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Goze : « J’ai envie d’être optimiste... »

  • Paul Goze, le Président de la Ligue nationale de rugby, se félicite du niveau du Top 14 et de sa phase finale cette saison. Photo Icon Sport
    Paul Goze, le Président de la Ligue nationale de rugby, se félicite du niveau du Top 14 et de sa phase finale cette saison. Photo Icon Sport
  • Paul Goze à Marcoussis avec Bernard Laporte et Jacques Brunel
    Paul Goze à Marcoussis avec Bernard Laporte et Jacques Brunel Icon Sport
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Le Président de la Ligue nationale de rugby est plutôt rare dans les médias. pourtant, au terme d’une saison terminée en beauté par les phases finales de Pro D2 et Top 14, il a accepté le principe du grand entretien. L’occasion de développer sa vision et son analyse du Top 14 au XV de France, en passant par les bleuets et le vent de jeunesse qui dynamise le rugby français sans oublier la LNR et son avenir personnel. voici Paul Goze en version originale.

Midi Olympique : Que retenez-vous de la saison qui vient de s’écouler ?

Paul Goze : D’abord un chiffre, révélateur : le Top 14 a enregistré la deuxième meilleure affluence de son histoire. C’est la preuve que l’engouement populaire est fort. Mais, sportivement aussi, nous avons assisté à un très beau championnat, qui a symbolisé la transformation vers un jeu beaucoup plus ouvert, avec davantage de mouvements, de passes et d’essais. Je m’en félicite très clairement.

Y voyez-vous le lien avec le coup de jeune qui souffle depuis un an sur le rugby français ?

P. G. : Oui, certainement. Les clubs qui ont fait le pari de suivre l’élan de la jeunesse ont trouvé une nouvelle dynamique. Le talent a fait le reste et le nouveau titre de champion du monde remporté par les Bleuets en Argentine va donner encore plus de légitimité à la démarche des clubs. Je suis ravi pour les jeunes français et je tiens à les féliciter. D’abord pour ce doublé historique et ensuite pour leur parcours. Ils ont fait preuve d’un sacré caractère. Quel plaisir !

C’est l’effet du dispositif "Jiff", qui a été si décrié jusqu’ici ?

P. G. : Je le crois. C’est l’autre point positif de la saison : entre les deux titres de champions du monde décrochés par les Bleuets, je me félicite d’avoir vu l’ensemble des clubs respecter le quota de 14 joueurs issus de la formation française. Dès juillet, il en faudra 16 en moyenne. Encore une fois, ce dispositif porte ses fruits avec tous ces jeunes qui ont trouvé ou vont trouver une place en Top 14 ou en Pro D2.

Le rugby français avait besoin de ce nouvel élan alors qu’il a été confronté à quatre décès récemment.

P. G. : Oui, c’est une évidence. Ce coup de jeune est une vraie chance pour notre sport, comme ce nouvel élan vers un jeu plus spectaculaire et offensif qu’a incarné Toulouse. Le Stade est un très beau champion, parfaitement légitime après avoir fait preuve d’une impressionnante régularité cette saison, mais il n’est pas le seul. À l’image des demi-finalistes, d’autres clubs ont basculé vers ce jeu plus offensif et ouvert. C’est extrêmement porteur.

Bernard Laporte, Paul Goze et Emmanuel Macron lors de la finale 2019
Bernard Laporte, Paul Goze et Emmanuel Macron lors de la finale 2019 Icon Sport

Au-delà des dramatiques accidents survenus chez les jeunes, les blessures nous ont fait réfléchir depuis de nombreuses années déjà. La FFR et la LNR ont les mêmes préoccupations concernant la santé du joueur. Après avoir jugulé la problématique des mêlées, nous avons pris à bras-le-corps la question des commotions cérébrales. Là encore, le cheminement et les mesures mises en place, produisent des effets notables : depuis trois ans, on note une baisse de plus de 30 % du nombre de commotions. Et cette saison, c’est encore en baisse sachant qu’en plus nous sommes de plus en plus vigilants pour les détecter. J’ai envie d’être optimiste et je note que ce problème nous a conduits vers une évolution positive du jeu.

