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Ouedraogo : « On a pris Galthié pour un dingue »

  • Fulgence Ouedraogo (Montpellier)
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Publié le Mis à jour
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Parler de rugby en étant privé du support des matchs, sans être pédant ni ennuyeux ? C’est le défi que nous nous sommes lancés au fil d’une série d’entretiens auprès d’acteurs de ce jeu qui, tour à tour, seront amenés à dévoiler leurs influences, sensibilités et autres convictions. Le cinquième épisode est consacré au Flanker international de Montpellier Fulgence Ouedraogo, souvent cité parmi les meilleurs plaqueurs du Top 14. La défense, "Fufu" aime ça. Il le raconte avec quelques anecdotes croustillantes nées lors de sa découverte de la "Rush défense" en 2010, sous la houlette de Fabien Galthié.

Vous avez souvent figuré parmi les meilleurs défenseurs du Top 14 depuis vos débuts professionnels. La défense est-elle votre secteur de jeu privilégié ?

Très vite, j’ai été étiqueté comme joueur mobile, en défense comme en attaque. Mon objectif a toujours été de couvrir le plus de terrain possible. Je pars du principe qu’au rugby, il n’y a ni défenseur, ni attaquant. J’ai constamment essayé d’être le plus efficace possible et d’enchaîner les efforts. Il faut dire, que depuis tout petit, j’aime plaquer.

À travers les diverses organisations défensives que vous avez expérimentées au gré de vos différents entraîneurs, l’une d’elles vous a-t-elle mieux convenu ?

J’ai bien noté combien la défense avait pris de l’importance au cours de ma carrière. À mes débuts, il y avait un entraîneur pour les avants et un pour les trois-quarts. Maintenant, il y a un pour la défense et un pour les zones de collision, notamment dans le secteur défensif. On dissèque toutes les situations, tous les systèmes. Me concernant, que ce soit en club ou en équipe de France, j’ai toujours essayé de m’adapter au mieux. Dans mon parcours, j’ai connu certaines organisations très classiques et d’autres vraiment plus étonnantes.

Lesquelles ?

Quand Fabien Galthié est arrivé à Montpellier en 2010, on l’a pris pour un dingue. Il nous a tout fait changer dans ce secteur de jeu. Nous sommes passés à une "rush défense" avec deux arrières et des ailiers qui ferment très haut et beaucoup de pression, surtout sur les montées défensives. Ce système, il nous a fallu un certain temps pour l’assimiler.

Pourquoi ?

Changer ses habitudes n’est pas simple. Accepter le changement non plus. Les premiers entraînements avec Fabien se sont révélés un peu déroutants. Mais au fur et à mesure, en accumulant de la confiance, ça a fini par fonctionner.

Cette saison-là, vous avez été finalistes du Top 14. Est-ce ce système défensif qui vous a permis d’atteindre ce niveau de performance ?

Oui, ce fut la clé pour gagner un certain nombre de matchs cette année-là. Je crois qu’à l’époque, c’était assez novateur. Je me souviens de quelques équipes qui se sont retrouvées désemparées, sans solution, face à notre système défensif. Ce fut vrai sur toute la première moitié de saison. Un peu moins en suivant parce que les équipes nous avaient bien étudiés et mis en place des stratégies pour essayer de nous contrer. Mais en couvrant un peu mieux le terrain ainsi qu’en adaptant certains axes de courses, nous avons tout de même réussi à être performants jusqu’à la fin de saison. Sauf en finale, malheureusement.

Qu’est ce qui faisait la force de ce système défensif ?

Je me souviens de l’agressivité que nous mettions en défense, c’était incroyable. Grâce à ça, nous récupérions beaucoup de ballons de turnover et nous avons marqué beaucoup d’essais en contre-attaque. Et puis, cette défense, c’était une façon de neutraliser l’attaque adverse.

Vous souvenez-vous de ce que cette "rush defense" avait changé dans votre façon de jouer ?

Ce qui a changé, principalement, c’est le positionnement de son corps à l’instant de monter pour agresser la ligne adverse. Avant, nous montions avec le buste tourné vers l’extérieur. Or, sur la "rush défense", c’est l’inverse. L’idée était d’avoir une course rentrante, les épaules tournées en direction de la sortie du ballon. Je peux vous jurer que pour changer cette habitude, ce n’est pas simple. Nous avons répété des heures et des heures durant, avec tous les scénarios possibles : quand le demi de mêlée porte, ou pas, quand le demi d’ouverture attaque la ligne ou ouvre sur les extérieurs… Pour identifier ces situations-là en matchs, il faut des heures d’entraînement pour être efficace. Et puis, Fabien Galthié nous répétait constamment d’avoir un joueur adverse dans le viseur, tout en étant capable de s’adapter. C’était chaud, parfois (rires). Je me souviens de certains entraînements où Fabien devenait dingue, à force de voir l’équipe qui jouait le rôle de l’adversaire nous trouer sur tous les ballons d’attaque. Entre chaque ballon, nous discutions, on se disait qu’il fallait serrer de plus belle, monter davantage ensemble… Et à chaque fois, nous finissions dans notre en-but (rires). Mais bon, nous avons fini par y arriver. En fait, la "rush défense", c’est plein de détails importants mais ça peut vite se révéler suicidaire en cas d’erreur.

