Ciao Mourad

  • Mourad Boudjellal (Toulon).
    Mourad Boudjellal (Toulon). Icon Sport
Publié le Mis à jour
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L'édito de Léo Faure... L’information, finalement, s’est quelque peu noyée dans le flot des matchs, des transferts et des "bonnes phrases" qui rythment une semaine du rugby français. Mourad Boudjellal qui perd la main sur son RCT, alors, serait une information comme les autres, qui passe et s’oublie ? Certainement pas. Car personne n’est dupe : ce n’est pas un simple jeu d’écriture sur des comptes en banque qui s’est joué à Toulon, ces derniers jours. C’est une destitution en bonne et due forme, un putsch de salons à la force du porte-feuille.

Boudjellal, roi durant treize ans d’un royaume auto-proclamé insulaire, parfois autocratique, est tombé de son trône. Il restera là, fantoche, avatar d’un plus riche que lui, sans plus aucun pouvoir de décision. Pour combien de temps encore ? Personne ne le sait vraiment. Et personne ne peut y être indifférent.

C’est une page, lourde de trophées et d’altercations, de petites et de grandes histoires, qui se tourne. À Toulon, bien sûr, où le nouveau tout-puissant Bernard Lemaître affirme des lendemains aux allures "d’anti-Mourad" : une réflexion économique à long terme, une communication apaisée, une quête de stabilité et un RCT qui ressemblerait, demain, à beaucoup d’autres. Ce club en avait-il fondamentalement besoin? Peut-être. Sûrement, même. Mais pas sûr que le "Ici, tout est différent" y survive.

La parenthèse qui se referme est aussi immense pour le rugby français. Grand Satan pour les uns, grand gourou pour les autres, Mourad Boudjellal se comprend sûrement à mi-chemin entre ces deux considérations épidermiques. Au long de son voyage en Ovalie, le président du RCT a parfois mal fait, parfois très bien. Une chose est sûre : il a toujours fait. En mouvement perpétuel, insatiable d’idées nouvelles et détestant l’immobilisme, il fut incessamment porté par cet esprit d’initiative qui a écrit sa vie tel le personnage d’une de ses BD : loin des normes.

Son scénario, qui se fige subitement en Rade, pourrait toutefois rebondir. Boudjellal a plus d’un phylactère dans sa manche. Il penserait désormais à briguer la place de président de la Ligue. Sa force d’entreprise plaide pour lui, reconnue même par ses plus grands détracteurs. Mais il devra remiser ses éternelles impulsions provocatrices. Ses excitations médiatiques ont parfois paru compulsives et, in fine, contre-productives, lui attirant plus d’ennemis qu’il n’en faut. S’il veut fédérer à des fins électorales, il lui faudra apprendre la mesure sans rien perdre de ses convictions. Pas une mince affaire.

Son nouveau défi est là, immense et intérieur. Il pourra toutefois l’affronter le cœur léger. Pollué de ses arrogances, ses mauvaises fois et ses inimitiés, Mourad Boudjellal était paradoxalement venu au rugby en quête de reconnaissance. Qu’il ne trouva pas à son apogée, jalousé qu’il était quand son RCT accrochait consécutivement trois étoiles européennes à sa veste. Il chute aujourd’hui et, soudain, beaucoup remisent leur défiance pour lui trouver des qualités. Parce qu’il leur ressemble, enfin, un peu.

Tourmenté par la chose, Boudjellal trouvera donc ici de quoi s’apaiser : en même temps qu’il passe la main, il s’installe au premier rang de la grande Histoire de son club. Et celle de tout un sport.

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