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Higginbotham, le Wallaby aux mains d’or

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Publié le Mis à jour
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La première saison française du troisième ligne australien Scott Higginbotham impressionne toute la Gironde, et plus encore. Son talent si particulier n’est pas pour rien dans le parcours des leaders du Top 14.

Suivre l’UBB en 2019-2020, c’est faire face au phénomène de profusion. Un peu la même sensation qu’à l’époque des débuts d’internet et de la création de YouTube. À qui le club doit-il sa brillante première place ? Quelle recrue a fait basculer les Girondins à ce point vers l’excellence ? Les Radradra, Cordero et Lamerat ont été abondamment cités. L’avènement de Jalibert a aussi facilité les choses. Mais il existe un autre nouveau venu qui à tout de suite crevé le plafond de verre. Scott Higginbotham, un troisième ligne pas si jeune d’ailleurs, 33 ans. En championnat, il a été aligné quinze fois sur seize possibles dont douze fois comme titulaire avec le numéro 8 ou le numéro 6. Parmi ses coups d’éclat, son sprint irrésistible à Castres, mis en orbite dans un intervalle par Jalibert ; sa finition sur l’aile à Pau, parfaitement placé sur une séquence au large.

Un profil qui ne court pas les rues en Top 14

Son parcours est celui d’un Wallaby, non pas furtif, mais disons passager, 34 sélections quand même entre 2010 et 2017. Une seule Coupe du monde au compteur, celle de 2011. Visiblement, il n’entrait pas dans les plans de Cheika. En revanche, Laurent Marti l’avait ciblé depuis longtemps. "Oui, en 2012, j’avais déjà failli venir ici", confie-t-il en s’excusant de ne pas encore parler français. Si on insiste sur son apport, c’est que son entraîneur Christophe Urios en parle comme d’un profil qui ne court pas les rues du Top 14. Bien moins que celui des numéros 8 qui cherchent délibérément le contact. "Des joueurs comme lui, pour le coup, il n’y en a pas beaucoup. Vous me parlez de sa vitesse, oui si on veut. Mais un gars comme Mahamadou Diaby est aussi rapide que lui. Scott Higginbotham, lui, brille dans le lien "avants trois-quarts". À Clermont par exemple, il a été excellent. C’est un joueur très fin, très bon en touche, très précieux dans le maniement de la balle bien sûr. Et encore, je trouve qu’il ne touche pas encore assez de ballons." Des mains d’or pas assez sollicitées donc, c’est un chantier en cours pour le staff bordelais. Cette équipe a donc encore de la marge. "En plus, Scott apporte beaucoup de confiance aux autres gars. Dans le groupe, il n’est pas encore un grand leader à cause de la barrière de la langue. Mais il est très respecté. Je sais qu’il a souvent été capitaine et quand il est arrivé, j’espérais qu’il puisse exercer une forme de leadership et je constate qu’il prend de plus en plus la parole. C’est ce que j’attendais de lui," poursuit Urios.

Scott Higginbotham est arrivé à point pour renforcer la richesse de la troisième ligne de l’UBB, dans un style totalement différent du revenant Afa Amosa par exemple, spécialiste du rôle de casse-brique en sortie de mêlée. "En Australie, il avait l’image d’un joueur très doué, plus porté sur l’offensive que sur les tâches obscures des regroupements c’est vrai. Sa spécialité, c’était de se positionner sur l’aile et surgir pour marquer des essais", se souvient notre correspondant Jacques Broquet. De ce style "dévoreur d’espace, manipulateur de cuir " à la Olivier Magne, Scott Higginbotham a au moins retiré un record du Super Rugby, il est l’avant qui a marqué le plus d’essais. 38 fois, il a passé la ligne sous le maillot des Reds (en deux séjours) et des Rebels. Il est un pur produit de la tradition du Queensland : "Même si j’ai vécu les premières années de ma vie en Asie, j’ai grandi à Hong Kong et à Singapour où mon père travaillait dans la finance. Je ne suis arrivé en Australie qu’à 12 ans à l’âge du collège. Jusque-là, je n’avais jamais joué au rugby, j’étais plus intéressé par le football, le basket et la natation…"

Contrairement à ce que son talent pourrait faire croire, il n’a pas tout de suite trouvé sa voie ballon ovale en mains. "Il faut savoir qu’à l’école, je ne jouais pas dans la première équipe de rugby, je me retrouvais dans la deuxième, parfois dans la troisième. Mon premier sport restait le football. Mais j’aimais le rugby et peu à peu, je pense que l’adresse donnée par le foot a déteint peu à peu sur ma pratique du rugby. Mes premières sélections, je les ai connues après la période scolaire. Je jouais dans un club de Brisbane et je me suis retrouvé en sélection des moins de 19 ans du Queensland. Ce fut le déclic, les Reds m’ont proposé une place dans leur académie."