Fabien (Galthié) lui avait dit de le suivre partout sur le terrain, un peu comme au football. C’était du marquage à la culotte. Quand Fabien a expliqué ça, on s’est tous regardé et mordu les lèvres pour ne pas éclaté de rires.

Vous souvenez-vous avoir été parfois piégé à cause de cette "rush defense" ?

Pas de souvenir précis. Mais le jeu au pied dans le deuxième rideau ou directement pour l’ailier est vite devenu une arme pour nos adversaires. Certaines équipes exploitaient aussi les espaces dans le fond du terrain car nous n’avions que deux joueurs en couverture. D’autres essayaient de jouer avec deux lignes d’attaque, ce qui rendait notre lecture plus difficile. C’est là que l’adaptation était importante.

Avez-vous pris plus de plaisir dans un tel système défensif ?

C’est une défense qui peut être vraiment plaisante car elle permet de jouer dans l’avancée, de marquer l’adversaire. Je me souviens de certaines équipes où le demi d’ouverture recevait le ballon en même temps qu’un mec sur le râble. J’avoue, c’était grisant parfois. Je me souviens du regard de quelques ouvreurs un peu dépités.

N’est-ce pas trop énergivore ?

Ah si, c’est usant ! Ça demande d’avoir toujours des courses à pleine vitesse, de toujours se relever le plus vite possible pour ne pas être en retard, de se replacer. Ça ressemble parfois un peu au rugby à XIII où les joueurs montent, reculent, montent et reculent encore. Il y a beaucoup de courses à vide et c’est parfois dur de tenir quatre-vingts minutes sur ce rythme. Mais, ça en vaut la chandelle.

Étiez-vous l’un des relais de Fabien Galthié sur cette organisation défensive ?

De manière générale, les flankers étaient souvent dans la zone où le ballon revenait puisque les ailiers et les centres fermaient les extérieurs très très vite. Mais je n’étais pas un relais plus qu’un autre. C’est tout de même un système très collectif.

Avez-vous souvenir d’un match gagné niquement grâce à votre système défensif cette saison-là ?

Il y en a eu plusieurs. Mais celui contre le Racing à domicile m’avait marqué (2e journée : 36-19). On s’était gavé de ballon de récupération. Sur chacune de leurs attaques, on sentait les Racingmen sans solution.

Avez-vous rencontré des difficultés à jouer en équipe de France cette saison-là ?

Ce n’était pas simple. Avec l’équipe de France, le système était différent. Il fallait vite changer de disquette, sinon c’était le meilleur moyen de se mélanger les pinceaux. Mais sur les premiers entraînements avec les Bleus, je me souviens avoir laissé quelques trous (rires).

Vous souvenez-vous d’une consigne sur cette organisation défensive que vous n’aviez pas comprise au départ ?

Non pas vraiment mais je redis que lorsque Fabien Galthié est arrivé, on l’a un peu pris pour un dingue. Je pensais même que ça ne fonctionnerait jamais. Je vous laisse imaginer notre tête lorsqu’il nous a expliqué que c’est l’ailier qui allait monter le premier en défense, que nous allions jouer seulement avec l’arrière et le troisième ligne en couverture sur le fond de terrain. Aujourd’hui, je peux le dire mais on a pris quelques fous rires. Mais franchement, ça n’a pas duré. Nous avons vite compris que c’était très efficace. Je me souviens aussi d’un truc un peu dingue. Avant un match contre Bordeaux, il avait demandé à Yoan Audrin de faire un marquage individuel sur Blair Connor…

C’est-à-dire ?

Il lui avait dit de le suivre partout sur le terrain, un peu comme au football. C’était du marquage à la culotte (rires). Quand Fabien a expliqué ça, nous nous sommes tous regardés et mordus les lèvres pour ne pas éclater de rires. On s’est dit : "Il est fou." Mais en fait, Connor jouait beaucoup autour du demi de mêlée, autour des avants et créait de nombreuses brèches. Et je crois bien que nous l’avions gagné ce match.

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