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Paroles de capitaines : Vingt ans après, Belot et Lhermet ouvrent la boîte à souvenirs

  • Franck Belot sous les couleurs du Stade toulousain en 1996
    Franck Belot sous les couleurs du Stade toulousain en 1996 Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Capitaines du Stade toulousain et de l'AS Montferrand en 1999, l'ancien deuxième ligne rouge et noir Franck Belot (47 ans, 1 sélection) et l'ancien troisième ligne jaune et bleu Jean-Marc Lhermet (51 ans, 3 sélections) se sont prêtés au jeu de l'interview croisée avant la finale de ce samedi au Stade de France. Les deux hommes à l'emploi du temps très chargé, et qui ont toujours des fonctions au sein de leur club respectif, remettront samedi soir les médailles au finaliste vainqueur et au perdant à l'occasion de la cérémonie protocolaire d'après-match. En attendant, ils ont ouvert en milieu de semaine la boîte à souvenirs.

Midi Olympique : Quel est le premier souvenir qui vous vient en tête concernant le 29 mai 1999 ?

Jean-Marc Lhermet : En ce qui me concerne, il y en a deux principaux. Tout d'abord, la défaite (15-11), une de plus. Ce n'est pas un souvenir forcément très agréable en soit. Mais c'est aussi mon dernier match sur un terrain de rugby puisque j'ai arrêté ma carrière après cette finale. Du coup, cette date représente pour moi un souvenir assez fort.

Franck Belot : Ce fut un moment de joie intense évidemment. Il faut se rappeler que nous avions eu une très forte période de domination au milieu des années 90 avec quatre titres consécutifs (1994,1995, 1996, 1997) et en 1998 nous avions pris une très grosse fessée en demi-finale contre le Stade français (39-3). La victoire face à Montferrand nous a permis de récupérer le bouclier malgré un match très fermé et acharné.

 

Midi Olympique : Les deux équipes se retrouvaient après une première finale au Parc des Princes en 1994 remportée par Toulouse (22-16). Qui était le favori en 1999 ?

J-M. L. : Je ne me souviens plus vraiment de la façon dont la saison s'était déroulée mais il me semble que nous avions abordé la finale avec le costume d'outsider. De par son vécu et son expérience, Toulouse était légèrement favori. Mais ils avaient sûrement dû dire l'inverse durant la conférence de presse d'avant-match (sourires). Globalement, les deux équipes étaient relativement proches sur l'ensemble de la saison.

F. B. : Il y avait des bons joueurs dans les deux équipes et aux quatre coins du terrain. Notre saison avait été un peu bizarre car c'était la première fois que le Stade ne s'était pas qualifié pour les quarts de finale de coupe d'Europe. Nous avions eu des petits remous dans le vestiaire durant l'hiver. Puis au printemps tout était revenu. Dans l'effectif, à part Patrick Soula au talon et moi-même, il n'y avait que des joueurs internationaux à tous les postes. C'était vraiment une grosse équipe, mais elle n'avait pas bien marché durant la première partie de la saison.

 

Midi Olympique : Ce match est marqué par l'arrêt de la carrière du capitaine historique de l'AS Montferrand Jean-Marc Lhermet. Mais aussi par celles côté toulousain de Patrick Soula et de Christophe Deylaud. Comment l'aviez-vous vécu vous qui aviez tout connu avec eux (quatre boucliers de Brennus conquis et une coupe d'Europe en 1996) ?

F. B. : Les deux étaient remplaçants sur cette finale. Ils ne sont pas rentrés et nous aurions aimé au sein du vestiaire qu'ils participent un peu car ils étaient deux joueurs emblématiques du club. Patrick Soula avait fait son école de rugby au Stade et Christophe Deylaud nous avait tellement apporté lors des matchs décisifs.

 

Midi Olympique : Toulouse avait un rituel d'avant-finale et qui était de bénir les deux en-buts avec de l'eau de Lourdes. Existait-il un rituel du côté montferrandais ?