Permettez-nous un bémol à propos du Top 14 : la finale tant attendue, entre Clermont et Toulouse, n’a pas tenu toutes ses promesses. Et, si l’on compare avec le championnat anglais, le Top 14 n’est pas encore parvenu à un tel niveau d’intensité…

P. G. : Je crois surtout que les précédentes confrontations entre l’ASM et le Stade nous avaient bercés d’illusions. Le match conclu sur le score de 47 à 44 est un ovni : n’oubliez pas qu’il s’était joué sans enjeu majeur et donc sans aucun rapport avec la réalité d’une finale où seul le résultat compte !

Mais la différence avec la finale anglaise n’en reste pas moins marquée.

P. G. : Et, oui, nous devons encore progresser vers un jeu de mouvement plus intense pour élever notre niveau. Mais je ne crois pas à la nécessité de copier les autres. Copier, c’est singer. Et c’est être toujours à la traîne de quelqu’un… Nous avons des spécificités et une histoire à respecter. Appuyons-nous sur notre culture, améliorons ce qui doit l’être et soyons ambitieux. Enfin, arrêtons de croire que l’herbe est plus verte ailleurs. Les équipes françaises engagées en Coupe d’Europe sont toujours performantes. En fait, l’enjeu principal actuellement concerne les résultats de l’équipe de France qui ne sont pas à la hauteur. Ne cédons pas au pessimisme général.

Un autre marqueur fort de la saison concerne la Pro D2 qui paraît avoir encore élevé son niveau.

P. G. : Elle monte en puissance, avec une phase finale portée par un incroyable engouement populaire. Là encore, le niveau de jeu progresse saison après saison et la deuxième division joue son rôle de terreau du rugby français, avec des jeunes joueurs qui y trouvent un contexte favorable.

Le Président lors de la finale de PRO D2
Le Président lors de la finale de PRO D2 Icon Sport

Pourtant, le fossé reste encore immense avec le Top 14. L’Usap et Grenoble ne sont pas parvenus à suivre le rythme cette saison…

P. G. : Si les clubs de Pro D2 ont jusqu’ici dominé les matchs d’accession que nous avons mis en place, ils ont effectivement des difficultés à s’intégrer au Top 14. Cette année, sur l’ensemble de la saison, ils ont eu du mal à rivaliser. Mais c’est logique, non ? On ne comblera jamais totalement l’écart, l’objectif est d’avoir un niveau plus homogène entre le haut du classement de Pro D2 et la deuxième partie du Top 14.

Que faire pour les aider ?

P. G. : La Ligue apporte déjà un coup de pouce financier important. On peut faire plus mais cela ne gommera pas tous les problèmes. Je crois surtout que cela passe par une Pro D2 plus performante sportivement, qui soit en phase avec tous les modes de gestion du Top 14. C’est notamment pourquoi nous avons décidé de déployer la vidéo en Pro D2 pour la saison 2020-2021. Enfin, la clé réside dans la formation : les clubs doivent s’appuyer sur des joueurs prêts à jouer, qu’ils n’auront pas à recruter à l’étranger.

Les conditions de l’accession de Rouen ont fait débat. Du côté d’Albi, battu en finale, on prétend que la FFR et la Ligue ont poussé à la promotion du club normand.

P. G. : En aucun cas. Si l’on peut voir d’un bon œil des villes comme Rouen, après Vannes, Nevers et Angoulême, rejoindre le rugby pro ça ne veut pas dire que nous l’avons favorisée. La déception du perdant est souvent très forte, vous le savez bien… Je vais vous raconter une anecdote : on m’a déjà fait remonter que du côté de Clermont la rumeur court que nous aurions choisi le groupe de musique qui a assuré le concert d’après-finale du Top 14 en fonction de Toulouse (Bigflo et Oli sont issus de la ville rose). Est-il utile de préciser que le choix a été fait début novembre et qu’à l’époque le Stade toulousain n’était pas encore qualifié pour la finale… Tout ça n’est que fantasme.

Une réalité s’impose : là où le rugby pro conquiert des territoires hors de ses zones habituelles d’influence, il perd du terrain dans certains de ses bastions.

P. G. : Notre défi est là, conquérir de nouveaux territoires en réussissant à conserver une vie dense dans les régions historiques du rugby. Nous ne les sacrifierons jamais.

La Pro D2 progresse mais l’appel d’offres que vous avez récemment lancé pour l’attribution des droits télévisuels n’a pas été fructueux, semble-t-il, pour le moment. Vous le vendez trop cher ?

