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Hériteau : « Je rêvais de mettre des coups francs »

Par Pierrick Ilic-Ruffinatti
  • Le centre Julien Hériteau a inscrit un doublé pour son premier match avec le RCT, face à son ancien club d'Agen.
    Le centre Julien Hériteau a inscrit un doublé pour son premier match avec le RCT, face à son ancien club d'Agen. Icon Sport
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S’il a commencé le rugby sur le tard, le Toulonnais a connu une progression aussi fulgurante que rectiligne, qui l’a mené de Lectoure aux portes du XV de France en douze ans. Sa passion pour le football, l’année 2007, le pôle France ou encore ses rêves bleus, Julien Hériteau s’est longuement confié à Midi Olympique. Entretien.

Si vous êtes aujourd’hui l’un des meilleurs centres du Top 14, confirmez-vous que votre premier amour n’était absolument pas ovale ?

(sourire) J’ai commencé par huit saisons de foot et ma vie tournait uniquement autour de mon club et de mes copains. J’étais ce milieu de terrain qui essayait de distribuer le jeu et donner de bons ballons. Plus tard je suis devenu attaquant.

Auriez-vous pu jouer à un bon niveau ?

Ça me paraît hypothétique : j’avais des qualités mais surtout des limites et je pense que je serais plutôt devenu un footballeur du dimanche (rires).

De quoi rêvait Julien Hériteau à 8-9 ans ? Devenir astronaute, pompier ou peut-être journaliste ?

Footballeur pro, quelle question ! Je m’imaginais bien enflammer le Stade de France un jour dans ma vie (sourire).

Si demain vous aviez l’occasion de parler à ce Julien Hériteau de 8 ans, il serait fier ou déçu de savoir que vous avez réussi dans un autre sport ?

J’espère qu’il serait fier de me voir sportif de haut niveau, mais surtout de me savoir épanoui. Il rêvait de mettre des coups francs devant 60 000 personnes, mais s’il avait pu devenir heureux comme je le suis aujourd’hui, il aurait signé de suite.

Aviez-vous des idoles ?

Après ce que je viens de vous dire, vous comprendrez sans problème que je réponde Ronaldinho (rires) ? Ensuite Sonny Bill Williams est entré dans ma vie ! Je l’admirais, j’essayais de comprendre son jeu. Il m’impressionnait.

À quel âge avez-vous finalement troqué votre short mi-long pour celui un peu plus court de rugbyman ?

En 2007 ! J’aimais toujours le foot mais un peu moins l’ambiance. En parallèle il y avait l’euphorie de la Coupe du monde en France et avec une bande de potes du club, on a voulu connaître un sport qui nous paraissait plus convivial. Alors, on a pris notre licence.

Vous considérez-vous comme un enfant du quart de finale de Cardiff contre les Blacks ?

Pas franchement : je n’ai pas de souvenir précis de cette rencontre, ni d’un match de la Coupe du monde. Plus que les résultats, c’est vraiment l’ambiance qui nous avait plu. Et me concernant, ça faisait plaisir à mon père, rugbyman passionné. Il n’a jamais rêvé de devenir pro mais était un vrai amoureux de rugby. C’est donc comme ça que j’ai rejoint le club de Lectoure, mon village gersois, à 13 ans. Ç’a été une révélation.

À ce point ?

J’ai découvert un sport génial, je me suis fait une bande de potes et mes deux premières saisons ont été incroyables. D’autant que la deuxième année, j’ai remporté mon premier « vrai » trophée : champion d’Armagnac-Bigorre, en cadets ! Ça fait rire aujourd’hui, mais sur le coup on était sur le toit du monde (rires).

Tout va alors très vite pour vous, puisque vous êtes retenu en sélection Armagnac-Bigorre moins de deux ans après avoir pris votre première licence. Le rugby, c’était inné chez vous ?

Je ne partais pas de zéro puisque le rugby n’avait jamais été loin de moi, que ce soit avec les copains, la famille et surtout mon père : on avait toujours un ballon dans la voiture. Mais la première licence, ça a été différent. Tu comprends les exigences du sport, la façon de gérer les contacts… Ce n’était pas inné, mais j’ai appris rapidement.

À quel poste avez-vous démarré ?

Deuxième ligne (rires). C’était le temps de quelques mois. Un jour je suis allé demander au coach si je pouvais jouer derrière. Le combat, c’était cool, mais le jeu de ballon m’attirait davantage. J’ai alors été repositionné au centre.

Avez-vous immédiatement pris conscience que vous aviez quelque chose de plus que vos coéquipiers, quand bien même ces derniers avaient 10 ans de rugby derrière eux ?

On ne compense pas dix années de compréhension et de technique individuelle en vingt entraînements, donc non ! En revanche, on a dû percevoir en moi cette capacité à ne jamais rien lâcher : je n’étais pas le meilleur, mais celui qui prenait le plus de plaisir à travailler dur.

À quel moment avez-vous envisagé que le rugby devienne un métier ?

Le jour où Agen est venu me chercher à 14-15 ans. Là je me suis dit « ok, je dois quand même avoir quelques qualités », et l’idée est née dans ma tête. Mais dès mon arrivée au SUA, ç’a été la douche froide (sourire) : les éducateurs te font redescendre sur terre en t’expliquant que ce n’est pas parce que tu es le meilleur de ton village que tu vas devenir professionnel. Puis ils te montrent les chiffres, et tu comprends que si trois à quatre mecs de l’équipe deviennent pro, ce sera déjà un exploit. Ça m’a permis d’accepter que j’avais peu de chance de devenir pro, mais que sur un malentendu et avec énormément de boulot…

Certains joueurs semblent prédestinés ; à vous écouter, ce n’était absolument pas votre cas.