J-M. L : C'était la grande période des rituels et des grigri mais à l'ASM nous n'avions pas de rituel club. Chaque joueur avait son rituel de vestiaire, sa façon de rentrer sur le terrain, de mettre ses chaussures, de choisir sa paire de crampons pour les grands matchs.

Jean-Marc Lhermet, en 2014 devant le vestiaire clermontois
Jean-Marc Lhermet, en 2014 devant le vestiaire clermontois Icon Sport

 

Midi Olympique : Quels étaient les deux vôtres personnels ?

J-M. L : Je préfère ne pas le dire (rires).

F. B. : Franchement, je n'avais pas de grigri. Concernant l'eau de Lourdes, ce rituel perdure toujours. Mais c'est vrai que ça fait un petit moment que nous ne l'avons pas vu (sourires).

 

Midi Olympique : En 1999, le scénario de la finale est marqué à la 30ème minute de jeu par ce premier essai toulousain de Lee Stensness qui intercepte un coup de pied mal dosé de Gérald Merceron. S'agit-il d'un tournant selon vous ?

J-M. L : Lorsqu'on prend cet essai, il n'y a pas le feu à la maison. Ce n'est pas cet essai qui nous met un coup sur la calebasse. C'est surtout le deuxième inscrit par Cédric Desbrosse à la 52ème. À ce moment-là l'écart passe à neuf points (15-6) et commence à se creuser. Mentalement, c'est devenu plus dur même si à la fin nous arrivons à réagir avec un essai de Nicolas Nadau à la 71ème (15-11).

 

Midi Olympique : Justement, la fin de match avait été crispante côté toulousain non ?

F. B. : Tout le match avait été difficile et tendu ! Nous avions des joueurs avec une belle stature pour tenir le coup mais en face il y avait de sacrés clients que ce soit Manu (Emmanuel) Menieu en première ligne, David Barrier en deuxième ligne ou encore Arnaud Costes en numéro 6. Ça ne rigolait pas trop. Je n'ai pas de souvenir d'un quelconque relâchement de notre part. Jusqu'au bout il avait fallu tenir le coup. Et puis on sentait chez les Clermontois l'envie d'en découdre car ils en avaient marre de perdre des finales.

 

 

Midi Olympique : Aviez-vous été surpris de la ferveur qui avait accompagné cette finale, notamment du côté clermontois ?

J-M. L : Franchement non. On s'y attendait car la génération des années 90 avait su créer un lien très fort avec les supporters. En 1994, nous avions senti une vague jaune et bleue qui était montée toute la saison. En 1999, le soutien avait été fort tout au long de la saison régulière et encore plus sur les phases finales. Le quart de finale face à Castres à domicile (36-31) s'était disputé dans une ambiance incroyable. La demi-finale au stade de Gerland à Lyon (victoire contre Grenoble 26-17) avait aussi amené beaucoup de supporters. Le seul problème qu'il y avait déjà au Stade de France c'était le nombre de billets alloués aux clubs. Nous n'avions pas pu obtenir autant de billets que nous le désirions malgré un engouement populaire incroyable et une capacité de remplissage double par rapport au Parc des Princes.

 

Midi Olympique : En 1999, quel sentiment prédomine par rapport à 1994 et la défaite 22-16 ?

J-M. L : Les deux histoires et les deux contextes sont totalement différentes. En 1994, nous n'étions pas programmés pour aller en finale. L'équipe était neuve avec de nombreuses arrivées. On ne pensait pas faire une telle saison. Tout ce qui nous arrivait en phases finales n'était que du bonus. Je me souviens qu'on gagne en quart de finale à Lyon contre Toulon (15-8) par miracle alors que le RCT avait écrasé le championnat et que nous étions les derniers qualifiés sur un coup du sort au calcul des cartons. Puis on va gagner les Mammouths grenoblois (22-15) à Nîmes en demi-finale alors que nous n'étions pas favoris. Derrière, de très belles bringues avaient suivi. On abordait la finale comme quelque chose d'inespéré et d'incroyable. On ne s'était pas préparé à être champions.