P. G. : Quatre diffuseurs ont répondu à l’appel d’offres et c’est bien la preuve que cette compétition a de la valeur. Nous poursuivons les discussions afin d’aboutir. Maintenant, il est normal que ce championnat ne réponde pas aux mêmes enjeux que le Top 14 qui est un vrai produit télévisuel et médiatique. Il n’empêche, la Pro D2 est profondément ancrée dans les territoires et leurs développements. Son maillage a de la valeur pour les diffuseurs.

Paul Goze
Paul Goze Icon Sport

Combien vaut-elle ?

P. G. : Ce n’est pas à moi de répondre.

Vous avez récemment annoncé le lancement du Supersevens, championnat professionnel de rugby à Sept, pour 2020…

P. G. : (Il coupe) C’est un projet ancien, en vérité. Mon dada depuis 2014, qui a enfin abouti. Nous n’avions pas eu de résultat avec l’ancienne gouvernance de la FFR que nous avions saisie pour obtenir la délégation d’organisation, cela s’est concrétisé cette année. C’est un formidable projet que nous avons construit avec la FFR. Il doit beaucoup apporter au rugby français et pas simplement au niveau sportif puisqu’il va nous permettre de toucher un nouveau public, d’attirer de nouveaux pratiquants et développer une meilleure compréhension de notre discipline. Pour tout cela, je fonde de grands espoirs dans cette nouvelle compétition qui sera lancée à l’été 2020.

La hache de guerre est-elle enterrée avec la FFR ?

P. G. : Oui. Il n’y a pas de raisons pour qu’elle soit déterrée. Il y a eu quelques frictions au début (en 2018 après l’élection de Bernard Laporte) comme cela arrive parfois lorsqu’il y a des changements au niveau des institutions. Depuis, nous travaillons en parfaite harmonie. La convention qui nous lie est signée jusqu’en 2023, nous avançons ensemble et le rugby pro fait tout pour que l’équipe de France soit la meilleure possible.

Vous parlez de la Convention. Justement, faut-il la revoir pour aller encore plus loin au service des Bleus ?

P. G. : La LNR a pris des engagements forts en aidant notamment la FFR à développer la formation. Nous participons à 50 % du financement des CTC (cadres techniques de clubs) voulus par Bernard Laporte. À compter du 1er juillet, la RIF (réforme des indemnités de formation) sera mise en place et tout contrat pro, pendant dix ans, assurera une réversion à l’ensemble des clubs qui ont participé à la formation du joueur. C’est productif pour tout le monde. Ces deux mesures de grande ampleur marquent une étape essentielle sur notre engagement en faveur de la formation des jeunes générations. Pour le reste, il n’y a pas besoin de revoir la convention actuelle qui prévoit déjà tout et notamment une commission technique chargée d’harmoniser le jeu de l’ensemble des clubs. C’est un travail de fond qui se met en place et qui doit permettre au XV de France d’être champion du monde en 2023. Voilà l’objectif non caché, que tout le monde partage. Si je vous dis qu’il n’y a pas besoin d’une nouvelle convention, c’est que nous n’allons pas tout révolutionner en inventant le fil à couper le beurre. Pour autant, nous ne restons pas figés et l’actuelle convention est en évolution permanente : elle vit au fur et à mesure des aménagements qui sont nécessaires, imposés par l’actualité et les besoins du XV de France.

Parlons justement de la Coupe du monde. Croyez-vous au sursaut des Bleus ?

P. G. : J’espère de très bons résultats. Et ce n’est pas de la langue de bois. Le premier match sera décisif : si le XV de France bat l’Argentine, les portes des quarts de finale seront quasiment ouvertes et tout deviendra possible. Regardez l’équipe de France des moins de 20 ans qui semblait en difficultés mais qui l’a finalement emporté. J’y crois.

Pensez-vous que la présélection, sans Bastareaud mais avec des joueurs plus mobiles, aille dans le bon sens ?

P. G. : Je ne ferai pas de commentaire sur le choix des hommes. Mais, effectivement, certains profils sont intéressants avec la chance donnée à ces jeunes joueurs dont les profils ont été mis en évidence par le Top 14 cette saison.

Un mot sur Jacques Brunel, que vous avez connu à Perpignan. Êtes-vous surpris de le voir ainsi en difficultés ?