Je n’ai jamais été au-dessus du lot : j’étais un joueur lambda. Je faisais mon taf sans crever l’écran, contrairement à un mec comme Gabriel Lacroix par exemple. Lui, c’était un putain de crack. Quand on affrontait Lombez-Samatan, tout le monde savait qu’il fallait le surveiller comme le lait sur le feu, mais tu ne pouvais rien faire : il prenait un ballon, tu prenais un essai. Par match, il pouvait en planter dix.

Même si vous ne mettiez pas dix essais par match, on ne passe pas toutes ces étapes en n’étant qu’un « joueur lambda »…

(sourire) Je devais bien avoir quelques qualités, mais je n’étais pas prédestiné. Faire carrière n’était pas une évidence.

Sur le terrain, qu’est-ce qui vous rendait différent ?

La défense et mes qualités de course m’ont permis de me démarquer un peu… Je voulais également être irréprochable dans mes « skills », alors je bossais constamment mes deux côtés de passe. Je partais de loin, mais j’ai réussi à m’en sortir à force de travail : je n’ai jamais loupé un entraînement, j’ai toujours respecté les exercices à faire à la maison durant les intersaisons, j’étais attentif aux conseils de mes coachs, de mes coéquipiers, de mon père… Puis je n’ai jamais hésité à me mettre en danger, quitte à me tromper : apprendre en étant actif, plutôt que de faire un sans-faute en me cachant.

Finalement vous faites votre petit bonhomme de chemin chez les jeunes au SUA, et vous vous faites remarquer, au point d’intégrer le Pôle France en 2012-2013.

À l’époque je n’avais connu que l’équipe de France B des moins de 18 ans. J’étais dans la « réserve » de ma génération, et voilà qu’on me propose Marcoussis. Incroyable…

Comment se passe cette saison ?

Tu bosses énormément, tu en chies, mais tu constates chaque semaine ta progression au niveau de tes skills, ton physique, ton sens du jeu. Tu travailles dans des installations top niveau et tu côtoies la crème de ta génération : Baptiste Serin, Yacouba Camara, Félix Lambey, mais également Antho Méric et Thomas Jolmès qui étaient surclassés. C’était du pain bénit. J’ai compris ce qu’était le « très haut niveau », moi qui n’étais passé par aucun pôle régional.

Vient alors votre premier contrat pro. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

Des heures de travail, un tas de sacrifices et surtout un rêve d’ado. Le moment où tu signes, est indescriptible ! Tu vois que tu t’en rapproches depuis des années, tu sais que le nombre de candidats se réduit, que ça peut le faire… et ce jour-là, les étoiles s’alignent. La suite a été magnifique, et je n’ai que de bons souvenirs à Agen.

Que vous finissez malgré tout par quitter à l’été 2019…

Je me sentais chez moi au SUA, et j’ai vécu de telles émotions : le premier match, le contrat pro, les copains, la montée en Top 14, mais j’ai eu l’opportunité de rejoindre un RCT qui annonçait un nouveau projet… C’était difficile, voire impossible de refuser : c’était la possibilité qui s’offrait à moi de découvrir « l’autre championnat » du Top 14. À 24 ans c’était le moment de m’ouvrir de nouveaux horizons.

Pourquoi Toulon ?

Le RCT c’est un public, un palmarès, une histoire, une région entière qui pousse… Avoir la possibilité d’être de l’autre côté de la barrière, après avoir croisé le fer pendant des années avec Toulon, c’était immanquable : je ne regretterai jamais cette décision.

Quand on est installé à Agen, ne craint-on pas de devenir un joueur de rotation à Toulon ?

Je savais que Toulon recrutait, qu’il y aurait de la concurrence et que Julian Savea allait être repositionné au centre, mais ça ne m’a pas fait peur car je voulais m’exposer, me mettre en danger. C’était un challenge excitant, et je crois que ça m’a plutôt souri cette première saison.

Vous enchaînez, vous prenez confiance et finalement vous recevez un coup de fil qui a dû vous faire tout particulièrement plaisir, début janvier…

Je savais que je faisais partie des joueurs suivis par le staff du XV de France, mais de là à imaginer être appelé par Fabien Galthié… Ce n’est pas que je ne l’espérais pas, c’est simplement que la possibilité n’existait pas dans ma tête.

Vous saviez quand même que vous n’étiez pas le 67e centre dans la hiérarchie ?

Évidemment, et d’ailleurs mon nom ressortait un peu, mais je pensais être dans les dix, pas dans les quatre… Toucher aux Bleus c’est un rêve !

Comment s’est déroulée cette préparation ?

J’ai essayé d’être naturel, de trouver ma place et les connexions se sont faites naturellement. Tout a été mis en œuvre pour bien intégrer les nouveaux et c’était une expérience enrichissante.

Malgré tout vous n’avez connu aucune sélection… On imagine que c’est devenu votre nouvel objectif ?

Les Bleus, n’importe quel pro veut y goûter. C’est quelque chose qui nous fait avancer, que ça semble réalisable ou non. J’ai eu la chance de faire cette préparation, de toucher au XV de France et j’espère y revenir. Ça passe par une grande saison avec Toulon, des trophées, mais c’est clair que cette première sélection est devenue un objectif.

Rugby à 13 ans, le SUA en deux saisons, le Pôle France, votre contrat pro, le RCT, ce stage en équipe de France : quelles sont les limites de Julien Hériteau ?

Il y a quoi après ? Une sélection ? Ce serait le rêve ultime. Donc voilà, la prochaine étape pour moi est de continuer à tout mettre en œuvre pour devenir un jour « Julien Hériteau, l’international français ».

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