Jean-Marc Lhermet lors d'un déplacement à Colombes
Jean-Marc Lhermet lors d'un déplacement à Colombes Icon Sport

En 1999, on avait gagné en février un Challenge européen face à Bourgoin (35-16). Ce premier titre avait validé notre début de saison. Nous étions plus ambitieux et on s'était mis dans la tête qu'il fallait aller chercher quelque chose en plus. J'étais capitaine de l'équipe et je savais que je disputais ma dernière saison. Notre approche était plus professionnelle et le rugby avait pas mal évolué. Tout était plus programmé, structuré. Cette fois-ci nous nous étions préparés pour gagner.

 

Midi Olympique : Toulouse sortait de son côté d'une période faste et d'années dorées...

F. B. : Il y avait eu de très belles années, et comme je l'ai dit auparavant, nous étions vexés. Après 1996 et 1997, il n'y avait pas eu un changement générationnel mais de nombreux joueurs étaient partis comme Philippe Carbonneau et Thomas Castaignède. En 1998, des joueurs non formés au club avaient été intégrés comme Franck Tournaire, Fabien Pelous, Christian Labit et Yann Delaigue. Ce qui n'était pas parti était l'envie de gagner. C'était complètement différent de 1994. En 1993 nous avions gagné le Du Manoir. Et à part Claude Portolan, Albert Cigagna, Jérôme Cazalbou et Christophe Deylaud, l'équipe n'était composée que de mecs de 20 ans qui sortaient des Reichel. Le titre nous était tombé dessus. En 1999, nous étions à la reconquête du bouclier avec des joueurs de très haut niveau dans un Stade de France tout neuf puisque c'était également notre première dans cet écrin. C'est un stade grandiose, magnifique, mais il n'y aura jamais à mon sens l'ambiance que nous avons pu connaître au Parc.

 

Midi Olympique : Comment s'était passé le retour dans vos villes respectives après cette finale ?

F. B. : Pour notre part, il avait été évidemment très festif. Il y avait eu le traditionnel cortège depuis l'aéroport de Toulouse- Blagnac puis la présentation du trophée à la foule sur la place du Capitole avec une grosse soirée derrière. Nous avions senti, vu beaucoup d'effervescence.

J-M. L : Malgré la déception, le retour avait été festif car nous sortions d'une grosse saison. Il y avait eu une belle communion tout au long de la saison et c'était l'occasion de célébrer le Challenge européen de février. C'était un beau moment de partage avec nos supporters.

 

Midi Olympique : 20 ans après les deux clubs se retrouvent au même stade. Il y a une statistique en défaveur de Clermont avec quatre défaites pour autant de matchs joué en finale contre Toulouse. Cela comptera t-il ?

J-M. L : Justement, je crois que les statistiques parlent pour nous. Les mathématiciens rétorqueraient qu'on n'a jamais autant de chances de gagner que maintenant puisque nous en avons déjà perdu quatre (sourires). Plus sérieusement, rien n'est comparable. Le rugby, les joueurs, les entraîneurs, les systèmes de jeu, tout évolue tellement vite....Par rapport à la dernière finale de 2008 perdue (26-20) face à Toulouse il ne reste que Davit Zirakashvili dans l'effectif actuel et le groupe clermontois. Lorsque vous parlez des finales contre le Stade toulousain aux joueurs actuels il vous regarde avec des grands yeux. Ils connaissent l'histoire et le palmarès de l'adversaire mais ce match est incomparable par rapport à tout ce qu'il y a pu se passer avant. Les deux équipes partent sur une même ligne de départ et tout reste à écrire sur les 80 prochaines minutes.

