Deux mondes

  •  Joel Kpoku (Saracens)
    Joel Kpoku (Saracens) Sportsfile / Icon Sport - Sportsfile / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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L'édito d'Emmanuel Massicard... C’est un bide, un cauchemar et, à la toute fin, un naufrage. Les experts du cinéma diront ainsi que le conte de Noël des Saracens vient de tourner au mélodrame. Pour notre part, jugeons qu’il a tout du parfait « navet » : mal écrit, mal filmé et encore plus mal réalisé. Nous sommes loin de la superproduction qu’incarnait la belle histoire de rédemption sportive qui nous fut servie ces dernières semaines alors que les Sarries relevaient la tête en Coupe d’Europe et qu’ils semblaient en mesure de se sauver de la relégation (après le retrait de 35 points infligé par la Ligue anglaise pour non-respect du Salary Cap).

Finalement, la remontada pour sortir du trépas n’a pas duré plus longtemps que la saison des vœux. Et ce n’est sans doute pas un hasard si l’un des plus grands clubs européens de ces vingt dernières années va disparaître de l’élite anglaise au changement de décennie, quand le rugby pro anglais tente de s’acheter une conduite financière en se soumettant au cadre strict du Salary Cap et d’une première forme de fair-play économique.

Ce n’est pas non plus un hasard si les Saracens ont signé leur propre chute, refusant d’envoyer leurs joueurs à l’échafaud et de révéler par le détail les fameux montages financiers qui ont permis de contourner les règlements. À cet instant, et pour continuer de filer la métaphore avec le septième art, un dirigeant français se fit ironique ce dimanche matin en nous confiant son analyse : « On pourra toujours leur accorder l’oscar de l’arrogance de ces 25 dernières années… »

Vous l’aurez compris, la chute des Saracens et de son modèle atypique ne fait pas que des malheureux chez les adversaires du Vieux Continent. Pourtant, à ce jour, personne ne tire sur le pianiste - ce qui pourrait bien arriver si la menace de destitution est défendue chez les Anglais. Ne nous leurrons pas : il faudrait être exemplaire pour mener une telle fronde, et c’est loin d’être le cas pour tout le monde… Souvenez-vous des cas de dépassement du Salary Cap survenus en Top 14 (Toulon et Racing, pour des défauts de documents) avant qu’un système de sanctions soit adopté. Souvenez-vous aussi de Montpellier, rattrapé par le gendarme financier avant de voir sa peine allégée en Appel.

Bien au-delà des symboles et des périmètres réglementaires qui divergent d’un côté à l’autre du Chanel, cette affaire révèle une nouvelle fois l’opposition culturelle entre la France et l’Angleterre. Nous, Français, préférons l’accompagnement, le conseil et l’éducation à la main de fer punitive.

Sans doute souffrons-nous d’une forme de frilosité maladive quand notre sport — ici son modèle économique — est menacé. Comme un vieux réflexe d’autodéfense et de repli sur soi pour éviter le jugement des autres. Les Anglais, eux, se posent moins de questions. Ils tranchent pour l’exemple, gardent le cap pour maintenir la confiance du public et de leurs partenaires. Quitte à sacrifier leur plus bel emblème, cette machine à gagner qui a fait grandir les Itoje, Farrell et autres Vunipola, les tauliers du XV d’Angleterre.

Aussi paradoxal qu’il puisse y paraître sur le papier, la sévérité du gendarme financier qui cadre le rugby pro renforce la part de contrôle et le pouvoir de la Fédération mère. Les Anglais l’assument, au service de la Rose. Les Français, eux, se confondent dans l’ambiguïté quand Montpellier évite par la force d’une commission fédérale l’amende plus salée qui lui avait été infligée par la Ligue. Deux pays, deux mondes…

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