P. G. : Il n’échappe pas à la règle : quand tu ne gagnes pas, tu n’es pas à l’aise et souvent seul. Pour autant, je sais que son caractère calme et réfléchi doit lui permettre de traverser toutes ces turbulences. Il a du crédit et de la confiance.

Fabien Galthié est-il l’homme de la situation, d’abord pour épauler Brunel et ensuite pour lui succéder ?

P. G. : Il est compétent et il n’y a pas de raison pour qu’il n’obtienne pas de bons résultats. Il pourra compter sur le soutien des clubs professionnels quand il le demandera. Si à certaines époques les entraîneurs de l’équipe de France ont pu se plaindre de ne pas bénéficier de conditions de travail similaires à celles des autres nations, ce n’est plus le cas. Tout est fait pour que la sélection et les clubs puissent évoluer en parfaite osmose. Il n’y a plus lieu de polémiquer et l’équipe de France a le soutien total du rugby professionnel qui sera son premier supporter. Nous avons tous besoin de résultats positifs et d’avoir une sélection extrêmement forte. C’est même fondamental.

Fabien Galyhié, qui entre dans le staff de l'équipe de France
Fabien Galyhié, qui entre dans le staff de l'équipe de France Icon Sport

Vous terminerez votre deuxième et, logiquement, dernier mandat à la présidence de la LNR en 2020. Mais certains présidents défendent aujourd’hui l’idée de vous voir effectuer un troisième mandat. Qu’en est-il ?

P. G. : Ce n’est pas d’actualité et les statuts de la LNR ne le prévoient pas à ce jour. Surtout, ce n’est pas un sujet que j’ai mis sur la table. Si certains en parlent, c’est leur problème. Moi, je vais tout faire au mieux pour accompagner le développement de Ligue jusqu’au bout de mon mandat et appliquer le plan stratégique mis en place depuis trois ans. Il y a notamment un chantier stratégique qui me tient particulièrement à cœur, celui d’aller conquérir des publics plus jeunes ou présents sur de nouveaux territoires.

Mais si les clubs vous demandent de rempiler ?

P. G. : J’étudierai toutes les perspectives. Je n’ai pas de réponse préétablie. Surtout pas à ce jour. Je vous le répète, ce n’est pas d’actualité.

Les noms de Pierre-Yves Revol et Alain Tingaud reviennent régulièrement pour vous succéder. Selon vous, quel est le profil idéal pour les années à venir ?

P. G. : Le meilleur président sera celui qui parviendra à faire l’unanimité et qui correspondra aux choix des présidents de clubs. Pour moi, son rôle principal sera de fédérer le rugby pro et même au-delà si l’on considère les clubs relégués en Fédérale 1 ou ceux qui aspirent à monter en Pro D2. Tous ont des réalités différentes, des objectifs différents et des vocations différentes. Comme dans la société qui nous entoure, le bien vivre ensemble est primordial. Tout le monde doit aller dans le même sens.

Le dernier comité directeur de la Ligue, la veille de la finale du Top 14 a pourtant laissé entrevoir quelques oppositions entre les hommes. Ne craignez-vous pas que la période qui s’ouvre d’ici aux élections fige l’institution dans des combats politiques ?

P. G. : Cette période doit être circonscrite dans le temps, c’est essentiel. L’action et les projets doivent rester nos moteurs le plus longtemps possible. J’y veillerai avec force, pour fédérer toutes les forces vives et que nous puissions continuer à travailler tous ensemble dans l’écoute et le respect. Voilà les principes qui ont présidé à la création de la Ligue, il y a vingt ans. Nous les maintenons à ce jour, en avançant sur les projets le plus souvent en harmonie. Voilà ma fierté.

Ce vivre ensemble a quand même pris une sacrée claque avec l’accrochage entre les présidents de Bayonne et Biarritz lors des demi-finales…

P. G. : (Il coupe) C’est un épiphénomène. Un problème ponctuel, délimité à un espace de 7 kilomètres sur les 550 000 km2 que couvre le rugby français… sans parler de l’Outre-Mer. Ce sont des susceptibilités qui renvoient une image catastrophique, je l’ai dit aux présidents et ils ont bien compris qu’ils devaient montrer tout autre chose. C’est dit, n’en parlons plus.

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