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Jalibert : « Nous ne voulions pas d’un titre sur tapis vert ! »

  • Mathieu Jalibert of UBB during the test match between Bordeaux Begles and Toulon at Stade Chaban-Delmas on August 3, 2019 in Bordeaux, France. (Photo by Manuel Blondeau/Icon Sport)
    Mathieu Jalibert of UBB during the test match between Bordeaux Begles and Toulon at Stade Chaban-Delmas on August 3, 2019 in Bordeaux, France. (Photo by Manuel Blondeau/Icon Sport) Icon Sport - Icon Sport
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Le jeune demi d’ouverture de l’UBB va enfin retrouver les terrains, comme ses coéquipiers bordelais qui n’ont plus joué depuis six mois. Il confie ses sensations après un début de carrière paradoxal, à la fois fulgurant et cruel.

L’UBB était largement en tête du Top 14 à la mi-mars. Pensez-vous qu’on aurait dû attribuer le titre 2020 à votre équipe ?

Non, nous ne voulions pas le titre sur tapis vert. C’est vrai que nous avons fait une excellente saison, nous avions envie de jouer des phases finales. À partir du moment où la saison a été stoppée, nous avons trouvé logique qu’il n’y ait pas de titre, puisqu’il n’y avait pas de phase finale. Les compteurs devaient être remis à zéro.

Le parcours 2019-2020 a correspondu avec l’arrivée de Christophe Urios et de son staff. Qu’a-t-il apporté de nouveau ?

Ils nous ont amené de la stabilité, de la sérénité et cette envie de gagner, tout le temps, quelles que soient les circonstances.

On dit de Christophe Urios qu’il est très fort en termes d’organisation…

Oui, il contrôle tout. Il cadre bien les choses. Pour nous, c’est le top, nous nous sentons très encadrés. Il ne nous reste plus qu’à nous concentrer sur ce qu’on doit faire sur le terrain.

Lors de la saison 2018-2019, vous aviez fait des déclarations assez désabusées. On sentait que vous n’aviez pas vraiment le moral…

Quand je suis revenu de ma deuxième de blessure, j’ai senti que le staff en place ne me faisait pas confiance. Je n’étais pas épanoui par le projet de jeu. Je ne prenais pas de plaisir.

Quand Christophe Urios est arrivé, n’avez-vous pas eu des craintes ? Un cliché faisait de lui un apôtre d’un rugby pragmatique…

(il coupe) Et c’est totalement faux. Quand il est arrivé, il nous a tout de suite demandé ce qu’on voulait faire. Nous avons répondu en disant que nous voulions un jeu de mouvement, car c’est selon nous l’ADN du club. Bien sûr, il avait aussi ses propres idées. Mais petit à petit, nous avons construit ce que nous voulions.

Passons à votre carrière internationale. Avez-vous vécu la fin de saison, le Tournoi tronqué, la tournée annulée comme une trajectoire interrompue, brisée même ?

Je n’ai pas eu cette impression. Bien sûr, nous avons été frustrés car il nous restait un match contre l’Irlande et nous sommes restés sur une défaite amère en Ecosse. Mais nous avions encore la possibilité de gagner le Tournoi. Mais après tout, on va retrouver cette opportunité à l’automne.

On a su depuis que Fabien Galthié comptait faire des changements pour affronter les Irlandais. Vous avait-il parlé d’une possible titularisation ?

Non, il ne m’avait rien dit.

En Ecosse, vous êtes entré assez tôt en cours de jeu. Vous avez eu du temps pour vous exprimer. Que retenez-vous de ce match, au-delà de la défaite ?

Ce fut un match assez compliqué… J’aurais pu mieux jouer cette fameuse action de la deuxième mi-temps, où je perce avant de taper. Je suis resté déçu de ma prestation. J’aurais aimé montrer plus de choses. Je ne me suis pas senti spécialement nerveux, le fait d’entrer tôt dans le match me donnait une opportunité que je n’avais pas connue depuis longtemps. Mais c’est le sport, il y a des jours où ça ne marche pas. On avait pris un carton rouge alors, collectivement, ce fut difficile pour l’équipe.

Au début du Tournoi, on se souvient d’un début de débat sur votre poste. Certains commençaient à dire qu’on pourrait vous tester à l’arrière. Qu’en pensez-vous ?

C’était un faux débat. Il est vrai que j’ai fait deux matchs à l’arrière avec l’UBB au tout début de ma carrière en 2017, mais je suis un ouvreur de formation et c’est à ce poste que je suis le plus performant. Nous en avons parlé avec le staff et j’ai bien dit que j’étais plus à l’aise avec le numéro 10.

Avec le recul, ne pensez-vous pas que Jacques Brunel vous a lancé trop tôt, contre l’Irlande en février 2018 ?

Je ne peux pas dire ça. Pour moi, ce fut une chance de découvrir le haut niveau si jeune. Je remercie au contraire Jacques Brunel de m’avoir fait confiance. Ce fut si court, à cause d’une blessure... Mais tout ça m’a servi pour voir tout ce qui me restait à travailler.

Que pensez-vous, rétrospectivement, de ce fol hiver 2017-2018 ? Tout n’est-il pas allé trop vite ?

Non, ça reste très positif. Je revois les images défiler : mes premières gammes avec l’UBB, puis ce match avec les Barbarians contre les Maoris à Chaban-Delmas devant 30 000 personnes. Beaucoup de joueurs n’ont pas eu la chance de porter ce maillot. Puis j’ai eu la chance de découvrir le très haut niveau avec les Bleus à 18 ans et j’en suis vraiment très content. Je crois beaucoup au destin. Ça devait arriver, comme ma blessure d’ailleurs… J’insiste, je suis très heureux d’avoir vu si jeune comment ça se passe en équipe de France, pour pouvoir progresser encore plus vite.

