Blanc: "Galthié et Ibanez, les deux plus compétents pour succéder à Saint-André"

  • Eric Blanc, ici en discussion avec le manager de Toulo
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  • Virimi Vakatawa a été très rapidement intégré au sein de France 7
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  • Rory Kockott était l'une des attractions de ce premier jour du stage préparatoire des Bleus
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Lors de cette seconde partie de l'entretien avec Eric Blanc, l'ancien Racingman revient sur le XV de France et sur la succession de Saint-André notamment.

Eric, un mot sur l'arrivée récente de Serge Blanco: est-ce plutôt une bonne chose ou est-ce discutable ?

Eric BLANC: Le fait que Serge arrive prouve bien qu'il y a un dysfonctionnement, un problème. Surtout que j'entends parler PSA (Philippe Saint-André le sélectionneur, ndlr) qui dit que le groupe vit bien mais qu'il n'y a pas de résultats. D'un autre côté, Serge Blanco parle de réunir les hommes, redonner de l'envie. Serge va apporter son expérience, son vécu et l'envie de refaire autour de l'équipe de France ce qu'il avait instauré avec les Barbarians. A savoir une certaine liberté de parole et de fréquentations mais aussi essayer de se mélanger. Je pense que le problème des joueurs professionnels d'aujourd'hui, c'est qu'ils vivent autrement et ont d'autres centres d'intérêt. Il n'y a pas de visibilité réelle du projet de jeu. On change beaucoup de joueurs à des postes clés, notamment à la charnière et au centre. On doute sur beaucoup trop de postes et à un certain moment, il n'y a plus de fil conducteur. Avec le trop faible taux de victoires de cette équipe et le manque de cohésion, on n'avait pas le choix : il fallait redistribuer les cartes. C'est un bon signe notamment de faire "péter" ce groupe de trente qui était un peu le "cul dans la soie". Blanco, dans un sens, il va pouponner, faire du babysitting. Il peut rassurer, donner quelques conseils. D'après ce que j'ai compris, Serge était juste là pour les rapports entre la Fédé et les clubs, gérer les problèmes administratifs et juridiques qui peuvent opposer les uns et les autres. Mais d'un autre côté, quand on connait le personnage, il aime renifler le gazon et il a encore les crampons aux pieds et ce qu'il l'intéresse, c'est cette équipe de France. Il est un des personnages qui incarne le bleu blanc rouge rugbystique.

Doit on y voir l'arrivée de Blanco à la présidence de la FFR après la Coupe du monde ?

E.B.: De toute façon, il fait un duo, un attelage avec Pierre Camou et l'élection arrive en 2016. Ce qui est bien pour le rugby, c'est qu'il y a un client, un combattant en face qui s'est présenté : Bernard Laporte. Il va avoir un adversaire de taille qui connait le système. Si Bernard arrive avec la sulfateuse, ça va être compliqué. Après, c'est une question de réseaux. C'est un président pour une voix donc ils vont tous partir en campagne et on va bien voir leurs projets. Ce qui va être intéressant également, c'est de voir qui va venir autour de la liste de Bernard Laporte. Blanco est légitime après avoir été Président de la Ligue. Il a une destinée à la Platini. Quelles que soient ses activités professionnelles, sa vie à Blanco c'est le rugby. C'est un enfant de Ferrasse et Fouroux qui a toujours vécu et grandit dans ce milieu. 

Le VII, c'est exceptionnel en termes de formation

Quel serait, selon vous, le remplaçant idéal de Philippe Saint-André au poste de sélectionneur du XV de France ?

E.B.: Il y en a deux qui se dégagent en prenant en compte leur passé de joueurs et d'entraineurs: Galthié et Ibanez. Fabien Galthié, ses idées sont claires, on sait ce qu'il veut. Il a cette expérience de joueur et d'entraîneur. Quand à Raphaël Ibanez, c'est un jeune entraîneur mais à Bordeaux-Bègles, il a su s'entourer de compétences. C'est lui le chef qui décide à la fin mais j'ai l'impression que chaque membre du staff discute, échange avec les autres. C'est à la fois très intéressant mais surtout très enrichissant. Ibanez ne tue pas les personnalités. Ce sont pour moi les deux plus compétents aujourd'hui : ils ont quarante ans passés, ils ont connu la fin du rugby amateur, vivent dans un monde moderne avec une très grande expérience du rugby professionnel, que ce soit en club ou en équipe nationale. Ce sont deux très bons profils. Je les vois plus dans un rôle de manager comme PSA et avec des entraîneurs choisis par leurs soins tout en restant proches du gazon.    

Je vous connais passionné de tous les rugbys : que est votre avis sur le rugby à VII ?

