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Ollivon : chasseur de causes perdues

  • Charles Ollivon (France) contre le Pays de Galles
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Publié le Mis à jour
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Donné perdu pour le rugby, Charles Ollivon a dû à une chirurgie de la dernière chance et à sa volonté de fer de disputer la dernière Coupe du monde. Un parcours singulier qui a donné de l’épaisseur à un personnage que Fabien Galthié a jugé suffisamment inspirant pour lui confier les galons lors du prochain Tournoi. Et plus si affinités…

Il est devenu un euphémisme d’avancer, au sujet de Charles Ollivon, qu’il est un homme capable de bouleverser les codes. Parce que c’est au vu de ses performances durant la préparation estivale, d’abord, que le staff de Jacques Brunel se convainquit de la nécessité de bouleverser ses plans, en transformant les "réservistes" en candidats comme les autres. Parce qu’il est la preuve vivante que neuf petits matchs peuvent suffire pour disputer une Coupe du monde. Mais surtout que rien, non, rien n’est jamais écrit, à condition d’une volonté de fer et d’un mental hors-norme, qui lui a permis de revenir plus fort de deux fractures à la même omoplate, en 2017 puis 2018. Le genre de blessure qui n’est ordinairement l’apanage que des graves accidentés de la route, et aurait pu, dû, le contraindre à jeter prématurément l’éponge du rugby pro, à 25 ans à peine… "À Toulon, je ne venais même plus au stade ni au centre d’entraînement, racontait-il voilà quelques mois dans nos colonnes. Je n’avais plus envie. Et puis, pour dire quoi ? Des chirurgiens très reconnus m’ont dit que c’était terminé. Et j’ai fini par trouver un chirurgien à Muret, près de Toulouse, qui s’appelle Yves Bellumore…" Un praticien devenu un proche qui, pour la première fois, nous a fait l’honneur de se confier au sujet de sa rencontre avec Charles Ollivon. "Pour des raisons que vous comprendrez, je ne peux pas parler de l’opération en elle-même. Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai rencontré avec Charles un personnage foncièrement attachant, intelligent, qui dégageait de grandes valeurs. Il a joué franc jeu avec moi, a posé les bonnes questions. Son honnêteté m’a marqué parce qu’au-delà de la pathologie, c’est l’homme qui m’a intéressé."

"Il me rappelle un peu Daniel Herrero"

Yves Bellumore n’en dira pas plus, malgré quelques sous-entendus lourds de sens au sujet du respect d’une parole donnée par Ollivon, le jour où ce dernier remporta son pari fou de rejouer sous le maillot Bleu, le 17 août dernier face à l’Écosse. "C’est entre lui et moi", jure le chirurgien. Reste qu’au-delà du secret médical et du serment de pudeur liant les deux hommes, ce parcours du combattant fut probablement jugé par Fabien Galthié comme une source d’inspiration suffisante pour confier au Basque, qu’il connaît bien pour l’avoir côtoyé à Toulon, les galons de capitaine du XV de France pour le prochain Tournoi.

Un pari risqué, alors que celui-ci ne porte pas la responsabilité du leadership dans son propre club ? Galthié n’en a manifestement eu cure… Car s’il cherchait évidemment pour remplir ce rôle un joueur unanimement reconnu comme le meilleur à son poste, le sélectionneur recherchait avant tout un symbole au moment de reconstruire une équipe "qui ne lâche rien " et susceptible, selon ses propres termes, de "chasser toutes les causes perdues". "Pour incarner cet état d’esprit, Fabien Galthié ne peut pas choisir mieux, souffle le docteur. Charles, c’est quelqu’un à qui on a expliqué que tout était fini, mais qui a décidé que non, et s’est battu avec toute son énergie pour aller au bout de son intime conviction. Parce qu’il s’en est pris, des claques dans la gueule… Et pourtant, il n’a rien lâché. Avec lui, on touche à une personnalité particulière, un gagneur, un leader. À quelques générations d’intervalle, il me rappelle un peu Daniel Herrero. Parce qu’il joue comme lui à Toulon, mais surtout parce qu’il a cette capacité rare d’aller là où ça fait mal, de savoir donner et partager dans le rude… Et si, comme je crois le comprendre, le XV de France veut se rapprocher des valeurs originelles que Thomas Arnold a imaginé à la création du jeu de rugby, je pense que Charles en serait un formidable ambassadeur. Justement parce qu’il incarne les mêmes valeurs que ses aînés."

Symbole d’un rugby authentique

N’allez pas croire qu’on touche là au domaine de l’anecdotique. Car dans sa mission de rendre aux Bleus une identité forte, Galthié sait bien que le choix d’un capitaine en lequel le peuple d’Ovalie pourrait se reconnaître sera déterminant… Et à ce titre, le Basque de Saint-Pée incarne peut-être plus que quiconque ces valeurs ancestrales d’authenticité, de rusticité, pour ne pas dire de terroir. "Avec mon frère Alexandre, dès qu’on avait cinq minutes, on se faisait des passes dans le jardin : longues, courtes, en avançant, en reculant… Il n’y avait personne pour nous expliquer, c’était instinctif. Puis je suis allé au club de Saint-Pée, que mon père entraînait, à l’âge de 4 ans. J’ai toujours eu ce ballon ovale dans les mains."

De quoi forger, au-delà d’exceptionnelles qualités athlétiques, un toucher de balle rare chez un joueur du pack, lui aussi inconsciemment travaillé pendant des heures passées à taper la pelote. "À l’école, il n’y avait pas de foot, pas de rugby, mais un préau avec un mur à gauche, confiait-il voilà quelques années à nos confrères de l’Équipe. Je jouais à main nue. C’est forcément technique, il y a un ressenti au niveau de la pelote, des effets à mettre. Le rugby est devenu très physique, mais un toucher de balle est plus important encore. Si tu veux franchir un palier, il faut des mains. Et à n’importe quel poste. " Un discours que Charles Ollivon tenait pour ses premières sélections voilà quatre ans, et qui prend d’autant plus de relief aujourd’hui. Comme une preuve que pour choisir son messager, l’apôtre du geste juste que demeure Fabien Galthié ne s’est probablement pas trompé. "L’histoire est belle à raconter, mais elle est encore loin d’être terminée, conclut Yves Bellumore. Et avec Charles, c’est précisément ça qui est intéressant." Vivement la suite, alors…

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