En 2018, vous vous blessez à un genou sur un choc avec un défenseur irlandais. Votre saison se termine là. Et vous vous blessez à nouveau peu après votre reprise, en août 2018, au même genou. Deux graves blessures successives, n’était-ce pas facile à encaisser ?

Forcément, quand on rechute et qu’on comprend qu’il y a une opération qui se dessine. J’ai vite compris que l’opération était la meilleure option pour moi. J’ai dû prendre une vraie décision pour mon avenir.

Votre point fort, c’est votre vitesse. Avez-vous eu peur de perdre cet atout après vos deux blessures ?

C’est vrai, j’ai eu peur. Sur mes deux premiers mois de reprise, je n’avais pas de bonnes sensations. Mais j’ai vite compris que c’était logique, car en sortant d’une opération tu ne peux pas retrouver ton niveau tout de suite. J’ai donc vécu deux mois difficiles, sportivement, qui m’ont amené à l’intersaison 2019. Ensuite j’ai tout retrouvé avec la préparation de la saison 2019-2020. Mais je m’étais préparé au fond de moi à vivre ces moments de doute. Je savais que je m’exposais à ça. Cette décision de l’opération, c’est moi qui l’avais prise. Au final, je ne la regrette pas. Elle m’a fait grandir, je me sens bien mieux armé moralement depuis. Quand on est jeune et que tout va très vite, ça fait drôle de se retrouver sans rien, brutalement.

Vous êtes-vous senti seul à ce moment-là ?

Non, il y avait ma famille, mes amis, ma copine. Mais quand on vit des moments comme ça, on s’aperçoit de certaines choses. On voit qui est là et qui n’est pas là.

Quels sont les meilleurs souvenirs de la saison passée ?

La victoire au Racing et notre victoire face à Edimboug en Challenge Européen. Nous avons vécu deux moments très forts, pour la beauté des deux matchs, mais aussi pour ce qu’ils représentaient. L’UBB n’avait jamais battu le Racing chez lui et la victoire face à Edimbourg signifiait la première qualification du club pour des phases finales.

Sur un plan technique, vos petits coups de pied par-dessus la défense adverse font généralement mouche. Est-ce un truc qui se travaille ?

Je fais ça plutôt instinctivement. J’apprécie cette option, c’est vrai. Ça m’avait pas mal réussi en début de saison dernière, un peu moins par la suite. Il faut être honnête, il y a des fois où je le tente et ça ne marche pas. Mais ça permet de vraiment surprendre les défenses qui se croient bien en place. Il faut saisir le moment où elles ne s’y attendent pas du tout. Mais je ne répète pas spécialement ça à l’entraînement, tout se fait à l’instinct sur le moment.

Les demis d’ouverture d’aujourd’hui tentent de moins en moins de drops. Est-ce un geste désuet qui ne vaudrait plus le coup d’être tenté ?

On ne nous l’interdit pas. C’est une histoire de ressenti en fonction de la position sur le terrain, du score, de la façon dont l’équipe domine ou pas. En équipe de France, nous avons même travaillé ce genre de situation. Nous avons un code. Les avants savent alors exactement ce qu’ils doivent travailler pour mettre la charnière dans le confort et au moment du code, le 9 sait exactement quand il doit faire la passe.

Vous allez reprendre la saison contre Brive avec un joueur décisif en moins, Semi Radradra. Qu’en pensez-vous ?

On a eu la chance de jouer avec l’un des meilleurs joueurs du monde, un extraterrestre. Malheureusement, on n’a pas pu le conserver. En plus, c’était un gars hyper bonnard. On lui demande juste de rester tranquille quand il affrontera l’UBB.

En décembre vous avez prolongé votre contrat jusqu’en 2023. S’occuper de cet aspect des choses, c’est une autre facette de la carrière d’un joueur professionnel…

Dans ces moments, j’en parle au niveau de mon entourage, j’ai aussi un agent qui me conseille. Mais ma volonté était d’écrire l’histoire avec le club. Ce contrat était celui de la logique et de la continuité.

Y a-t-il des joueurs à l’UBB, des gars qui jouent un rôle spécial, que le grand public ne perçoit pas forcément ?

Au niveau de l’ambiance, de la convivialité, Jean-Baptite Dubié et Nans Ducuing apportent beaucoup d’énergie et de confiance au groupe. En plus de leurs qualités sur le terrain, bien sûr. Après, j’ai envie de parler d’un gars que j’avais d’abord côtoyé en équipe de France: Rémi Lamerat. C’est très apaisant de jouer avec lui. Il sait parler à son ouvreur, il donne toujours de bons conseils.

Et en équipe de France ?

Il y en a plusieurs, mais disons que celui qui joue ce rôle, c’est Gaël Fickou. Il encourage beaucoup, il joue le rôle d’ancien des lignes arrières. Il s’est montré très précieux pour moi.

Avant cette fameuse reprise du Top 14, six mois après, vous vous sentez des fourmis dans les jambes ?

Avec la Covid, il y a eu des moments délicats, mais on a tout fait pour rester concentrés sur ce qu’on peut contrôler nous-mêmes. C’était ça l’essentiel.

Faites-vous toujours des études ?

Oui, j’ai fini mes études de commerce, ça a été dur de concilier les deux et j’ai entamé un nouveau cursus pour améliorer mon anglais.

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