E.B.: Le VII, c'est exceptionnel en termes de formation. J'ai connu cette discipline en faisant le tournoi de Hong-Kong puis en y assistant comme spectateur lors de mes déplacements professionnels et j'y ai vu les plus grands joueurs comme Campese, Little, Horan ou encore Jonah Lomu. Tous ceux qui ont fait les grandes heures du rugby mondial s'y affrontaient. Quand tu fais une voire deux années de VII, c'est la plus belle des formations. Et c'est mieux que le XV car tu touches davantage de ballons, tu as davantage de temps de jeu. En France, on devrait développer des tournois pour les jeunes de 15-18 ans, notamment un championnat Espoirs de VII. Bien sûr, cela coûte de l'argent mais c'est à la Fédération d'aller chercher de nouveaux partenaires.

Virimi Vakatawa a été très rapidement intégré au sein de France 7
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Vous côtoyez également le rugby amateur pratiqué par les jeunes: que vous inspire-t'il ?

E.B.: Je veux bien que l'on s'occupe de l'élite mais il faut aussi s'occuper de la masse, de nos jeunes et les faire jouer de temps en temps car ils sont en retard athlétiquement et physiquement. Certains arrêtent le rugby car ils ne jouent plus ou pratiquement plus dans leur club. Ils n'ont pas le temps de s'épanouir et sont très déçus. Ce ne seront probablement pas des internationaux et on le sait mais quand tu as 15, 16, 17 ou 18 ans, broyer certains esprits, je trouve cela dommageable mais aussi contraire à la pratique et au développement du rugby de masse. Je trouve que l'on ne dynamise pas assez en étant trop dans la "champioélite". On est trop concentrés sur les trente soi-disant "meilleurs jeunes" qui feront l'équipe de France de demain. On peut prendre un exemple récent avec le jeune Charles Ollivon du côté de Bayonne qui n'a fait aucune sélection de jeunes en équipe de France et qui tape à la porte du XV de France aujourd'hui. Il faut donc faire très attention à cette sélection des "meilleurs". Je suis aussi pour que l'on fasse jouer tous ces jeunes et le plus souvent possible.

La compétition qui pourrait permettre à nos jeunes de s'affirmer, c'est la Fédérale 1. Mais pas à quarante clubs mais à seize afin de monter progressivement ces jeunes vers le haut niveau

Ces dysfonctionnements ne viennent-ils pas d'un problème des compétitions amateurs ?

E.B.: Il y a des discussions au sein de la Fédération et c'est parfois houleux car tout le monde n'est pas d'accord avec le rythme des compétitions. Puisque vous me donnez la parole, je vais donc en profiter pour dire ce qu'il serait temps de moderniser. La Fédérale 1 c'est 40 clubs, la Fédérale 2 c'est 80 clubs et la Fédérale 3 c'est 160 clubs. C'est une hérésie totale ! Je ne sais pas si un président sera assez courageux pour créer une Fédérale 1 sous la forme d'une poule unique où l'on ne prendrait que seize clubs qui ont le potentiel pour pouvoir monter en Pro D2, où les déplacements seraient financés par la Fédé et où je suis certain qu'une télévision, retransmettrait des matchs et par là même, pourrait revaloriser les sponsors. Pourquoi je dis cela ? Je suis pour que la Pro D2 devienne un laboratoire mais comme il y a déjà beaucoup d'étrangers et qu'il y a les mêmes règlements qu'en Top 14, en fin de compte, la compétition qui pourrait permettre à nos jeunes de s'affirmer, c'est la Fédérale 1. Pas à quarante clubs mais à seize afin de monter progressivement ces jeunes vers le haut niveau. La réforme de la Fédérale 1 est essentielle !

A l'approche des test automnaux, évoquons le jeu du XV de France...