Sa vie venait de changer, le rugby à XV lui offrait une carrière, sans devenir une exclusivité. "Le surf a toujours eu une place dans ma vie, depuis ma période scolaire. Et ça continue aujourd’hui. Je le pratique ici en Gironde, vers Lacanau avec Blair Connor." Blair Connor justement… Scott Higginbotham l’a retrouvé au bout du monde après l’avoir côtoyé au centre de formation des Reds. "J’étais en deuxième année, il était en première." Leurs destins parallèles illustrent à merveille la fragilité d’un destin de rugbyman. Scott a goûté aux honneurs internationaux, Blair n’a pas percé chez lui. Il a dû s’exiler en D2 française, dans l’anonymat. "Mais il était déjà très bon, son problème, c’est qu’il y avait trop de concurrence à son poste, Rod Davies, Luke Morahan, Digby Ioane. Mais je savais ce qu’il était devenu, j’avais eu des contacts avec lui quand j’avais failli signer en 2012."

Le virus du surf

Scott, lui, eut droit à une vraie chance en Super Rugby, même si de son propre aveu, il lui a fallu deux ans pour s’y sentir à l’aise. "Question puissance physique, c’était dur, mais je m’y suis fait. Sur le plan du jeu en soi, j’avais de bons gestes. Le plus difficile c’était le sens du jeu, le placement, je pense que je payais ma découverte tardive du rugby." Il ne nie pas non plus que quand il a débarqué dans une équipe des Reds très brillante (Will Genia, Quade Cooper, Digby Ioane), il était au diapason offensif, mais moins impressionnant quand il fallait se faire mal au plaquage. "Oui, j’ai dû beaucoup travailler ma défense. j’avais l’image du gars performant en attaque, qui prend du plaisir ballon en mains, mais mes plaquages n’étaient pas efficaces. Je n’avais pas spécialement peur, mais mes positions n’étaient pas bonnes. Qu’est-ce que j’ai pu travailler avec Matthew Taylor, l’entraîneur adjoint, un technicien qui a ensuite fait partie du staff de l’Écosse. Il a joué un grand rôle dans ma carrière, il m’a consacré énormément de temps." Scott a su visiblement se faire violence pour se retrouver en équipe nationale à partir de 2010, et de rester dans sa périphérie pendant sept ans, même si de toute évidence, il n’était pas dans les plans de Michael Cheika, friand d’un autre type de troisième ligne. "J’ai quand même gagné des Tri-Nations en 2011 en battant les All Blacks l’année de leur titre de champion du monde."

Si la sélection nationale l’a laissé de côté, l’UBB a apparemment eu raison de le lui faire confiance, même à un âge avancé car quand on lui demande à quel moment de sa carrière il s’est senti le plus fort il répond : "C’est le privilège de ceux qui ont commencé assez tard, j’ai l’impression que je comprends de mieux en mieux le jeu et que mes meilleures années sont devant moi." De son séjour en France en tout cas, il garde déjà des moments forts : "Cette victoire à Castres en septembre, dans une atmosphère spéciale. On se demandait si cette équipe pouvait gagner à l’extérieur et en plus c’était l’ancien club de Christophe. Je retiens aussi notre victoire à Clermont. En termes de rugby pur, c’était formidable à vivre."

Au fait pourquoi avoir choisi l’UBB ? "Je m’étais renseigné auprès d’anciens joueurs que je connaissais par ailleurs comme Cameron Treloar ou Ole Avei. Et puis, il y avait l’océan à proximité." Oui, le surf est une vraie drogue pour ceux qui ont grandi près de la Gold Coast. "Ici l’eau est plus froide évidemment. La côte est différente aussi, elle est plus linéaire que chez moi où il y a des baies et des rochers." Le plus souvent possible, il enfile sa combinaison pour se jeter dans les rouleaux de l’Antlantique. Combien de fois ? Une fois, deux fois par semaine ? "Ça dépend de mon corps", sourit-il. Les percussions du Top 14, ça laisse des traces. Le ressac, la houle et les séries de vagues ne sont pas faits pour hâter leur disparition. Ça c’est sur le plan physique, mais pour le moral et l’évasion, les séjours dans l’eau salée ont aussi leur importance. Mieux vaut penser qu’ils font partie de l’équilibre de vie de ces déracinés australiens.

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