soit. Tout d'abord, la direction en place à la FFR avait déjà retoqué l'idée d'un report des élections, alors pour cause de Covid-19, malgré les protestations de l'opposition.

Ensuite, Bernard Laporte et les quatre autres personnes placées en garde en vue bénéficient bien évidemment de la présomption d’innocence, ce qui les laisse libres face au processus électoral. Enfin, cette présomption d'innocence perdurera quand bien même Bernard Laporte serait mis en examen au terme de sa garde à vue. C'est la « jurisprudence Fillon » qui s'exprime ici. Mis en examen, l'ancien premier ministre était allé au bout de sa campagne présidentielle, en 2017.

Dans cette logique, la question réside désormais dans l'impact qu'aura la situation judiciaire actuelle sur les intentions de vote des électeurs de la FFR. En 2017, Fillon, grand favori quelques mois plus tôt, s'était finalement incliné dès le premier tour...

La théorie du complot est-elle crédible ?

Dans un communiqué transmis ce midi par la FFR, Bernard Laporte s'exprime longuement, dans un texte écrit la veille. Il y brandit, entre autres, la théorie d'un complot orchestré par une opposition qu'il ne nomme jamais franchement. Ou la Ligue, avec laquelle il est en guerre depuis sa prise de fonctions. Morceaux choisis : « A 10 jours d’une échéance capitale pour notre Fédération, une campagne coordonnée de déstabilisation s’abat sur le rugby français. C’est une véritable tentative de putsch dont la motivation des auteurs ne fait aucun doute. Tout ceci participe d’une véritable stratégie électoraliste assez nauséabonde » ; « Lorsque la justice se mêle à la politique, les deux se fragilisent » ; « Je dérange le monde professionnel, que j’ai obligé à contribuer solidairement au monde amateur, et qui aimerait beaucoup me voir chuter au profit d’une équipe plus malléable pour ne pas dire servile » ; « Ce tribunal médiatique a un seul objectif : me présenter à vos yeux comme coupable sans possibilité de me défendre ».

Interrogé par Le Figaro au sujet d'un éventuel complot, son avocat maître Versini-Campinchi se montre nettement moins affirmatif. Il va même à contre-sens de son client : « Je ne crois pas du tout à ces trucs-là. Je ne suis pas complotiste. Il n’y a pas cette volonté du vice-procureur de la République en charge du dossier au PNF (Parquet National Financier). »

Dans le camp Grill, son seul opposant dans l'élection à la présidence de la FFR, on choisit la discrétion sur cette affaire en cours (voir ci-dessous). Lundi, un de ses colistiers confiait seulement : « quand l'information nous était parvenue d'une première convocation probable, à la sortie du dernier Tournoi des 6 nations, et que rien ne s'était finalement produit, nous nous étions interrogés : pourquoi ce report ? Était-ce dans une logique de pressions par des réseaux politiques ? On s'était alors renseignés et, partout, il nous avait été rétorqué que le PNF est la juridiction la plus imperméable aux pressions politiques du système juridique français. Il est très difficile de s'y introduire pour orienter un dossier. Que ce soit dans un sens, ou un autre. »

Comment réagit l'opposition à Bernard Laporte ?

Ni Florian Grill, ni Jean-Marc Lhermet, ni aucun membre de la liste d'opposition n'a souhaité réagir à cette situation ou répondre aux attaques. Une stratégie pensée pour rester en retrait de l'affaire qui se joue actuellement dans les locaux de la Police judiciaire parisienne. Contacté, Florian Grill a seulement répondu ceci : « Je ne souhaite vraiment pas faire de commentaire. Je préfère rester concentré sur les problèmes des clubs au quotidien avec notre projet de relance des licencié, d'aide aux clubs et de valorisation des bénévoles. »

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Les commentaires (2)
DomiDom Il y a 3 années Le 23/09/2020 à 16:51

Le système Laporte, homme de réseau protégé est il en train de tomber? Espérons le pour l'éthique du rugby français...
Fourasse et Lapasset étaient critiqués pour leur "copinage" et leur favoritisme, mais là le système est devenu complètement mafieux dans le sens litteral du terme.

Doterive Il y a 3 années Le 23/09/2020 à 00:21

Ça sent pas bon tout ça et depuis trop longtemps...