E.B.: Sur le XV de France, ce qui est un peu gênant, c'est que l'on a du mal à déchiffrer le style mis en place et les choix par rapport au jeu et aux joueurs ! Il faut avoir des lancements plus créatifs et avoir une vraie volonté de se dire que l'on ne pourra gagner la Coupe du monde que si l'on travaille en amont. Or, nous ne le faisons pas. On dirige cette équipe de France à la petite semaine avec les tournées, le Tournoi des 6 nations, les statistiques, les comparaisons avec le prédécesseur et tout cela n'est pas bon ! Prenons l'exemple des Australiens. Aujourd'hui, ils rebâtissent leur groupe et même si ils terminent troisièmes du Four Nations depuis quelques années, ils jouent avec de jeunes joueurs à qui on donne le droit à l'erreur. Leur schéma de jeu est très clair, leur ambition est collective. ce n'est pas juste "la balle à l'aile". C'est une même pensée collective rugbystique avec un fil conducteur. C'est le jeu qui doit commander ce que tu dois faire avec une technique irréprochable et surtout une évaluation de joueurs qui sont forts dans le déplacement, dans la vitesse, dans la technique et la lecture de jeu. C'est là où l'on doit aussi former. C'est une question de détermination et de volonté du rugby français. C'est avoir le courage de ses idées. Même si le XV de France parle de jeu moderne et de statistiques, on a l'impression qu'ils ne sont pas totalement sûrs d'eux et sur la forme de jeu à employer. Les trois (Saint-André, Bru, Lagisquet, ndlr) sont-ils réellement complémentaires ? On parle de PSA mais c'est un trident qui fonctionne. On ne demande pas au sélectionneur de nous expliquer dans quel cadre il a pris l'équipe de France puisqu'il en connaissait tous les problèmes (le calendrier, les blessures, mises à disposition des joueurs...) mais plutôt de trouver des solutions. On te juge sur la transformation de la matière que tu prends et sur ce que tu vas en faire. Le président de la FFR, Pierre Camou, offre une certaine liberté au staff et ne me semble pas leur mettre une énorme pression. Mais malheureusement, il y a trop d'appréhensions dans la structure mentale et aussi peut être des choix de joueurs discutables. Il y a trop d'hésitations et de changements.

Si demain tu as cinq Fidjiens qui jouent derrière en équipe de France, même si j'adore ces joueurs, cela ne me parlera pas. Ils n'incarneront pas à mon sens l'équipe de France

En tant qu'"ancien combattant" du rugby français, voir cette liste de joueurs étrangers doit vous faire bondir...

E.B.: Oui et non. Non parce que le règlement le permet. Ce sont des mecs que l'on voit jouer chez nous depuis au moins trois ans. Il y a une loi, d'autres pays l'utilisent. On est dans un monde moderne avec une liberté de circulation des hommes et de l'argent donc rien ne me choque. Après, si cette loi n'existait pas, ce n'est pas moi qui pousserais pour que les étrangers jouent en équipe de France. Je n'ai pas deux discours mais je m'adapte à la juridiction rugbystique internationale. Après, il est vrai que ce serait une bonne chose de proroger le temps passé en France, du style "au minimum cinq ans" par exemple ou changer la loi. Tout le monde n'a pas l'air d'accord au niveau mondial. Il faut que ces joueurs apportent une plus-value mais qu'est ce que cela veut dire une plus-value ? Certains diront que Kockott est le top à son poste et d'autres se poseront la question de l'intérêt de faire venir ce joueur quand le rugby français possède des Parra, Machenaud, Tillous-Borde et consorts. Chacun a ses idées et ses analyses. Il est vrai que si tu vois débarquer cinq, six, sept... joueurs étrangers alors qu'ils n'ont jamais été sélectionnés auparavant, cela risque de tousser dans les chaumières. Je ne porte pas un jugement de valeur sur les hommes car ils sont bons et intègres mais il faut bien comprendre mes propos. Si demain tu as cinq Fidjiens qui jouent derrière en équipe de France, même si j'adore ces joueurs, cela ne me parlera pas. Ils n'incarneront pas à mon sens l'équipe de France. Le dosage doit être fait de façon intelligente et non massive car cela ne correspondra pas à notre équipe nationale et beaucoup de gens se détourneront de cette sélection. C'est un sujet brûlant.

Qu'avez-vous envie de dire pour conclure ?

E.B.: Je n'attends pas que les Bleus gagnent tout le temps car beaucoup de joueurs formidables ont perdu mais il me tarde voir l'équipe de France avec une véritable cohérence, une vraie envie d'avancer collectivement avec un peu plus de spectacle. On ne peut se réaliser que si l'on est bien dans un collectif. Que tout le monde soit à sa place, ait bien compris le message, se mette au service du collectif et fasse du jeu. Faire du jeu, c'est un ensemble d'ingrédients comme l'alternance dans le combat, le déplacement, la puissance, la vitesse, la technique, la lecture de jeu. Sur tous ces points, on devrait avoir des principes sur lesquels il n'y aurait aucune discussion. Dans le rugby, il faut répondre à ces critères de sélection et tout le monde doit aller dans le même sens avec force, conviction et enthousiasme. Et même si il y a deux-trois défaites, on doit continuer dans ce sens car il faut croire que ce jeu-là nous apportera. D'abord pour les joueurs car il leur apportera beaucoup de plaisir et il en donnera aussi. Et puis, il faut susciter des vocations et amener tous nos jeunes à rêver de ce sport. Il faut garder la même ligne de conduite et arrêter de slalomer car on se fait "chier" sur le long terme. Et il pourrait y avoir un désamour entre l'équipe de France et ses supporters.

Rory Kockott était l'une des attractions de ce premier jour du stage préparatoire des Bleus
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