F. B. : Je suis plutôt d'accord avec Jean-Marc. Après la saison régulière, un nouveau championnat a démarré. En 1999, des joueurs des effectifs actuels n'avaient que deux ou trois ans. En 1994, certains n'étaient pas nés. Les joueurs de Toulouse, si vous ne leur expliquez pas, ils ne savent pas que Clermont a perdu autant de fois en finale contre le Stade. D'autant que Clermont a des joueurs neufs, renouvelés qui n'ont certainement pas dans leur tête la pression qu'ont eu la génération à Jean-Marc et celle qui a suivi, celle du club qui ne gagnait pas en finale... L'ASM a fini par gagner. Toulouse ne s'est pas qualifié il y a deux ans pour les phases finales, la saison passée c'était Clermont. Chacun a quelque chose à prouver. Je pense que le passé aura peu de prise là-dedans.

Franck Belot lors d'une réunion à la LNR
Franck Belot lors d'une réunion à la LNR PATRICK DEREWIANY

 

Midi Olympique : Ce qui ne change pas donc c'est cette impression de respect entre les deux clubs ?

J-M. L : Je crois, en toute humilité, que ce sont deux institutions qui ont marqué et qui marquent toujours le paysage du rugby français. Il y a un passé, un historique qui plaident pour ces deux équipes. Tous sports confondus, elles sont au plus haut niveau de leur discipline sans discontinuer depuis 1925. C'est assez incroyable comme histoire. Au-delà, les deux clubs se retrouvent sur leur façon de fonctionner. Il y a des courants différents dans le rugby, le professionnalisme a créée des façons de construire différente avec des personnalités de dirigeants et de présidents. L'ASM et le Stade toulousain au sein de cette évolution ont su garder un cap qui se ressemble en termes de vision du rugby et de management des joueurs mais aussi de systèmes de jeu. Il y a toujours cette volonté de produire. Cela montre que ces deux clubs se respectent et se ressemblent. Ce n'est pas juste un discours pré-finale pour faire joli. Il y a beaucoup de respect entre les anciens joueurs, les dirigeants et les joueurs actuels.

F. B. : Toulouse et Clermont sont structurés et ont une vie économique complètement différente. Néanmoins, ce qui est apprécié à Clermont est la sagesse des dirigeants, leur tranquillité et leur discrétion. C'est un club fort, puissant, discret qui ne parle pas pour rien dire et ne met pas de l'huile sur le feu. Le Stade toulousain apprécie vraiment cette façon de faire et d'aborder le rugby professionnel. Sur la partie sportive, l'ASM est plutôt dans l'excellence sur le moyen terme et le très long terme. Je suis quand même assez admiratif de leur public. Le public toulousain a eu la chance de ramener de nombreux trophées à la maison, Clermont a été sevré de ce côté-là. Mais leurs supporters ont toujours été au soutien de leur équipe en étant très respectueux des autres, c'est admirable. C'est un club qui porte beaucoup de valeurs et qui ne semble pas être dans la ligne du rugby actuel professionnel. Je le regrette. Il y a un grand respect entre nous.

 

Midi Olympique : Dernière question, que vous souhaitez-vous pour cette finale ?

F. B. : Que voulez-vous que je dise ? (rires) Je souhaite très sportivement que Jean-Marc perde et que le Stade toulousain gagne. Après, ce sera la vérité du terrain et elle sera respectable. Bonne chance et que le meilleur gagne.

J-M. L : En toute franchise, je souhaite que l'ASM gagne. J'espère que cela fera un beau spectacle à la hauteur de ce qu'on attend de ce sport. Le rugby a besoin de pouvoir montrer des choses positives. Nous avons eu une saison pas toujours réussie en termes d'images et de public avec les résultats difficiles de l'équipe de France et quelques affaires à droite et à gauche. Cette finale est l'occasion de bien terminer la saison.

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