Folau, cas de conscience

  • Israel FOLAU, sous ses nouvelles couleurs.
    Israel FOLAU, sous ses nouvelles couleurs. SwPix / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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L'édito de Léo Faure... Pour tout dire, on s’est tâté un certain temps avant d’enclencher sur le sujet. C’est sensible, pour le moins, et assez éloigné des considérations sportives qui nous occupent habituellement dans ces lignes. Le cas Folau procède de convictions personnelles, bien au-delà de l’ignominie incontestable des propos homophobes qu’a tenus l’Australien, à plusieurs reprises, à l’encontre de personnes dont la sexualité ne regarde bien qu’elles. La question est désormais la suivante : un joueur de rugby, employé comme tel et rémunéré au seul titre de son activité professionnelle, devrait-il se contraindre à un devoir de réserve sur ses idées extra-sportives ? Faut-il le condamner ad vitam aeternam pour des prises de position choquantes ou bien, c’est d’actualité, faut-il dissocier le joueur de l’homme ? Le débat reste ouvert et ailleurs qu’en rugby, on peine encore à le trancher.

En engageant Israel Folau il y a bientôt trois semaines, les Dragons catalans ont apporté leur réponse, institutionnelle, à cette question. La dissociation est faite, facilitée par la qualité rare et indéniable du joueur. Un rugbyman "lambda" aurait-il bénéficié d’une telle main tendue ? Poser la question, c’est y répondre.

Indésirable en son pays mais aussi en Angleterre, autre terre du XIII, l’ancien Wallaby aura droit au rebond du côté de Perpignan, où l’on veut faire de ses opinions, des dérapages. Crédible ? Face à la répétition des propos, difficile à accréditer. Le fond du sujet, l’homophobie, interpelle aussi quant au blanc-seing si vite accordé. Si personne n’est infaillible et que chacun, empli de sa part d’ombres et de faiblesses, sera un jour en quête de pardon, on parle ici de propos haineux et répétés, qui supportent difficilement la thèse de l’accident.

Le joueur, d’ailleurs, ne l’invoque pas. Face à ces sujets, il est aujourd’hui mutique. Avant, il a longtemps répondu par sa liberté d’expression, ici faite d’une forte conviction religieuse dont il s’autorise une lecture toute particulière, pour ne pas dire rétrograde. Un exemple : les incendies, terribles et qui frappent l’île-continent depuis plusieurs mois, pourraient être la conséquence divine d’une loi australienne favorable au mariage homosexuel ? Folau l’a affirmé. Cela tient évidemment de la foutaise et c’est justement cette sortie publique, celle de trop, qui avait finalement conduit la Fédération australienne (ARU) à engager contre son arrière une procédure de licenciement. Que ce dernier a contesté, juridiquement.

Sacré cas de conscience, pris en étau entre des opinions délirantes et le droit légal de les proférer dans la sphère publique. Où la magistrature australienne du travail devait trancher si un joueur de rugby, star de son équipe et de facto personnage public, engage l’image de son employeur lorsqu’il s’exprime.

Le procès, prévu aux antipodes pour ce mois de février 2020, n’aura jamais lieu. Folau et l’ARU ont trouvé un accord pour s’en extraire, où le joueur s’est finalement vu dédommagé financièrement. Le droit et la morale sont deux choses qui s’ignorent.

L’histoire dira si Folau, dont les grands débuts à Brutus sont possibles ce week-end, sera une plus-value sportive notable pour la vitrine du XIII en France. On peut le penser, sa qualité de rugbyman étant difficilement contestable. L’histoire, c’est déjà acté, retiendra surtout que les Dragons catalans sont passés outre sa morale méphitique pour leur seul intérêt sportif. Business is business. Même quand il prend des atours déplorables.

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